Changing Room : les dessous des drag queens

Les drag queens de Changing Room
Les drag queens de Changing Room

« Souvent clownesques et en mode dérision, ces personnificateurs féminins ne manquent pas de vocabulaire pour faire des blagues crues ou lancer quelques méchancetés. Mais la grossièreté et la voix forte font justement partie d’un show où tout peut se dire, où les normes sociales de retenue n’ont plus leur place, où le public est invité à partager cet espace de liberté. »Journal Sortie, vol. 7, no 2, avril 2013

 

C’est du 16 au 27 avril 2013 que vous pourrez rencontrer Rosy, Jewel, Délice, la Goglue et Praline qui vous initieront ostensiblement à l’univers des drag queens dans le docu-théâtre interactif Changing Room. Le collectif Nous sommes ici est heureux de nous présenter la pièce qui avait déjà réchauffé les planches du Théâtre Périscope de Québec en 2011 et qui avait fait fureur en 2009 lors des Chantiers du Carrefour international de théâtre.

D’abord, il faut savoir que vous n’êtes pas convié à une pièce jouée selon les règles de l’art. Un bar, des serveuses aux airs masculins, des tables rondes, une scène qui s’étend dans le public, une entrée des spectateurs par la loge, du lipsync, un entracte, une animatrice polissonne…tout se met en place pour un spectacle de variétés des plus festifs! Vous pouvez vous attendre à tout : vous faire happer par un personnificateur féminin pour jouer un rôle sur scène ou dans la coulisse, parier sur la grosseur de biceps d’un comédien, boire des shooters avec l’animatrice, devenir le dindon de la farce le temps d’un spectacle. Tous les coups sont permis chez les drag queens…surtout ceux en bas de la ceinture! Attention : oreilles sensibles et personnes susceptibles, abstenez-vous!

Alexandre Fecteau ©  Pascal Ratthé
Alexandre Fecteau © Pascal Ratthé

Changing Room est l’issue artistique d’un phénomène social, les minorités sexuelles, qui erre entre le tabou et l’incompréhension. Le spectacle se veut l’instrument ludo-éducatif d’une conscientisation à la tolérance et à l’atténuation des préjugés à l’égard des transgenres et des personnificateurs féminins. D’ailleurs, le journal communautaire et participatif Sortie a su tirer profit de la première médiatique de la pièce à Québec en publiant un numéro spécial sur Changing Room  et sur les dessous du métier de drag queens.   Aussi, le collectif SS : Sofas Sandrine s’est inspiré des sujets traités dans la pièce et vous propose l’exposition Rencontre, un hommage à l’art sous toutes ses formes et à la fusion des gouffres entre les mentalités.

Nous sommes ici a créé un happening qui puise seulement dans le théâtre la dualité comédien/personnage, et vous amène dans les confins d’un monde ponctué de paradoxes. Les personnificateurs féminins revendiquent le droit d’être reconnus comme de « vrais » acteurs, mais ils avouent faire n’importe quoi à travers des personnages délibérément pétulants et frivoles. Être drag queen requière un don de soi complet et une passion incommensurable pour la scène puisque c’est ce qui anime la flamme des personnificateurs féminins.  Ils sont constamment coincés entre la discipline d’une bonne préparation et l’absence d’une ligne de conduite sur scène qui les mène parfois à l’abus d’alcool ou à briser leur costume méticuleusement préparé. Les comédiens ne veulent pas se faire étiqueter  comme un gai ou un transsexuel foufou ni se faire reconnaître dans la rue comme tel, mais les personnages qu’ils incarnent ne demandent qu’à exhiber leur fausse féminité dans les parades, les photos et sur la scène. Les acteurs de Changing Room n’ont probablement jamais incarné autant de personnages à la fois. La plupart sont ternaires, par exemple, Anne-Marie Côté revêt le costume de Délice, qui elle, rend hommage à Réglisse, un véritable personnificateur féminin que vous avez peut-être déjà vu au Drague de Québec. Un vrai défi pour les acteurs! Alexandre Fecteau a compris qu’autant de subtilités identitaires ne pourraient être que démystifiées au moyen d’un docu-théâtre.

Delice
Delice

Changing Room tend plus vers l’animation improvisée que vers le scénario pour les parties scéniques. Délice, l’animatrice de la soirée, ne mâche pas ses mots et appelle à l’impudeur calculée. Ses apparitions, qui s’étirent parfois trop longtemps, laissent la place aux numéros excentriques des drag queens sur les airs de musique populaire. Chorégraphies, costumes extravagants, lipsync, maquillage outrancier : chaque performance est en abyme. Quand les bêtes de scène s’éclipsent dans leur loge, la partie filmée et documentaire commence. On y voit les acteurs expliquer à l’interviewer invisible leurs débuts dans le métier de personnificateur féminin, raconter des anecdotes croustillantes, témoigner des difficultés qu’ils vivent tous les jours…On reste dans la fiction, mais elle est inspirée de témoignages réels, ce qui donne un ton plus humain à toute cette excentricité. On s’éloigne du théâtre et des performances scéniques pour approfondir sur l’homme derrière les paillettes. En plus de tous ces genres artistiques qui se chevauchent, après leur performance musicale, les acteurs enlèvent leur perruque et témoignent de leur expérience en leur nom personnel en tant qu’acteurs dans Changing Room. Un point de vue intéressant, une expérience unique pour eux.

Changing Room est divertissant, léger, drôlement provocateur. Pour trois heures de spectacle, vous en aurez pour votre argent. Même que quelques surprises vous attendent! Si vous avez adoré et que vous voulez voir plus de spectacles de personnificateurs féminins, rendez-vous au cabaret-club Le Drague, le jeudi et le vendredi, dès 22 h. Des personnages flamboyants vous donnent rendez-vous avec l’auto-dérision, la grivoiserie et les fous rires… tout simplement!

Appréciation : 3.5/5

Fiche technique

Auteur : Alexandre Fecteau, en collaboration avec Raymond Poirier

Mise en scène : Alexandre Fecteau

Assistance à la mise en scène : Stéphanie Hayes

Distribution : Frédérique Bradet, Anne-Marie Côté, Martin Perreault et Simon Dépôt, avec la collaboration spéciale de Jean-François Simard

Conception : François Leclerc, Jérôme Huot, Geneviève Dionne, Eliot Laprise, Chantal Bonneville, Virginie Leclerc, Marie-Renée Bourget Harvey

www.theatreperiscope.ca

photo: courtoisie