L’odyssée

 

Nicolas Létourneau, Christian Michaud et Jean-Michel Déry

Les textes fondateurs de la mythologie grecque nous semblent inaccessibles. Lire l’odyssée se révèle à être une tâche ardue dont la narration archaïque nous amène à délaisser le livre sur notre table de chevet ou sur un coin du comptoir de notre cuisine. Ces 12 000 vers nous effraient. La narration descriptive nous endort. Et on se perd dans les chapitres anachroniques. Il ne faut pas s’arrêter à ce blocage psychologique qui nous envahit. La lecture des textes fondateurs est très enrichissante pour certains, mais elle ankylose le cerveau pour d’autres. Le théâtre du Trident finit sa saison en beauté et vous présente une adaptation abrégée de l’épopée d’Ulysse qui saura combler tant les amoureux de la mythologie que les amateurs de théâtre. Notre intrinsèque attirance envers la mythologie grecque se voit renouvelée de belle façon.

Pour les néophytes du récit épique d’Ulysse , voici, brièvement, un résumé de l’Odyssée. L’épopée débute à Ithaque berceau et foyer d’Ulysse. Sa femme Pénélope l’attend depuis déjà 20 ans usant de ruse et de vin pour calmer l’ardeur des prétendants qui, par leur arrogance et leurs mauvaises mœurs, souille la demeure du roi. Télémaque, fils d’Ulysse, sous l’impulsion d’Athéna la déesse grecque de la sagesse, quitte son foyer et part à la recherche de son père qui est sans nouvelle. Dans le royaume d’Ithaque, tous attendent avec impatience la vengeance de leur souverain.

De son côté, Ulysse, prisonnier sur l’île de la nymphe immortelle Calypso regarde vers le large. La nostalgie de sa patrie envahit ces moindres pensées. Il reste une dernière nuit avec la déesse Calypso, puis il part vers le large en direction de son pays sous le vent favorable des dieux. Il échoue sur l’île d’Alkinoos qui accueille cet étranger avec les honneurs qu’il se doit. Ulysse a la chance de raconter son périple à son hôte avant de rentrer pour de bon à Ithaque.

Il raconte comment lui et ces hommes ont aveuglé le cyclope Polyphème pour ensuite s’enfuir de son Île. Poséidon, dieux des mers, furieux qu’Ulysse ait crevé l’œil de son fils, déchaîne une  terrible tempête sur leur bateau. Poséidon les condamne à errer sur les mers. Désespérés, ils arrivent ensuite dans le royaume d’Éole, maître des vents. Ulysse supplie la divinité de lui rendre sa patrie. Éole leur enjoint de voguer sans ouvrir l’outre des vents contraires. Alors qu’ils aperçoivent les rivages d’Ithaque, par couardise, les marins ouvrent l’outre et ils sont repoussés loin en mer encore une fois. Ensuite, ils arrivent sur l’île de Circé qui les ensorcelle de mille délices. Convaincue par Ulysse, Circé les laisse partir à une condition près. Ulysse doit se rendre dans le royaume d’Hadès et donner l’outre de vin au devin aveugle Tirésias. Il réussit le défi et repart avec ses hommes en mer. Ils durent affronter le chant des sirènes. Les hommes d’Ulysse réussirent une fois de plus à surmonter cet obstacle. Mais leurs malheurs n’étaient pas terminés, l’équipage mourut sous les coups de deux démons. Le récit de ces aventures aux Phéaciens(peuple d’Alkinoos) se termine finalement sur les rivages de l’île de Calypso.

Après s’être repu au banquet d’Alkinoos, il retourne à Ithaque et doit user de ruse et de sagesse afin de reconquérir ce qu’il avait laissé, 20 ans plus tôt, avant de partir pour Troie.

Jean-Michel Déry, Nicolas Létourneau, Christian Michaud, Jean-Pierre Cloutier et Éric Leblanc
Jean-Michel Déry, Nicolas Létourneau, Christian Michaud, Jean-Pierre Cloutier et Éric Leblanc

Penchons-nous maintenant sur les caractéristiques de la mise en scène. Premièrement, il faut mentionner l’envergure de la tâche d’adaptation de l’épopée à une pièce d’une durée de 140 minutes. Dominic Champagne et Alexis Martin ont coupé dans certaines scènes de seconde importance tel le sacrifice au pays des Cimmériens et l’île au soleil éternel où le bétail d’hélios paît paisiblement. De plus, l’importance des Dieux est minime dans la pièce. Ils sont des êtres aussi humains qu’Ulysse et Pénélope. Seule la couleur bleue de leur peau les différencie des mortels. Il est certain que L’Odyssée ne serait pas L’Odyssée sans l’interaction des dieux et leur guerre fratricide et éternelle. Ils jonglent avec le destin d’Ulysse comme une poupée de cire. Les interventions divines se font plus rares et avec plus de réserve. Le choix actanciel du metteur en scène montre, en premier plan, des interactions humaines et des émotions tourmentées. On perçoit un Ulysse démesuré, mais avec un visage humain. Le souci de transposer la pièce dans notre époque moderne est l’un des aspects positifs que j’ai appréciés de la pièce. L’espoir, la nostalgie, le patriotisme et l’amour de la famille supplantent à la volonté divine.

Le décor scénique est juste et bien organisé. Des cordages et un filet à multiples usages remplient plusieurs fonctions esthétiques et deviennent, à la fois, un support aux jeux des acteurs. Les costumes des personnages sont inspirés de l’œuvre du bédéiste Enki Bilal qui a imaginé un monde hors du temps ou la modernité s’entremêle à l’histoire. Vous trouverez le cadre spatio-temporel indéfinissable et déroutant, des dieux très humains, la démesure de l’homme et le récit homérique qui a tant fait rêver.

 

Crédit photos: Vincent Champoux.

Distribution

  • Danièle Belley
  • Fabien Cloutier
  • Jean-Pierre Cloutier
  • Jean-Michel Dery
  • Sophie Dion
  • Denise Gagnon
  • Steve Gagnon
  • Eric Leblanc
  • Nicolas Létourneau
  • Christian Michaud
  • Paule Savard
  • Eva Saïda

Conception

  • Scénographie : Marie-Renée Bourget Harvey
  • Costumes : Virginie Leclerc
  • Éclairages : Laurent Routhier
  • Musique : Mathieu Campagna
  • Maquillages : Élène Pearson
Présentée du 17 AVRIL 2012 AU 12 MAI 2012
mise en scène : Martin Genest
Adaptation : Dominic Champagne et Alexis Martin