Le sourire de la petite juive

Le sourire de la petite juive

 Qui n’a jamais rêvé, en marchant le soir dans une rue aux fenêtres éclairées, de s’immiscer à l’intérieur des appartements et d’en savoir plus sur l’intimité de ceux qui y vivent ?C’est ce que fait pour nous un des personnages de ce livre, la romancière Françoise Camirand. Elle brosse une fresque dépeignant des résidants de la rue Hutchison à Montréal.  L’auteure fait se succéder des personnalités d’origines et de cultures différentes menant des vies parallèles. Ce sont des portraits drôles et touchants qui se succèdent. Elle tente de raconter ceux qui font de sa rue un lieu mythique de Montréal. Ses voisins sont sa matière, celle du livre qu’elle élabore et que nous lisons.  Et en contrepoint de celle de la romancière, une autre voix, celle de Hinda Rochel, une jeune juive hassidique, confie à son journal intime ses observations et sa révolte à l’idée de suivre le chemin qu’on a tracé pour elle.  

Bien que ce ne soit pas autobiographique, il n’en demeure pas moins que ce sont de ses propres voisins que l’auteur s’est inspirés pour créer ces nouvelles courtes qui racontent un peu la vie et la personnalité des gens qui habitent la rue Hutchison, sa rue depuis 30 ans. Entre les pensées de ses voisins qui se côtoient, mais se parlent peu ou pas du tout, comme Hershey Rozenfeld, Willa Coreridge, Benoît Fortin, d’Antonella Rossetti, Xaroula et ses soeurs Chawki et Isabelle, Martine Saint-Amant, Ron Kowalski, Jacinthe Beaulieu, on apprend à connaître la romancière qui écrit ce qu’on est en train de lire (hallucinant comme sensation). Cette écrivaine, François Camirand est l’alter ego de l’auteure Abla Farhoud et elle a inventé des vies aux gens de son quartier. Et à travers tous ces personnages, s’intercalent des extraits du journal intime de la jeune Hinda Rochel, juive hassidique de 12 ans. Ce journal intime me touche énormément. Cette jeune fille me passionne et sa passion pour la lecture la sauvera peut-être d’un avenir qu’elle ne désire pas. 

À travers tous ces personnages, on entre dans le quotidien des juifs hassidiques par exemple et on apprend à les connaître un peu. On rencontre également une femme de race noire,  un chanteur populaire sur le déclin, un critique redoutable, une dépressive qui se réfugie dans la lecture, bref, le lecteur est amené à découvrir toutes sortes de personnalités. C’est un livre très humain, touchant, émouvant. On y fait de belles rencontres. En quelques mots on est transporté dans l’univers d’une personne, dont on voudrait continuer à suivre l’existence, au bout de trois ou quatre pages seulement. Mais non, on passe alors au suivant.  Le lecteur s’accroche aisément à l’humanité de ses personnages, peu importe leurs ressemblances, leurs différences, leurs défauts, leurs qualités. 

Somme toute, c’est un roman splendidement écrit qui nous émeut et à la fin de notre lecture, on a l’impression, nous aussi, de faire partie de ce quartier assez attachant.

 

Abla Farhoud

Née au Liban, Abla Farhoud immigre au Canada avec ses parents en 1951. Comédienne dès l’âge de 17 ans, elle joue principalement à la télévision de Radio-Canada. En 1965, elle retourne dans son pays d’origine et, en 1969, elle s’installe à Paris. Après des études en théâtre à l’Université de Vincennes, elle revient au Québec en 1973. Elle écrit sa première pièce, Quand j’étais grande, en 1982, lors d’un cours de maîtrise en théâtre à l’Université du Québec à Montréal.
Auteure à temps plein depuis 1990, elle a écrit douze pièces de théâtre dont Les Filles du 5-10-15¢, Jeux de Patience et Les Rues de l’alligator. Elle est aussi l’auteure des romans Le Bonheur a la queue glissante (Les Éditions de l’Hexagone, 1998), Splendide Solitude (Les Éditions de l’Hexagone, 2001) et Le fou d’Omar (VLB éditeur, 2005).
Les livres d’Abla Faroud ont été traduits en plusieurs langues et ses pièces ont été jouées autant au Canada qu’à l’étranger.

Abla Farhoud habite rue Hutchison depuis plus de 30 ans. Une rue mixte et mythique de Montréal, un côté dans le Mile-End, l’autre dans Outremont, devenue avec les années le lieu de résidence des juifs hassidiques.

Prix et distinctions
Prix du Roman Francophone pour Le fou d’Omar, France 2006
Prix France-Québec pour Le bonheur a la queue glissante, 1999
Prix Arletty pour Les Filles du 5-10-15¢, France 1993
Prix Théâtre et Liberté de la SACD pour La possession du Prince, France 1993

Finaliste au Prix des lectrices Elle Québec 1999, pour Le bonheur a la queue glissante
Finaliste à la Soirée des Masques 1995 (meilleur texte original) pour Jeux de patience
Finaliste à Radio-France International 1994 pour Jeux de patience
Finaliste à Radio France International 1995 pour Apatride

Résidente au Festival international des Francophonies, France, 1992
Résidente au Théâtrela Licorne et au Théâtre d’Aujourd’hui, 1996-1997 

24.95 $

210 pages 

http://www.edvlb.com/