Trois jeunes filles nues: une opérette drôle sans retenue!

Madame Ducros et Hégésippe
Alarie Photos

D’un livret de Yves Mirande et Albert Willemetz, l’opérette « Trois jeunes filles nues » prend vie sur une musique de Raoul Moretti. Écrite en 1925 à l’époque où Joséphine Baker fait un malheur dans la Revue Nègre, cette opérette s’inscrit parfaitement dans un nouveau courant qui veut choquer et provoquer pour attirer les foules. Le Vatican leur interdit d’utiliser le mot « nues » du titre, et les affiches deviennent « Trois jeunes filles n… » qui attirera encore plus les foules. C’est la première opérette qui utilise la nouvelle danse de l’époque: le charleston! Petite anecdote, le jeune acteur Jean Gabin y fait ses débuts dans le rôle d’un jeune officier puisque son père y jouait le rôle du commandant Le Quérec. On connaît la suite pour ce grand acteur.

L’opérette en trois actes raconte l’histoire des quatre nièces de Madame Ducros qui sont confiées au soin de Hégésippe, un ancien séminariste qui se convertit en homme de spectacle. Il entraîne trois d’entre elles dans un spectacle où elles doivent utiliser leurs charmes pendant que la quatrième, Lotte, tombe amoureuse d’Hégésippe et préfère rester à la maison. Les trois nièces (Lilette, Lola et Lulu) font la connaissance de jeunes marins qui seront surpris de les voir à cet endroit aux moeurs légères. Plusieurs personnages hauts en couleur compliquent les intrigues comme l’auteur du spectacle, le directeur du théâtre, le matelot, la star, et bien d’autres. Sans compter l’arrivée de Madame Ducros au théâtre qui en surprendra plus d’un. Lotte sauvera la face en faisant un numéro nu à la place de ses soeurs. Tous ces imbroglios se terminent bien sur le bâteau de leur oncle, le commandant Le Quérec. Tout le monde se reconcilie avec quatre demandes en mariage.

Les danseuses
Alarie Photos

Belle Lurette (http:www.bellelurette.org) monte deux opérettes par an depuis 2004. Son co-fondateur, Étienne Cousineau, est maintenant connu à cause de l’émission La Voix (dans l’équipe d’Arianne Moffatt). Il a ému le Quèbec avec sa belle voix de sopraniste qui surprend pour un homme. Il est le metteur en scène et chorégraphe de cette production.

Le succès de ce spectacle tient à plusieurs éléments mais principalement à un humour non-verbal plus gros que nature, telle une caricature de bon goût, et surtout aux multiples talents vocaux de voix classiques et certaines plus pop. On rit, et on rit beaucoup. Plus l’histoire avance et que les imbroglios se compliquent, plus il est difficile de se retenir. Le seul temps où ça ne fonctionne pas, ce sont les premières 20 minutes: le jeu non-verbal ne s’est pas encore installé et chacun essaie de placer l’intrigue. On se prend trop au sérieux. Puis sans crier gare, c’est une feu roulant de jeux de mots et de cet humour non-verbal. Le rythme fou et le débit rapide nous tient en haleine pendant 2 heures et demie. Sans compter les multiples chorégraphies très bien exécutées par ces chanteurs et quelques danseuses d’expérience.

Lotte et Hégésippe
Alarie Photos

Les rôles principaux sont tous d’excellents interprètes. La soprano Magali Simard-Galdès dans le rôle de Lilette est surprenante, avec ses aigües brillants, une voix juste et cristaline; on en redemanderais si on pouvait. Son duo avec l’officier Jacques, joué par Danny Leclerc, est un petit bijou pour nos oreilles. Ce dernier se démarque des autres officiers avec une belle voix flexible et quelques notes en falsetto qui surprennent agréablement. Benoît Godard joue le rôle d’Hégésippe avec brio! Une des meilleures voix de la soirée et un jeu subtil mais en même temps caricatural qui donne du relief à son rôle qui a plusieurs dimensions. Puis Lotte, incarnée par Marie-Ève Sansfaçon, se démarque par son jeu et l’intelligence de son personnage. Même si sa voix est un peu moins classique, elle joue avec les nuances de sa voix, elle est juste et a un charme incroyable. J’ai gardé pour la fin celle qui est le boute-en-train du spectacle avec ses expressions et ses répliques cinglantes: Madame Ducros jouée par Jocelyne Cousineau. Cette dernière arrive sur scène avec une énergie communicative et devient le pivot autour duquel tous les autres personnages tournent. Sa belle voix mature de soprano est aussi mise à profit.

L’auteur avec les 3 officiers
Alarie Photos

Les rôles secondaires sont inégaux, mais plusieurs personnages se démarquent: l’auteur maniéré (Philippe Gobeille) qui nous fait rire à chacun de ses tics, le directeur (Mireck Mételski) qui se fait un devoir de pincer chaque fesse qui passe, la femme au homard (Mélanie Roy) qui nous touche par sa naïveté et un matelot (Nathan Lelièvre) comique par son autodérision. Avec autant de bons artistes, on est assuré de passer une belle soirée. À noter que ces 21 interprètes jouent près de 30 personnages. Ajoutez-y des décors simples mais efficaces et plus de 50 costumes dont certains sont assez excentriques, un excellent pianiste-accompagnateur, et vous savez maintenant pourquoi je recommande ce spectacle. Un public de tous les âges a bien apprécié la première.

 

Les bons coups: excellents interprètes, très drôle parce que joué plus grand que nature, beaux costumes, bonne sonorité de la salle

Les moins bons coups: premiers 20 minutes trop sérieux, stationnement un peu difficile sur le plateau

La troupe de Trois filles nues
Alarie Photos

Sur une mise en scène et des chorégraphies d’Étienne Cousineau, décors de Olivier Gauthier, costumes de Diana-Carmen Ratycz. Avec Geneviève Bastien (Lola), Alexandrine Branchaud (Lulu), Jocelyne Cousineau (Mme Ducros), Marie-Ève Sansfaçon (Lotte), Magali Simard-Galdès (Lilette), Danny Leclerc (Jacques), Nathan LeLièvre (matelot Patara), Jason-Alexandre Charbonneau (Maurice), Benoît Godard (Hégésippe), Michel Métayer (Le Quérec), Thierry Plante-Dubé (Marcel), Thiery Dubé (Lord Cheston), Philippe Gobeille (l’auteur), Mireck Metelski (le directeur), Ghislain Roberge, Mélanie Roy, Kim Taschereau, Marie-Ève Courchesne, Florence Leclerc, Mylène Leduc-Dauphinais, Marie-Michèle Rivest. Accompagnement au piano par Pierre McLean.

Hégésippe et les 3 nièces
Alarie Photos

Présenté en français au Théâtre Rouge du Conservatoire, 4750 Henri-Julien, Montréal.
Du 15 au 17 mars 2013 (14h et 20h le samedi, 14h le dimanche).
Les billets disponibles sur http://www.admission.com/ à 35$ et 30$ (étudiant) incluent taxes et frais.

crédit photos: Alarie Photos