La comédie musicale « Ain’t Misbehavin' » au Centre Segal: des interprètes énergiques portés par une musique déchaînante!

Ain't Misbehavin' (de gauche à droite Michael-Lamont Lytle, Toya Alexis, Kim Richardson, Aiza Ntibarikure, Jonathan Emile)
Ain’t Misbehavin’ (de gauche à droite Michael-Lamont Lytle, Toya Alexis, Kim Richardson, Aiza Ntibarikure, Jonathan Emile)

Gagnant de trois prix Tony en 1978 (dont celui de la meilleure comédie musicale sur Broadway), Ain’t Misbehavin’ est un hommage à la musique des musiciens noirs des années 20-30, comme le grand pianiste jazz Fats Waller (et dont le titre porte le nom d’une de ses pièces). Mis en scène par Roger Peace qui connaît bien le genre; c’est lui qui a écrit et mis en scène « The Mahalia Jackson Musical » au début de cette année, et aussi le spectacle « Piaf: Love conquers all » en 2005. Pour en remettre, le rôle principal est joué par Kim Richardson, récipiendaire de trois prix Juno, en plus d’avoir participé tout l’été à Hairspray où elle obtenait une ovation debout soir après soir après son numéro solo. Avec tous ces éléments et encore plus, le Centre Segal frappe un grand coup.

Ain’t Misbehavin tient plus de la revue musicale de la musique noire jouée à Harlem dans ces années. Les interprètes jouent des rôles différents selon les chansons et chaque segment est indépendant. Composé de presqu’une trentaine de chansons d’auteurs variés (mais beaucoup sont de Fats Waller), avec à peine quelques dialogues pour mettre en contexte, ce spectacle dure un peu plus de 2 heures avec entracte. Le groupe de chanteurs dans la version originale était composé de 3 femmes et 2 hommes, tout comme dans la version que nous offre le Centre Segal. La conception du spectacle original est de Murray Horwitz et Richard Maltby Jr.

La force de cette production réside dans la qualité vocale, le dynamisme de ses interprètes et l’énergie communicative de la musique de cette période. Le spectacle est présenté dans un décor unique pour tous les segments, l’intégration de l’orchestre sur scène et la présence continuelle des chanteurs ajoutent à l’ambiance chaleureuse. Le talent de tous les interprètes est bien exploité même en solo, alors que les autres font des harmonies ou dansent et jouent à l’arrière pour faire une toile de fond. Les costumes d’époque sont parfaitement réussis, surtout ceux des chanteuses qui sont colorés à souhait. À noter la beauté des chapeaux des dames qui changent d’une scène à l’autre, chacun est une oeuvre d’art.

Ain't Misbehavin' (de droite à gauche Kim Richardson, Aiza Ntibarikure, Jonathan Emile)
Ain’t Misbehavin’ (de droite à gauche Kim Richardson, Aiza Ntibarikure, Jonathan Emile)

Kim Richardson possède un instrument vocal idéal pour chanter cette musique. Une belle voix ronde et chaude, avec de beaux graves, et surtout du caractère. Elle bouge avec l’élégance d’une grande dame qu’elle est. Son interprétation dans « Mean to Me » est pleine d’émotion, elle sait jouer avec les nuances de sa voix parfaitement. Elle est la star du spectacle et on sent que c’est à cause de son talent! Puis il y a Toya Alexis, qui est une chanteuse canadienne de R&B qu’on a connu dans l’édition 2003 de Canadian Idol. Son timbre de voix un peu rauque avec des aigus en douceur apportent une autre couleur aux chansons. Quand elle chante en duo avec Kim, leurs deux voix se complètent divinement, Toya pouvant aller chercher les notes hautes et Kim remplissant le grave.

