Remise du Prix Albert Londres 2013 à la Grande Bibliothèque de Montréal

Albert Londres
Albert Londres

« Notre rôle n’est pas d’être pour ou contre, non plus que de faire du tort, il est de porter la plume dans la plaie. »
Telle était la profession de foi d’Albert Londres, prince du journalisme et père du grand reportage.

Suite à sa disparition le 6 juin 1932 à bord de l’incendie du paquebot George Philippar qui le ramenait d’une enquête en Chine, sa fille Florise Martinet-Londres crée le Prix Albert Londres, qui sera décerné pour la première fois en 1933. Sous l’influence d’Henri de Turenne, le Prix Albert Londres de l’audiovisuel y est accolé en 1985.

Depuis ces dates, tous les ans aux alentours du 16 mai, le Prix Albert Londres récompense deux grands reporters de moins de quarante ans, suivant ainsi le vœu de Florise Martinet-Londres de découvrir un jeune talent plutôt que de couronner une carrière.

Cette année, c’est Montréal qui a été désignée pour être la ville hôtesse de la quatre-vingtième édition du plus prestigieux prix de la presse francophone, en raison de son statut de métropole francophone et de la qualité du travail journalistique accompli au Québec.

Présents hier, Philippe Zeller, ambassadeur de France, Clément Duhaime, administrateur de l’Organisation Internationale de la francophonie, Elaine Ayotte, responsable de la culture, du patrimoine et du design de la ville de Montréal, Maka Katto, ministre de la culture et des communications du Québec et Jean-François Lisée, ministre des relations internationale, de la francophonie et du commerce extérieur du Québec ont tour à tour pris la parole pour rendre hommage à la profession de journaliste.

Mettant l’accent sur le souci de déontologie et d’information juste, vérifiable et vérifiée, invoquant le talent, mais aussi l’amour de l’humanité indispensable pour regarder, écouter et rapporter les faits avec une humble subjectivité, invitant au retour sur le terrain -à pied, faisant l’éloge du grand reportage à l’heure de l’hyper-communication et du primat des cent-quarante caractères instantanés, tous à leur manière ont salué l’engagement des journalistes, ces héros des temps modernes, véritables baromètres de la bonne santé de la démocratie et de la liberté.

Suivant les traces d’Albert Londres, le jury a parcouru le monde et les reportages du journaliste mythique, de La cathédrale en feu à Reims en passant par Les forçats de la route à Courchevel, Au bagne à Cayenne, Dans la Russie de soviets à Moscou, La Chine en folie à Pékin pour atterrir enfin à la Maison de Radio-Canada afin de délibérer avant de rejoindre l’auditorium de la Grande Bibliothèque de Montréal.

Ainsi, parmi les cinquante-et-une candidatures déposées pour le prix de la presse écrite et les quarante-et-une pour le prix audiovisuel (dont plusieurs reporters québécoises), les vingt-deux jurés issus du journalisme francophone et présidés par Annick Cojean (grand reporter au Monde) ont finalement décidé de récompenser :

Roméo Langlois et Doan Bui
Roméo Langlois et Doan Bui

Doan Bui, pour son reportage écrit Les fantômes du fleuve, publié le 10 mai 2012 dans les pages du Nouvel Observateur.
La journaliste est partie à la rencontre des migrants clandestins passant par la Turquie et tentant de rejoindre l’Europe en traversant au péril de leur vie le fleuve Evros qui coule entre les frontières turque et grecque.
Lisant à l’assistance un extrait de son reportage, Doan Bui a donné la parole à 300561a, une anonyme de sexe féminin retrouvée morte d’hypothermie quelque part entre les rives de l’Evros et enterrée plus loin sous un terrain vague à l’entrée du village de Sidero.

Roméo Langlois, pour son reportage filmé A balles réelles, diffusé le 20 juin 2012 sur France 24.
Suivant l’armée colombienne dans une mission de routine visant à démanteler des laboratoires artisanaux de fabrication de cocaïne camouflés un peu partout dans la jungle colombienne, le journaliste est tombé dans une embuscade, a vu périr ses camarades armés puis a été capturé par les FARC, qui le retiendront en détention un mois avant de le libérer.
Les images du reportage montrées ont témoigné du grand professionnalisme et de la grande humanité devant comme derrière la caméra.

Les deux lauréats ont reçu leur prix des mains des lauréats de l’an passé, prix accompagnés de deux ouvrages d’Albert Londres et d’une plume en bois d’érable remis par Elaine Ayotte.

Crédits photographiques : Augustin Charpentier