Entrevues avec les artisans du film 10½

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J’ai vu, en grande première sur invitation de presse, le film 10½. Deuxième film de Daniel Grou (Podz) qui le réunit à nouveau avec son acteur fétiche Claude Legault, dans un scénario de Claude Lalonde et produit par Pierre Gendron de Zoo Films. Le film prendra l’affiche le 29 octobre prochain. Mon appréciation du film se trouvera dans la section cinéma à compter du 28 octobre.
Entrevues :
J’ai rencontré, mardi le 19 octobre, à l’auberge Saint-Antoine à Québec, les comédiens Claude Legault et Robert Naylor ainsi que le producteur Pierre Gendron et le réalisateur Daniel Grou (Podz).
Questions pour Podz
Comment avez-vous trouvé ce jeune acteur Robert Naylor?
« En audition. C’est un comédien qui a fait une couple de petites affaires. Il a fait beaucoup de voix dans des dessins animés, en anglais et en français. On a vu environ 25 petits comédiens. Ils étaient tous très bons, mais Robert avait quelque chose de plus pour ce rôle-là. Il va être dans le film Immortals avec Mickey Rourke bientôt aussi. »
Diriger des enfants dans un contexte où il y beaucoup de référence au sexe et à la violence est-ce difficile de les approcher avec ces sujets?
« Certaines scènes étaient un peu plus difficiles à aborder. Tu parles à des enfants de 12 ans, mais un moment donné tu dis, bon c’est ça la scène à tourner et j’y vais le plus honnêtement possible. Je leur dis exactement ce qu’ils ont à faire et il n’y aura pas de compromis. C’est la meilleure méthode à prendre, je pense. Quand t’es sur le plateau, ton devoir est d’être le plus direct, honnête possible avec ton comédien et de bien le guider là-dedans. Finalement, cela a été super simple. Chacun des enfants avait son rôle et sa particularité à jouer. Du moment qu’on leur dit quoi faire à tout moment dans chaque scène, alors tout va bien. Il s’agit de bien les occuper, et même de les faire improviser. »
Au début du film, on voit que c’est écrit que ça se passe en 2001. Pourquoi en 2001?
« C’est par respect que j’ai fait cela. Pour les éducateurs que j’ai rencontrés. Parce que maintenant, les centres de jeunesses ne sont plus tout à fait comme on les présentent dans le film, aujourd’hui. Ce n’est plus barré à clé pour les 8 à 12 ans. Il y a plus de médicaments, mais il y a moins de portes barrées. Cependant, c’était la réalité en 2001 par exemple. Je ne voulais pas non plus faire un drame social et faire le constat de notre système en matière d’éducation à l’enfance. En le situant dans le passé, on évite alors ce genre de comparaison. »
Donc vous êtes allé voir comment ça se passe dans un centre pour voir ce qu’était la réalité? Et y avait-il un éducateur sur le plateau pour vous guider?
« C’était bien important pour moi d’aller dans un centre pour voir. Tu vois les objets que les kids ont, comment ils s’occupent sur place. Les directeurs artistiques sont allés dans les centres pour prendre des photos de l’école, de la classe, de la couleur des murs. Tout cela enrichit le propos et fait que tu y crois. Il y avait un éducateur sur le plateau qui joue un rôle en plus dans le film, comme agent de sécurité. Je lui posais des questions. Un moment donné après deux ou trois jours j’avais compris, mais il était là pour aider Claude aussi. Il a par exemple expliqué que l’éducateur essaie toujours de capter l’attention de l’enfant, pour qu’il le regarde en parlant. J’aime cela, mettre du vrai monde qui font le métier dans mes films. Pour des ambulanciers, je prends toujours de vrais ambulanciers, même chose pour les infirmières et les policiers, si je peux, je prends des vrais. Par exemple, les policiers du film les 7 jours du talion, tu vas les revoir dans la série Police. C’est cool, car ils agissent comme de vrais policiers, tu n’as pas besoin de leur dire comment mettre les menottes, ils le savent déjà. Moi mon but c’est que toi comme spectateur tu te sentes là, avec Tommy dans le centre. J’ai donc tout fait pour cela
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Questions pour Robert Naylor
Qu’est-ce qui a été le plus difficile pour toi dans ce rôle intense à jouer? Les scènes de violence où tu dois te jeter partout?
« Le film en général a été épuisant, physiquement et émotivement. Les scènes violentes et celles plus fragiles étaient difficiles à jouer. Et quand j’arrivais à la maison, je me couchais, car j’étais épuisé. C’était difficile à faire, mais j’aime être sur un plateau, j’adore jouer, être comédien, alors il y a comme une balance dans tout cela. Le fait que j’adore faire cela, alors c’est moins difficile pour moi. À travers cela, j’enrichis mon expérience. »
Est-ce que c’est ce métier que tu veux faire dans la vie, car je sais que tu aimes jouer de plusieurs instruments de musique aussi et que tu as d’autres intérêts dans la vie?