Michael-Lamont Lytle est un chanteur américain qui a l’habitude des comédies musicales pour avoir chanté dans Beauty & the Beast, Chicago, Lion King, Dreamgirls et plusieurs autres. Sa voix est solide et juste, avec assez de rondeur surtout dans les graves. Il est un excellent danseur et son sourire et son énergie sont communicatifs. Le plus jeune des deux hommes, Jonathan Emile, possède une belle présence sur scène. Sa voix est plus pop et on sent qu’il travaille plus pour chanter ce style. Malgré cela, il dégage une énergie irradiante et on le sent à l’aise sur scène.

Mais la belle révélation est sans contredit celle qui complète le quintette, Aiza Ntibarikure. Elle est jeune, petite, mais elle a presque « volé le show »! Quand elle chante ou danse, c’est tout son corps qu’on sent emporté par la musique. Elle est habitée par une détermination qui est belle à voir. Bonne voix juste et nuancée, avec du caractère et un timbre agréable, mais surtout un dynamisme dans ses mouvements et sa danse. Que ce soit quand elle danse la claquette (tap-dance) avec les deux autres chanteuses à la fin du premier acte (« Off-Time ») ou quand elle se met à jouer du « air-drum » à la fin du second acte (« Honeysuckle Band »), à chaque fois elle attire l’attention sur elle, parce qu’elle est vraiment formidable. D’autant plus qu’on lui a donné des passages plus humoristiques, c’est très réussi.

Des interprètes aussi bons soient-ils ont besoin d’un bon appui musical et c’est le cas avec un merveilleux orchestre de 5 musiciens sous la direction de Chris Barillaro, le pianiste du groupe. Chris a su donner une couleur musicale parfaite pour l’époque avec un jeu léger et net, mais juste assez moderne pour bien sonner. Jouées en nuance et émotion, les parties douces et « soul » mettent en valeur les chanteurs, tout comme les envolées musicales rythmées qui nous font taper du pied et des mains. Son choix des autres musiciens cadre bien dans le style de Fats Waller. À noter aussi les belles harmonies vocales des chanteurs sur des chansons comme « Black & Blue ».

Ain’t Misbehavin est une revue musicale à ne pas manquer si vous aimez la musique de cette période. Autant de talents sur une même scène montréalaise, c’est à ne pas manquer. L’énergie qui se dégage et se communique aux spectateurs en vaut le déplacement. Musicalement c’est une réussite totale, sans compter de belles chorégraphies. J’étais accompagné de mes parents qui ont fredonné quelques chansons qu’ils ont connu dans leur jeunesse, mais pas besoin de connaître ces chansons pour se laisser emporter dans le tourbillon du spectacle.

Ain't Misbehavin' (de gauche à droite Jonathan Emile, Aiza Ntibarikure, Kim Richardson, Toya Alexis, Michael-Lamont Lytle)
Ain’t Misbehavin’ (de gauche à droite Jonathan Emile, Aiza Ntibarikure, Kim Richardson, Toya Alexis, Michael-Lamont Lytle)

Les bons coups: excellents chanteurs, musique des noirs de cette période, orchestre remarquable mais discret en même temps, énergie débordante et communicative.

Les moins bons coups: pas vraiment d’histoire mais une suite de thèmes.

Présenté en anglais au Centre Segal des arts de la scène (5170 ch. de la Côte-Ste-Catherine, Montréal) du 29 septembre au 23 octobre 2013 (http://www.segalcentre.org/). Une production du Centre Segal et de Copa de Oro. Mis en scène par Roger Peace. Direction musicale par Chris Barillaro. Costumes de Karen Pearce, décors de Jean-Claude Olivier, éclairages de Peter Spike Lyne. Chorégraphies par Michael-Lamont Lytle.

Distribution: Kim Richardson, Toya Alexis, Aiza Ntibarikure, Michael-Lamont Lytle et Jonathan Emile.

Billets disponibles sur http://www.segalcentre.org/fr/billets/ ou au 514-739-7944 entre 49$ et 64$, rabais pour étudiants, moins de 30 ans et plus de 65 ans disponibles (aussi bas qu 29$).

Photos: André Lanthier (fournies par le Centre Segal)