The History of the Devil : standing ovation pour la pièce de la compagnie Title 66 Productions

Lucas Chartier-Dessert
Lucas Chartier-Dessert

« Pardonne-moi ! »
The History of the Devil commence par ce cri, poussé par le diable à peine expulsé du paradis.
Nu, amnésique, perdu, le père du mal est pris en main par Pia Shim, démêleuse de nœuds qui lui apprend à être humain.
Initié aux plaisirs terrestres au creux de ses reins, le diable retrouve ses souvenirs à l’instant vénérien où il atteint le paradis à portée d’humain.

Pia Shim est le premier témoin. Le Christ Jésus, l’architecte Nicholas Vidal, le poète Dante, la succube Lilith et d’autres entités en sursis se succèderont au procès de celui qui place dans le Droit ses espoirs d’emprunter l’Echelle de Jacob pour le paradis.

Coupable ? Non coupable ?
La justice l’emportera-t-elle, ou plutôt le parti pris ? De l’accusé et de la cour, qui jouera un tour pendable à qui ? Le diable se verra-t-il gracié et béni ou bien restera-t-il damné et puni ?

Lucas Chartier-Dessert
Lucas Chartier-Dessert

Lucas Chartier-Dessert est allé puiser dans son propre passé pour composer son personnage,
« par petites touches » et en constante collaboration avec le metteur en scène Jeremy Michael Segal, le défi principal ayant résidé dans le fait de maintenir une unité alors que Lucifer, passant l’une après l’autre par les étapes de la vie, devient de plus en plus humain.

Acteur résident de la compagnie Title 66 Productions, Lucas Chartier-Dessert a mis à profit ce que lui ont apporté les diverses entreprises auxquelles il s’est associé entre les premières représentations de The History of the Devil l’an dernier et celles de cette année, non pour transformer son diable du tout ou tout mais pour lui insuffler « une façon différente de raconter. »

Monstrueux et séduisant, pathétique et imposant, le diable avance à visage découvert, faisant face à ses passés -masqués.
Véritables œuvres d’art, les masques façonnés par Danielle Fagen et son assistant Joshua Cape transcendent le statut de simples accessoires, d’une part en dévoilant les personnalités de ceux qui les portent et d’autre part en accentuant la démarcation entre le procès qui est en train de se dérouler et les témoignages racontés, la pièce faisant des aller-retour incessants entre présent (démasqué) et passé (masqué).

La mise en scène s’occupe astucieusement des transitions, réalisées sur scène et sans temps mort. Les acteurs passent de personnage en personnage comme ils passent de costume en costume, sans perdre la tête, tout en déplaçant d’un côté de la scène à l’autre les caisses polyvalentes qui servent de décors.

Lucas Chartier-Dessert, Liana Montoro
Lucas Chartier-Dessert, Liana Montoro

Inspirés par le travail des metteurs en scène Bertolt Brecht et Robert Wilson, les co-directeurs de Title 66 Productions Jeremy Michael Segal et Logan Williams subliment par leur sens de l’esthétisme poussé à l’extrême la simplicité esthétique du texte de Clive Barker.

En premier lieu, la scène, peuplée de mannequins immaculés reflétant à l’humanité sa propre imperfection, communique à elle seule le cœur de la pièce, qui est la quête de la perfection.

C’est beau à se damner, la mise en scène somptueuse étant portée par les huit acteurs charismatiques qui réalisent un véritable tour de force en interprétant trente-quatre personnages, déployant toute la palette de leur talent, nuançant leur jeu pour octroyer à chacun sa couleur et son authenticité.
C’est burlesque, les démons gesticulant et grimaçant, parodies d’anges grotesques allant jusqu’à grimer le stonien Sympathy for the Devil, qui à l’image de la pièce, est hilarant et grand-guignolesque.

Le prince des ténèbres et sa suite sont en noir de la tête au pied. Les témoins appelés à la barre pour raconter leur rencontre avec Lucifer sont parés de style victorien contrastant avec le tribunal qui porte pour sa part un dépouillement plus « contemporain et abstrait » souhaité par le responsable du design des costumes et des décors Logan Williams.

The History of the Devil
The History of the Devil

The History of the Devil relatant la tenue d’un procès, l’histoire est construite à partir de la sentence finale. Le suspense reste ainsi entier jusqu’à la dernière scène, oscillant malicieusement par-delà bien et mal.

Le pari lancé par la pièce est remporté. Plus le procès avance, plus on se sent parent de l’accusé et de ses sentiments, tout en restant assez à distance pour porter un jugement. Un jugement qui porte sur l’humanité, qui partagera la sentence avec le diable pour l’éternité, quelque soit la prison, enfer ou paradis, à laquelle celui-ci sera condamné.

Dernier rappel ce soir à 20h00 dans la Cinquième Salle de la Place des Arts.

Texte : Clive Barker
Mise en scène : Jeremy Michael Segal
Décors et costumes : Logan Williams
Masques : Danielle Fagen, Joshua Cape
Lumière : Alexander Smith
Son : Jeremy Michael Segal

Distribution : Lucas Chartier-Dessert, Delphine DiTecco, James Harrington, Lily MacLean, Kyle McIlhone, Liana Montoro, Arielle Palik, Logan Williams

Crédits photographiques : Julia Milz, Augustin Charpentier