«Il y a toujours d’autres options qui m’intéressent, mais être acteur est numéro un sur ma liste. C’est vraiment la plus grande passion que j’ai découverte dans mes quatorze années sur la planète. Alors, je me dirige vers cela, mais je veux me donner des plans B disons, des deuxièmes options si ça ne fonctionne pas.»
Tu travailles déjà en doublage, dans des pubs, et maintenant un premier grand rôle et d’autres rôles qui s’en viennent aussi. Comment jongles-tu ce travail avec tes études en plus?
«Pour ce film-là, j’ai manqué trois mois d’école. Je suis parti en mars et je suis retourné en mai. Et les professeurs le savent aussi, ils sont compréhensifs. Sur le plateau par exemple, j’ai un tuteur et entre les scènes, si on a du temps, je vais aller avec le tuteur et je fais des travaux scolaires. Ce que mes parents essaient de faire aussi, c’est de ne pas trop me suffoquer non plus avec le travail. Ils savent que j’ai beaucoup de préparation à faire pour le rôle, en plus d’apprendre les textes et jouer le rôle. Ils essaient de bien me balancer ce que j’ai à faire.»
Sur le plateau, tu as Félixe Ross qui joue le rôle de ta mère et qui est aussi la coach des jeunes sur le plateau. Comment t’a-t-elle aidé à te préparer pour ton rôle?
«Je n’avais jamais travaillé avec une coach et j’étais quelqu’un qui apprenait seul et bâtissais moi-même mes personnages. Mais Félixe, m’a vraiment aidé, car elle ne décidait pas pour moi, mais quand il y avait deux choix de routes possibles, quand j’en choisissais un, elle me guidait dans ce parcours. Au début aussi, j’avais un petit malaise à demander des choses à Podz, des changements que je voulais amener, des nuances dans mon rôle. Et c’est vraiment elle qui m’aidait à verbaliser cela. Un peu comme une liaison entre moi et le réalisateur.»
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Questions pour Claude Legault
Comment avez-vous créé ce personnage de l’éducateur du centre jeunesse qui est à l’opposé des rôles qu’on vous a vus joué souvent de tough, de policier, doorman ?
« Je disais à Podz que cet homme-là ne ressemblait à rien. Je voulais du linge mou. Je voulais aussi me grisonner un peu plus. Le gris dans mes cheveux, je l’ai accentué, je me suis laissé pousser la barbe. Il n’est pas négligé, mais il ne porte pas attention à ça le physique. Les lunettes un peu démodées. Il n’a pas d’argent à mettre là-dessus. Ces travailleurs ne sont pas des gens riches dans ces milieux. Pour lui, tout ce qui compte c’est sa mission, c’est s’occuper des kids. Sa grande patience aussi était importante. Sa force c’est sa patience.»
Est-ce que tu es allé dans un centre voir le travail des éducateurs, pour t’inspirer dans ton personnage?
«Je suis allé dans un centre jeunesse passer une journée complète. J’ai parlé avec les éducateurs, mais aussi avec les jeunes. J’ai mangé avec eux. J’ai fait du sport avec eux. J’ai aussi parlé beaucoup avec Claude Lalonde (qui a écrit le scénario) qui est un ancien intervenant. On a fait le tour du texte au complet ensemble. J’ai parlé avec Podz beaucoup aussi. J’ai regardé des documentaires là-dessus également. Le reste, je me le suis meublé à partir de ce que j’avais dans ma tête, et ce que j’aurais aimé être si j’avais été un intervenant, quelqu’un d’extrêmement patient
3e film dans lequel vous jouez, qui a été écrit par Claude Lalonde. Qu’est-ce que vous aimez de son écriture pour vouloir interpréter les rôles qu’il invente?
«Je pense que c’est quelqu’un qui a une plume très humaine, même en comédie. Sur les trois p’tits cochons, c’était très drôle, mais il y avait un côté très acide et très noir, très dur. Une ironie qui était vraiment déplaisante et donc savoureuse finalement. Et dans ce film-là 10 et demi, son vécu était là. Mais le texte, c’est une matière première, on le change, on joue avec. Un texte, ça ne peut pas être monolithique et ne pas bouger. Sinon ça va paraître que c’est écrit. Il faut que ça ait l’air d’être véridique. On coupe des lignes, on les met à l’envers. On peut mâcher les mots, ne pas finir les phrases en parlant. C’est normal ça. En plus, ils nous faisaient improviser aussi. Le p’tit (Robert) avait cette capacité là aussi. On est tombé sur un enfant génial. Le film repose sur lui, on n’aurait pas pu avoir ce film sans avoir un enfant aussi génial que lui. Donc, quand le texte est fort à l’origine, c’est comme un bloc de pâte à modeler et tu peux jouer avec. Mais si ta pâte à modeler est de mauvaise qualité, alors là tu ne peux rien faire. »
Prochain projet, avec Podz à nouveau, la série Police à la télé. C’est quoi cette nouvelle émission?
