Tout ce qui tombe

 

Steve Gagnon dans Tout ce qui tombe

Après avoir assisté à la lecture publique de Tout ce qui tombe, de Véronique Côté, le 5 juin 2011 dans le cadre des Chantiers du Carrefour international de Théâtre, je ne pouvais qu’avoir hâte de voir le résultat final, qui est maintenant présenté, jusqu’au 13 octobre prochain, au théâtre du Trident.

Berlin, 1989, à un mois de la tombée du mur, un couple d’allemand (qui parle en allemand dans la pièce) rêve et tente de traverser à l’Ouest. 1999, une Allemande mariée à un québécois, remet en question son couple, alors qu’elle ne peut lui faire un enfant, malgré leurs multiples tentatives. 2009, lors d’un stage à Berlin, une Québécoise et son chum vivent des moments difficiles. Pendant qu’il perd progressivement le sens de l’ouïe, elle découvre qu’elle est enceinte. Quatre liaisons mêlant sept personnages sur trois époques – 1989, 1999 et 2009 -, dans un Berlin où se croisent des Allemands et des Québécois, touristes ou expatriés.

Bien que ces histoires se passent sur des décennies différentes et qu’au premier abord ces couples ne semblent pas avoir de liens entre eux, le public verra progressivement des rapprochements entre ces personnages. Ce sont toutes des histoires d’amour, impossibles pour certains, avec des murs qui les séparent, autant physique (territorial), qu’émotionnel (mur d’incompréhension), un mal à l’âme profond, une recherche de paix intérieure, des décisions qui joueront sur leurs destins. Ces couples, bien qu’ils vivent à des époques différentes, ont tous en commun Berlin, cette ville allemande, dont le mur est tombé en 1989. Mais aussi tous ces gens se rencontreront à un moment ou un autre de leur vie. Ils ont tous un lien entre eux et ils vivent tous des drames liés à l’amour.  

Cette création d’une auteure de Québec, Véronique Côté, est présentée en première mondiale et a pris cinq ans à écrire. C’est en 2007 que Véronique a parcouru les routes européennes avec Julianna Herzberg (qui interprète Rose dans la pièce), alors que cette dernière lui racontait sa propre fuite de la Républicaine démocratique allemande (RDA), avec sa famille, en 1989, lorsqu’elle avait tout juste neuf ans, que ce début de pièce a vu le jour. De cette histoire est née celle de Rose et Moritz, puis c’est lors d’un laboratoire de dix jours avec la plupart des comédiens actuels que sont nés les autres histoires et personnages. 

Décor de tout ce qui tombe, avec les surtitres en arrière-plan

Au niveau des décors, l’on retrouve une scène sur la scène, avec des tables, des chaises, un bain, des vêtements, bref, un décor qui s’adapte et évolue au fil des histoires racontées. Et ces histoires et personnages cohabitent ensemble sur cette même scène, en même temps, bien qu’une seule histoire est mise en avant-plan à la fois. C’est par de petits tableaux (fenêtre sur la vie de ces couples) que l’on reconstruit la vie de chacun. Chaque tableau est annoncé sur l’écran géant en arrière-scène, avec l’année et un titre au tableau. Puis, l’éclairage se déplace sur le ou les personnages principaux de cette scène, pendant que les autres personnages continuent de vaquer à leurs occupations dans leurs propres vies. C’est une belle ingéniosité du metteur en scène Frédéric Dubois de procéder ainsi. On continue de suivre le fil des autres histoires, tout en étant attentif à celle qui se joue devant nous.

Benoit Mauffette (Moritz) et Steve Gagnon (Marco)

Afin de coller à la réalité du propos, le tiers de la pièce est présenté en Allemand. Julianna Herzberg et Benoît Mauffette – un passionné de l’Allemagne – parlent allemand alors que des surtitres apparaissent en français sur l’écran géant en arrière-plan de la scène. Bien que je pensais avoir de la difficulté à m’identifier à eux ou à en apprécier l’histoire à cause de la barrière du langage, je dois dire que c’est cette histoire qui m’a le plus touché et ému. Ces deux personnages sont d’une fragilité désarmante. La façon qu’ils ont de jouer à rêver à une vie meilleure, nous permet également de rêver à leur bonheur. Puis, lorsqu’ils sacrifient leur amour pour permettre à l’autre de vivre sa liberté, cela vient me chercher en plein cœur. Véronique Côté a une écriture sensible et touchante, qui vibre d’humanité et de tendresse. Son texte est poétique, émouvant et drôle parfois. Car, en contraste de cette histoire, c’est avec humour et délicatesse que l’on aborde le sujet de la surdité et de ses répercussions dans le couple de Marco et Sophie. Édith Patenaude possède le don de nous faire rigoler puis, l’instant d’après, elle nous émeut de sa grande sensibilité. Les scènes les plus réussies comiquement surviennent lors des conversations téléphoniques entre Sophie et Marco, par l’intermédiaire de Christophe, le système de retranscription ATS pour les gens malentendants. Ces scènes plus amusantes permettent une belle détente, aux divers drames qui se jouent devant nous, mais il n’en demeure pas moins que cette histoire entre Sophie et Marco est également très touchante.  

Personnellement, je m’y retrouve moins dans l’histoire de Christophe et Charlotte ainsi que celle de la grande voyageuse Marie. Ces récits sont moins étoffés, ou du moins, je les comprends moins bien et je ne m’en soucie pas tellement. Pour moi, elles servent surtout de transitions et de liens vers les autres drames qui se jouent. 

Ainsi, cette pièce est magnifiquement bien jouée par tous les acteurs, dont on sent le véritable amour les uns envers les autres, tout en ayant cette quête d’identité propre, ce désir de liberté, tout en voulant conserver leur amour intact.  

Et bien que toutes ces histoires ne se terminent pas nécessairement sur une note aussi heureuse qu’on le voudrait, la pièce se termine sur l’espoir… l’espoir que tout n’est pas perdu.

Le scénario de la pièce sera disponible en librairie dès vendredi le 21 septembre, chez les éditions Leméac et il est possible également de l’acheter au Grand Théâtre, avant de le début de la présentation de la pièce.

Texte : Véronique Côté.

Mise en scène : Frédéric Dubois. 

Une coproduction du Théâtre du Trident et du Théâtre des Fonds de Tiroirs en codiffusion avec le Théâtre d’Aujourd’hui, à Montréal 

Cette pièce est présentée au Théâtre du Trident, au Grand Théâtre de Québec du 18 septembre au 13 octobre et au Théâtre d’Aujourd’hui à Montréal du 30 octobre au 17 novembre 2012. 

Catherine-Amélie Côté (Marie)

Steve Gagnon (Marco)

Marie-Hélène Gendreau (Charlotte)

Julianna Herzberg (Rose)

Benoit Mauffette (Moritz)

Olivier Normand (Christophe)

Édith Patenaude (Sophie)

 Conception

  • Scénographie : Marie-Renée Bourget Harvey
  • Costumes : Yasmina Giguère
  • Éclairages : Caroline Ross
  • Musique : Pascal Robitaille

Projections : Lionel Arnould

 http://www.letrident.com

 Coût : entre 29$ et 46$ (taxes et frais inclus)
Du 18 septembre au 13 octobre 2012
Mardi au samedi – 20 h
Dimanche 30 septembre – 15 h
Samedis 6 et 13 octobre – 16 h

 Théâtre du Trident
269, boul. René-Lévesque Est
Réservations : 418-643-8131 ou 1-877-643-8131

Crédit photos : Vincent Champoux