Dans le cadre des Tournées Jean Duceppe, L’Oratorio de Noël, la toute dernière création de Michel Tremblay, était présenté, le 30 avril dernier, pour un soir seulement, à la Salle Albert-Rousseau de Québec.
C’est l’histoire de Noël (Raymond Bouchard), un des plus grands neurochirurgiens de Montréal. Noël souffre de la maladie d’Alzheimer dont il connaît déjà toutes les étapes de destruction. Les trous de mémoire (ou les absences comme préfèrent le dire les membres de sa famille) sont de plus en plus fréquents. Noël est aux prises avec une maladie qui peut durer longtemps, des années même, une maladie qui fragilise sa mémoire, qui estompe ses repères, qui le prive par à-coups du contrôle de ses émotions.
En lisant le résumé de cette pièce, je m’attendais à suivre les effets et l’évolution de cette maladie, chez cet homme qui, à l’hôpital, reçoit la visite de ses proches. Je m’attendais à voir les répercussions autant chez cet homme que sur sa famille, de cette maladie.
Mais en réalité, Michel Tremblay a plutôt fait le pari de nous faire entrer dans la tête de cet homme qui souffre d’Alzheimer, qui alterne entre ses souvenirs et le moment présent. Et on peut dire que bien que ce soit assez audacieux comme idée, c’est un défi qui est bien relevé, grâce, en partie à la mise en scène de Serge Denoncourt, qui a eu le génie de mettre sur scène trois versions différentes de chaque personnage, des costumes et coiffures dans les mêmes ton, les mêmes styles, pour aide à les différencier et les regrouper en une seule personne.
Trois Isabelle, l’artiste peintre, à des âges différents, dont Marie-Chantal Perron qui personnifie avec brio et force de caractère, celle des trois qui a réussi dans son métier.
Trois Jean-Sébastien, le fils qui a suivi les pas de son père vers le métier de neurochirurgiens, mais qui même aujourd’hui, joué par Pierre-François Legendre, n’a pas l’impression d’avoir jamais été à la hauteur du talent et des ambitions de son père.
Trois Jacqueline, l’amoureuse et amante, la femme fidèle et meurtrie puis maintenant l’ex-femme compatissante, mais détachée, n’ont jamais pardonné à cet homme d’avoir mis sa carrière et son propre plaisir avant sa famille.
Ces neuf personnages envahissent, pour ne pas dire hantent, la chambre d’hôpital de ce grand malade qui, en attente de l’aboutissement de sa maladie, fait un bilan bien déprimant de sa vie et de ses comportements avec sa famille, en discutant haut et fort avec eux, en réel ou en souvenir de ses travers et de ses torts.
Et personne n’y va de main morte. Tour à tour, ses enfants l’insultent et lui crachent au visage toute leur douleur et leurs ressentiments. Même sa femme, que l’on sent surtout blessée d’avoir été trompée et abandonnée, ne lui donne pas de répit. On ne peut qu’avoir de la compassion et de l’empathie pour cet homme qui se meurt et que l’on voit passablement perdu et troublé qui se demande constamment s’il se parle à lui-même, tente de démêler les souvenirs et la réalité et du même coup, nous rend inconfortable et passablement mélangés nous aussi.
Cette pièce est totalement différente de tout ce que Tremblay nous a déjà présenté. On ne retrouve aucun personnage fétiches de Tremblay, ni même les repères habituels de thèmes ou de langage de notre dramaturge bien-aimé. C’est une pièce sur la mémoire, le souvenir, la famille, la vision d’une vie et ses impacts sur les gens autour. C’est une pièce percutante et désarmante.
Toute la réussite de cette pièce repose sur les épaules de Raymond Bouchard qui est présent sur scène pendant 1 h 30, à parler au public bien candidement en monologuant pour nous raconter ses états d’âme, ou pour discuter fortement avec ses proches qui l’invectivent chacun leur tour. Un vrai combat de boxe par les mots. Raymond Bouchard exhale sa rage face à la maladie et répand sa colère si longtemps contenue. On assiste à une performance d’acteur prodigieuse! Ce n’est pas surprenant que lors de l’ovation debout à la fin de la pièce, les bravos ont fusé de toute part lorsque Raymond Bouchard est venu saluer la foule.
Il s’agissait d’un retour sur les planches après 10 ans d’absence pour le comédien Raymond Bouchard. Un retour très remarqué et apprécié!
1 h 30 sans entracte
Texte Michel Tremblay
Mise en scène : Serge Denoncourt
Assistance à la mise en scène : Suzanne Crocker
Décor : Guillaume Lord
Costumes : François Barbeau
Éclairages : Martin Labrecque
Bande sonore : Francis St-Arnaud
Accessoires : Normand Blais
Raymond Bouchard
Kim Despatis : Jacqueline (sa femme, jeune)
Monique Spaziani : Jacqueline (sa femme, quarantaine)
Ginette Morin : Jacqueline (son ex-femme, aujourd’hui)
Meggie Proulx Lapierre : Isabelle (sa fille jeune)
Maude Laurendeau : Isabelle (sa fille vingtaine)
Marie-Chantal Perron : Isabelle (sa fille aujourd’hui)
Gabriel Lessard : Jean-Sébastien (son fils, jeune)
Johnatan Gallant : Jean-Sébastien (son fils, vingtaine)
Pierre-François Legendre : Jean-Sébastien (son fils aujourd’hui)
Tournée : Dates
Du 28 Mars au 19 Mai 2012
mar. 01 mai. 2012 Trois-Rivières Salle J.-Antonio-Thompson 819-380-9797
mer. 02 mai. 2012 Longueuil Théâtre dela Ville450-670-1616
jeu. 03 mai. 2012 Longueuil Théâtre dela Ville450-670-1616
ven. 04 mai. 2012 Gatineau Salle Odyssée 819-243-2525
sam. 05 mai. 2012 Gatineau Salle Odyssée 819-243-2525
mer. 16 mai. 2012 Ste-Geneviève Salle Pauline-Julien 514-626-1616
ven. 18 mai. 2012 St-Hyacinthe Salle Desjardins 450-778-3388
sam. 19 mai. 2012 Terrebonne Théâtre du Vieux-Terrebonne 450-492-4777
http://www.sallealbertrousseau.com/
crédit photos : Philippe Moussette