« Cela fait un mois et demi que l’on est là-dessus. C’est une série qui verra le jour en janvier 2011 sur Radio-Canada,  que j’ai conçu avec Réal Bossé et écrit aussi avec Joanne Arseneau et Danielle Dansereau. C’est une série sur des patrouilleurs de la ville de Montréal. Oui j’ai joué un policier dans Filière 13, mais cette fois-ci, vous allez voir qu’il y a une grande différence entre un détective et un patrouilleur. Cela n’a rien de pareil comme job. C’est comme un plombier et un électricien. Ils ne jouent pas dans les mêmes tuyaux.»
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Questions pour Pierre Gendron
Pourquoi dire oui à un projet qui parle des centres jeunesse, des travailleurs sociaux?
«Je travaillais avec Claude Lalonde sur les trois p’tits cochons et il m’apprend qu’il a déjà travaillé dans des centres d’accueil, des institutions spécialisées, comme intervenant, il y a une dizaine d’années. Et il avait envie de faire un film là-dessus. Et il ne voulait pas en faire une comédie. Pour ma part, c’était un univers qui me préoccupait déjà. Et en plus, je pensais faire un film sur notre futur, car nos enfants c’est notre futur. C’est une bonne motivation pour un producteur, mais aussi pour faire un beau projet de société. C’est ce qui me motivait. J’ai toujours eu l’esprit un peu Don Quichotte et de sortir du main stream. »
Pourquoi Podz comme réalisateur?
« . D’abord, pour chaque film que je produis, avec l’auteur on travaille toujours une première version du scénario et à la lumière de ce scénario, je sais qui serait le meilleur pour le réaliser. Dans le cas de 10 et demi, juste avec le synopsis, j’ai approché Podz, que je connaissais, car on travaillait sur d’autres dossiers. Je savais que ça lui irait comme un gant. Et c’était la bonne personne pour insuffler à ce film-là une vision particulière. Je pense qu’il a réussi. Nous avons tous réussi notre pari.»
En regardant le film, on a l’impression de regarder un documentaire sur ces centres jeunesse. À part Claude Legault, la plupart des comédiens sont inconnus donnant encore plus l’idée que c’est un documentaire. Était-ce voulu ainsi?
«On s’est même posé la question, est-ce que Claude Legault est trop connu? C’était la volonté de prendre des acteurs non connus, c’était un statement fort en ce sens qu’avec Podz, quand on a décidé d’aller en casting on a pris le soin de choisir des gens qu’on a peu vu au cinéma… Notre intention est super simple, on avait la volonté de le faire comme un documentaire. Vous êtes dans une pièce, il y a un tapis. Nous, ce qui nous a intéressés c’est de lever le tapis et de filmer ce qu’il y a en dessous du tapis. Il n’y a pas d’artifices, on ne met pas de musique. Il n’y a pas d’acteurs connus sauf Claude Legault. On fait l’histoire d’un petit garçon. Les obstacles sont nombreux, mais c’est hypermotivant. Il y a une histoire forte entre un intervenant et le petit garçon. Si l’acteur qui fait le garçon ne fait pas la job, on n’a pas de film. S’il n’y a pas la générosité de Claude Legault qui est au sommet de son art dans ce film-là, qui joue tout en nuance pour laisser toute la place à Robert et aux autres enfants du film, alors il n’y a pas de film… La réaction à date du public est hyperpositive. Je crois fondamentalement que ce film traite de ce nous devrions avoir comme projet de société, non pas comme parent, mais comme citoyen. Ce n’est pas au gouvernement, ni à leurs institutions à s’occuper de nos enfants. C’est à nous comme citoyen de nous doter d’un projet de société qui fasse en sorte qu’on veuille assurer le bien-être de nos enfants. C’est sûr qu’on a besoin d’institutions, car il y a des familles qui sont dysfonctionnelles comme dans le film. Entre citoyens, il faut s’aider. Avec ce film, on découvre que ce n’est pas par la répression, ni l’enfermement que l’on règle nos problèmes. C’est par l’amour de cet intervenant-là envers ce petit garçon… Ce n’est pas facile, car malgré tout ce qui est fait pour eux, ces enfants vont toujours faire tout pour qu’on les rejette. C’est un pattern qu’ils connaissent et sont à l’aise dans ce qu’ils connaissent. Et la mère et le père dans le film, représentent vraiment ces parents dysfonctionnels qui existent dans notre société. On avait filmé plus de scènes de la mère et du père. Mais on s’est aperçu que le père et la mère, ce n’est pas cela le film. Ils touchent à Tommy indirectement dans le film qu’on fait. C’est la relation entre Tommy et Gilles qui est important. Le film n’a pas de morale à donner. On ne justifie rien. On voulait être juste factuel. Cela existe voila! Les gens qui ont vu le film m’ont dit. On sait que cela existe des institutions, mais on ne l’a jamais vu. Nous, on le montre tel que cela existe. C’est un film difficile, mais on est captivé par ce qui va se passer. Sans qu’il y ait des mitraillettes, ni d’explosions, ni de meurtres. Voilà! »
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ZooFilms
Alliance VivaFilm
Communication Popcorn
Crédit photos : Roland de Québec