Orphelins… une grande pièce dont j’en ai rarement vu au théâtre avec autant d’intensité et vérité!

Orphelins, avec Steve Laplante, Évelyne Rompré et Étienne Pilon
Orphelins, avec Steve Laplante, Évelyne Rompré et Étienne Pilon

Pour la première fois à Québec, Le Théâtre de La Manufacture en codiffusion avec le Théâtre de la Bordée présentaient  la pièce ORPHELINS de l’auteur anglais Dennis Kelly. Au Théâtre de la Bordée, le 15 octobre dernier.

Créée en français au Théâtre La Licorne à Montréal à l’hiver 2012, où la pièce avait fait salle comble, cette production de La Manufacture est maintenant en tournée en région avec cette pièce.  Dans une traduction québécoise de Fanny BrittMaxime Denommée met en scène trois acteurs de grand talent, Steve Laplante, Étienne Pilon et Évelyne Rompré.

Résumé

Liam (Étienne Pilon), le jeune frère d’Helen, interrompt un souper d’amoureux entre sa sœur (Évelyne Rompré) et Danny (Steve Laplante), son mari. Il entre dans l’appartement, visiblement perturbé, son chandail couvert de sang. Il raconte avoir tenté d’aider un adolescent blessé qui gisait sur l’asphalte à quelques coins de rue de là. Mais son histoire change constamment et le doute s’installe chez Helen et Danny, obligeant ces derniers à prendre position à mesure que le récit se transforme et que la vérité est dévoilée.

Avec une telle prémisse, il est certain qu’on pouvait s’attendre à un drame et à des moments intenses dans cette pièce. Mais dans les faits, je suis restée surprise de voir que l’humour était également souvent au rendez-vous. Je me suis surprise à rire lors de sujets hyper tragiques, car au-delà du drame qui se jouait devant moi, la situation et les dialogues appelaient à l’humour noir à l’ironie, mais aussi, c’est souvent lorsqu’on est dans des situations tragiques que le rire l’emporte pour ne pas pleurer.

Je dois dire aussi que c’est surtout les dialogues de sourds qui amenaient ces rires, parfois jaunes, parfois gênés, d’entendre ces trois personnages se parler, sans s’entendre, avoir une communication verbale déficiente, entrecoupée, pleine de phrases suspendues. Avec deux et parfois trois personnes qui parlent en même temps, avec des paroles qui se chevauchent, se piétinent, se répètent, tels des pas de danse où chacun se pile sur les pieds. C’est un dialogue auquel le public a dû s’habituer et qui a généré plusieurs rires qui se sont transformés en inquiétudes et en inconforts,  au fil des découvertes du passé de chacun, des blessures de chacun, des cicatrices de chacun.

La mise en scène de Maxime Denommée est très efficace. À l’occasion, pour terminer une scène, une musique de suspens s’installait, quelques secondes à peine, pour ajouter à l’atmosphère lourde et stressante déjà présente. Tout au long de la pièce, on sent la peur omniprésente et la tension qui flotte dans l’appartement.

Orphelins, avec Steve Laplante, Évelyne Rompré et Étienne Pilon
Orphelins, avec Steve Laplante, Évelyne Rompré et Étienne Pilon

Étienne Pilon, que j’avais applaudi abondamment pour sa performance dans la pièce Frankenstein au Théâtre du Trident, alors qu’il jouait en alternance, les rôles de Victor Frankenstein et de la Créature, avec Christian Michaud, m’a à nouveau jeté en bas de ma chaise avec sa performance de jeu. Il incarne Liam, ce jeune homme marqué par la perte de ses parents en bas âge dans un incendie, n’ayant que sa sœur comme famille. Son jeu est un savant mélange de fragilité et de violence difficilement contenu. Il est une bombe à retardement, mais il réussit à se présenter de manière vulnérable, si bien qu’on n’ose pas trop le condamner. Cependant, il a réussi, à un certain moment, à me faire littéralement peur, à voir jusqu’où il pourrait aller.

Steve Laplante est vibrant d’émotions et d’authenticité. Tout au long de l’histoire qu’il subit, oui, il subit, le personnage de Danny tente de rester la tête hors de l’eau, de ne pas se noyer dans les récits qu’on lui raconte. Ses silences sont évocateurs et en disent souvent plus que ses paroles. Mais lorsqu’à la fin, il noie ses valeurs et ses convictions, j’ai mal en mon for intérieur de le voir si vulnérable et si défait! Quelle performance magistrale!

Évelyne Rompré joue également à merveille. Son personnage est déconcertant. Elle alterne d’une émotion à l’autre, d’un extrême à l’autre de manière déroutante. On en vient à se demander comment nous-mêmes on réagirait si on était confronté à sa réalité. Et c’est ce qui est fort dans cette pièce, c’est le fait qu’elle vient bousculer nos valeurs, jusqu’au plus profond de nos peurs. Confronté à l’inconnu, l’étranger, qui menace nos acquis, nos familles, nos valeurs, quelles seraient nos propres réactions? Et c’est cela qui nous reste au ventre et dans le cœur, au sortir de la salle. Cela, et une peur irrationnelle, qui m’a suivi dans les rues de la basse-ville de Québec pour mon retour à la maison.

Donc, cette pièce traite d’enjeux de société très actuels et dérangeants comme le racisme, la violence, la peur des étrangers et de la différence. Et après 1 h 30, on ressort de cette pièce, tout chaviré, chamboulé et bouleversé. Une grande pièce dont j’en ai rarement vu au théâtre avec autant d’intensité et vérité!

Avec

Steve Laplante
Etienne Pilon
Évelyne Rompré 

Texte : Dennis Kelly
Traduction : Fanny Britt

Mise en scène : Maxime Denommée

Décors : Olivier  Landreville

Costumes :  Stéphanie Cléroux

Éclairages : André   Rioux

Musique :  Éric  Forget

Accessoires :  Patricia Ruel

Assistance à la mise en scène : Marie-Hélène Dufort

Direction artistique : Jean-Denis Leduc

Cette pièce est présentée au Théâtre de la Bordée, du 15 au 19 octobre 2013  puis pourra être vu également lors de la suite de la tournée en région.

BILLETTERIE : 418 694-9721

Abonnés réguliers 28 $
Abonnés 30 ans et moins et aînés 23 $

 

315, rue St-Joseph Est, Québec

www.bordee.qc.ca

http://theatrelalicorne.com/lic_pieces/orphelins/

 

La pièce sera aussi présentée à Sherbrooke :

Mardi 3 décembre 2013, 20 h

Salle Maurice-O’Bready

 

crédit photos  : Suzane O’Neill