Soljenitsyne, sept vies en un siècle

 

Soljenitsyne

 

Lorsque Victor Hugo a découvert Shakespeare et son œuvre il s’est exclamé : «  Il est des hommes océan ». En lisant la biographie de Bertrand Le Meignen sur Soljenitsyne, sept vies en un siècle,  le lecteur ne peut s’empêcher de reconnaître qu’il y a des hommes monument. Ce qui surprend le plus dans cette biographie, c’est les innombrables obstacles que Soljenitsyne a dû surmonter pour continuer à vivre et à produire son immense oeuvre littéraire. Le plus  intéressant dans l’ouvrage de Le Meignen c’est la mise en parallèle de la vie de l’homme et ses écrits à travers ses personnages. Ces personnages étaient des copies presque exactes des gens qu’il a côtoyés ou encore de lui-même.

Quelles cruautés il a dû endurer de la part de gens qui se disaient amis de l’être humain! Même Jean-Paul Sarte ne pouvait reconnaître de telles horreurs… au nom du dogme.

Voilà un ouvrage de grande qualité et d’une immense importance pour les militants de toutes tendances.

 Cette biographie a un parti pris : s’appuyant sur un corpus de plus de 15 000 pages, depuis Une journée d’Ivan Denissnvitch, L’Archipel du Goulag jusqu’à La Roue rouge, elle laisse l’écrivain évoquer lui-même les étapes d’une vie qui couvre tout le siècle passé. Sept vies au total. Ce fut tout d’abord sa jeunesse dans la Russie stalinienne, avec déjà la passion de l’écriture, puis la terrible guerre contre les Allemands. Vint ensuite le Goulag, dont il fut huit ans le prisonnier, puis le conteur et le grand mémorialiste. Il devait connaître la terrible vie de l’écrivain clandestin et du cancéreux échappant de justesse à la mort – puis celle de l’écrivain porté aux nues par les autorités avant d’être obligé de mener dans la dissidence, souvent aux côtés de Sakharov, un combat dangereux et épuisant pendant onze années. Vint ensuite l’exil en Occident où il conforta, envers et contre tout, sa vision de l’homme  du monde et de l’histoire. En parallèle, il continuait sa longue recherche sur les causes des malheurs de sa patrie, notamment avec La Roue rouge. Ce fut enfin, comme il l’avait prévu, le retour au pays, rendu possible grâce aux bouleversements planétaires auxquels il avait contribué. Puis la mort sur cette terre russe qu’il aimait tant… Cette biographie se veut aussi une « histoire française », car plus que partout ailleurs les écrits de Soljenistsyne ont contribué ici à la faillite de l’idéologie communiste. Olivier Rolin résume très bien cette particularité : « Pour moi, le « Goulag » est une des grandes bornes tragiques du XXe siècle. Même si je suis français, c’est mon histoire ». A quoi on ajoutera cette réponse de Bernard Pivot, questionné sur l’invité d’Apostrophes qui l’avait le plus impressionné : « Soljenitsyne, j’ai le souvenir d’un géant ». Un Victor Hugo qui aurait connu le bagne !

 

Bertrand Le Meignen

 

Né en 1951, Bertrand Le Meignen a découvert Alexandre Soljenitsyne en hypokhâgne. Plus de quarante ans plus tard, après une carrière de chef d’entreprise, il signe avec Alexandre Soljenitsyne (2011) son premier ouvrage. Il prépare actuellement une biographie de Nina Berberova.

 

Nombre de pages : 896

Prix suggéré : 32 €

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