Nelligan

Marc Hervieux dans le rôle du vieux Émile Nelligan

La première de l’opéra Nelligan était présentée le 29 juillet dernier, à la salle Octave-Crémazie du Grand théâtre de Québec, dans le cadre du 2e Festival d’opéra de Québec.

Cette nouvelle version de l’opéra Nelligan du pianiste et compositeur André Gagnon et de l’auteur Michel Tremblay, met en vedette, entre autres, Marc Hervieux, dans le rôle du vieux Émile Nelligan et Dominique Côté dans celui du jeune Nelligan.

Ce drame musical est interprété par un plus petit ensemble que lors de la version présentée pour la première fois en 1990. Seulement deux pianos et un violoncelle accompagnent les comédiens sur la scène dans cette œuvre très émouvante.

On sait que l’œuvre de Nelligan a été écrite entre l’âge de 16 et 19 ans. Et c’est à 19 ans que Nelligan a été interné à l’asile Saint-Benoît-Joseph-Labre. Cette légende de la poésie québécoise, un être doté d’une sensibilité extrême et d’un talent exceptionnel, a vu son destin littéralement se briser par cet internement. Il a par la suite été transféré à 45 ans à l’hôpital psychiatrique Saint-Jean-de-Dieu, où il resta jusqu’à sa mort à l’âge de 61 ans.

Pour cette première, le public de Québec a eu la chance d’avoir dans la salle, l’auteur des textes, Michel Tremblay, l’auteur de la musique, André Gagnon et le metteur en scène Normand Chouinard, en plus de la présence du Maire de Québec, Régis Labeaume.

Marc Hervieux et Dominique Côté

Dès la levée du rideau, le ton est donné, par le décor sobre et vieillot qui représente tantôt l’asile où est interné Nelligan, l’Église du village, le grenier d’Arthur De Bussière où il a été hébergé quelques jours durant son adolescence, et sa résidence familiale de l’époque. Seulement avec quelques mouvements d’accessoires, lits, bureau, chaise, horloge…, les lieux se transforment en un instant et grâce au jeu de lumière tamisés et à la musique des deux pianos et du violoncelle installés sur le côté de la scène, l’ambiance de la fin du 19e siècle est créée. Ajoutez à cela des costumes d’époque très représentatifs, avec détail et bon goût, voilà donc une histoire finement bien raconté dans une vibrante mise en scène de Normand Chouinard, qui place le vieux Nelligan (Marc Hervieux) constamment sur scène, à travers ses souvenirs. De le voir ainsi transformé, le dos rond, la démarche fragile et un peu perdue, le regard sombre et triste, c’est tout un tour de force que Marc déploie tout au long de cet opéra, pour nous faire oublier qui il est, rendant ainsi très crédible son personnage de Nelligan. Et il n’a pas encore ouvert la bouche. Comme d’habitude, sa puissante voix et l’émotion qu’il dégage en chantant, ne peuvent que nous donner des frissons. Et lorsque sa voix se mêle à celle de Dominique Côté qui interprète avec brio le rôle du jeune Nelligan, alors ce savoureux mélange de voix, accompagné des mélodies d’André Gagnon, me porte au 7e ciel.

Pendant près de 3 heures, le public assiste impuissant à la descente aux enfers de ce jeune poète incompris, dont le père finira par interner, car il ne respecte pas sa langue, ni son vœu de lâcher la poésie. Les confrontations entre père et fils sont déchirantes à regarder. Dominique Côté est sublime dans le rôle du jeune Nelligan. On le sent torturé, épris de son art, mais également prisonnier de celui-ci. Il y a également des moments tendres avec sa sœur Gertrude (Valérie Bélanger) et avec sa mère (Monique Pagé). Les voix des sopranos contrastent savamment avec la voix du ténor, donnant ainsi un mélange savoureux pour nos oreilles.  Mais un de mes moments les plus doux, survient lorsque Marc Hervieux chante une berceuse à son alter ego dans l’Église. Que d’émotions dans cette voix!

A l’asile ave les soeurs

Bref, cet opéra a tous les ingrédients d’une superbe soirée théâtrale. Un texte peu banal, très à propos et rempli d’émotions de notre célèbre dramaturge Michel Tremblay, une mise en scène très dramatique par un Normand Chouinard en pleine possession de ses moyens et une enveloppe musicale de choix par notre légendaire pianiste André Gagnon, dans une adaptation d’Anthony Rozankovic pour deux pianos et un violoncelle sous une direction musicale d’Esther Gonthier, que demander de mieux! Ajoutez à cela des chanteurs d’immenses talents vocaux, auquel on a demandé des performances théâtrales très réussies, rien n’est laissé au hasard. Tout est peaufiné au quart de tour pour nous présenter une œuvre magistrale sous le signe de l’émotion et de notre patrimoine québécois! Bravo!

À la fin de la pièce, les gens furent debout et ont acclamé les artistes pendant de longues minutes, démontrant leur grande appréciation de cette soirée magique!

Festival d’opéra de Québec
Nelligan

Paroles de Michel Tremblay
Musique d’André Gagnon

Les 29 et 31 juillet 2012
Les 2 et 4 août 2012

20h

SUPPLÉMENTAIRE
Le 3 août 2012

Version « opéra » originellement présentée par l’Atelier lyrique de l’Opéra de Montréal

Mise en scène : Normand CHOUINARD
Arrangements musicaux : Anthony ROSANKOVIC
Direction musicale : Esther GONTHIER

Émile vieux : Marc HERVIEUX, ténor
Émile jeune : Dominique CÔTÉ, ténor
Émilie Hudon, mère d’Émile : Monique PAGÉ, soprano
David Nelligan, père d’Émile : Theodore BAERG, baryton
Le père Seers, protecteur et ami d’Émile : Pierre RANCOURT, baryton
Françoise, protectrice et amie d’Émile : Chantal DIONNE, soprano
Charles Gill, ami d’Émile : Jacques-Olivier CHARTIER, ténor
Arthur, ami d’Émile : Patrick MALLETTE, baryton

Gertrude        : Valérie BÉLANGER, soprano

Eva                : Pascale BEAUDIN, soprano

 Présenté à guichet fermé.

Salle : Salle Octave-Crémazie

Lien :

www.festivaloperaquebec.com/ 

http://www.grandtheatre.qc.ca/ 

http://marchervieux.com/ 

crédit photos : Louise Leblanc