Falstaff de l’Opéra de Montréal nous réserve de très belles surprises

Falstaff à l'Opéra de Montréal
Falstaff à l’Opéra de Montréal

Pour fêter le 200e anniversaire de naissance de son auteur, l’Opéra de Montréal présente « Falstaff » de Giuseppe Verdi jusqu’au 16 novembre. Cet opéra classique interprété pour la première fois en 1893 est une comédie intelligente et pleine de situations cocasses et de quiproquos. Très différent du Verdi habituel: Falstaff est seulement la deuxième comédie qu’il écrit à l’âge de 80 ans. Sur un livret de Arrigo Boito, l’histoire est basée sur «The Merry Wives of Windsor» de Shakespeare. C’est un grand classique qui a gagné le coeur des critiques de l’époque à cause de son orchestration complexe et ses mélodies rafinées. L’Opéra de Montréal qui l’a déjà présenté en 1994 nous livre une nouvelle production drôle et légère (mais pas trop!) pleine de rebondissements et surtout agréable à écouter à cause de plusieurs interprètes de grands talents.

L’histoire tourne autour d’un vieux Falstaff dont la richesse s’épuise et qui décide d’y remédier par la conquète de deux belles dames riches, Alice Ford et Meg Page. Il leur envoie deux lettres identiques mais mal lui en pris car Alice et Meg sont amies et découvrent la supercherie. Avec l’aide de leur amie Mrs Quickly elles décident de se venger. D’autres intrigues s’entrecroisent. Nannetta, la fille d’Alice, est amoureuse du jeune et beau Fenton malgré que son père exige qu’elle épouse le riche docteur Cajus. Et les deux serviteurs de Falstaff (Bardolfo et Pistola) qui mettent au courant le mari d’Alice, monsieur Ford. Ce dernier croyant que sa femme veut le tromper se fait passer pour un autre et ira jusqu’à se faire raconter par Falstaff comment il s’y prendra pour séduire Alice. Lorsque Ford arrive à l’imprévu, Alice et Meg cachent Falstaff dans le panier à linge qui sera mis à la rivière. Falstaff, désabusé, se fera convaincre par Mrs Quickly à reprendre leur rendez-vous. Il se fera prendre au piège par Ford et tous les autres qui se déguisent en fantômes et en fées dans la forêt. Nannetta déguisée ira même jusqu’à se faire marier à son bien-aimé par son père qui lui aussi est pris au piège. Tout se termine sur une note joyeuse avec Falstaff qui proclame que tout le monde n’est que plaisanterie et l’homme est né farceur. Sans oublier la morale de la fin: l’amour transforme l’homme en bête!

Marie-Nicole Lemieux (Mrs Quickly) et Oleg Bryjak (Falstaff) © Yves Renaud
Marie-Nicole Lemieux (Mrs Quickly) et Oleg Bryjak (Falstaff)
© Yves Renaud

La caractéristique principale de cet opéra par rapport aux autres c’est l’absence de longs airs qui brisent le rythme de l’histoire. Tout se fait rapidement, chaque air fait avancer l’histoire. Il n’y a même pas de pièce d’Ouverture ou d’Entracte. Même si les mélodies sont très agréables et divertissantes, aucune ne nous restera graver en mémoire. Par contre l’orchestration est rafinée et vient bien appuyer les voix. Les décors sont relativement sobres mais fonctionnels, à l’exception de la maison des Ford bien conçue pour le croisement des intrigues et la dernière scène dans la forêt qui est de toute beauté! Les éclairages sur le grand chêne avec une toile de fond surréaliste impressionnent. Les costumes d’époque sont ce qu’on attend d’une grande production comme celle-ci, plus spécialement les déguisements et les masques de la scène finale.

Chacun des interprètes de cette production se démarquent. À commencer par Oleg Bryjak en Falstaff qui réussit quand même à être attachant malgré sa maladresse. Son jeu amuse et sa voix profonde et puissante mais tout en nuances témoignent d’une grande expérience. Gianna Corbisiero (Alice) a une belle voix agile dans les aigues et joue très bien la femme qui aime jouer des tours. Celle qui joue son amie Meg, Lauren Segal, est moins présente mais sait tirer son épingle du jeu. Gregory Dahl qui joue le mari qui se croit cocu est un bon baryton qui se fait discret, un peu trop peut-être pour le rôle.

Mais celle qui vole la vedette c’est définitivement Marie-Nicole Lemieux en Mrs Quickly. Elle a une superbe présence sur scène, vive d’esprit, elle joue très bien la comédie. Vocalement elle est éblouissante et se démarque. Sa voix chaude et bien ronde combinée à son jeu nous fait passer un agréable moment, surtout dans sa scène de lit avec Falstaff. Mon autre coup de coeur est Aline Kutan en Nannetta. Elle a une splendide voix de soprano colorature, où elle joue avec ses notes aigues aussi agilement qu’un chat avec une souris. Son timbre vocal et ses nuances nous captivent, on l’écouterait plus longtemps!

La scène de lit entre Falstaff (Oleg Bryjak) et Mrs Quickly (Marie-Nicole Lemieux) ©Yves Renaud
La scène de lit entre Falstaff (Oleg Bryjak) et Mrs Quickly (Marie-Nicole Lemieux)
© Yves Renaud

Les autres personnages secondaires sont tout aussi bons, mais Jean-Michel Richer en serviteur Bardolfo et Antonio Figueroa en jeune amoureux de Nannetta ressortent du lot vocalement. Ils sont accompagnés d’un choeur d’une trentaine de chanteurs et figurants pour deux scènes. L’orchestre qui les accompagne, sous la direction de Daniele Callegari rend un très bel hommage à la musicalité de cette oeuvre, plus soignée et rafinée et surtout moins lourde que dans les autres opéras de Verdi.

Ce spectacle plaira à tous les amateurs de musique classique mais aussi à tous ceux qui aiment s’amuser avec une histoire remplie de revirements. On ne perçoit aucune longueur, il se passe toujours quelque chose d’intéressant et amusant, et plusieurs excellentes voix même dans des rôles secondaires. La scène de lit entre Falstaff et Mrs Quickly, la scène où Falstaff se fait enfermer dans le panier à linge et celle dans la forêt sont vraiment très réussies.

Les bons coups: interprètes convaincants, divertissant, très belles voix, musique de Verdi rafinée, histoire bien rythmée.

Les moins bons coups: absence d’air très connu.

Mis en scène par David Gately, le chef d’orchestre est Daniele Callegari et le chef de choeur est Claude Webster. Les décors et costumes sont de John Conklin (décors revisités par Olivier Landreville). Éclairages de Eric W. Champoux.

Les rôles principaux: Oleg Bryjak (Sir John Falstaff), Gregory Dahl (Ford), Antonio Figueroa (Fenton), James McLennan (Dr Cajus), Jean-Michel Richer (Bardolfo), Ernesto Morillo (Pistola), Gianna Corbisiero (Alice Ford), Aline Kutan (Nannetta), Marie-Nicole Lemieux (Mrs. Quickly), Lauren Segal (Meg Page).

Un choeur d’une trentaine de chanteurs et figurants complètent la distribution.

Présenté en italien avec surtitres français et anglais, à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts, du 9 au 16 novembre 2013 (à 19h30). Billets disponibles sur http://www.operademontreal.com et http://www.pda.qc.ca/ entre 22$ et 136$.

Photos: poster de Falstaff par Pierre Manning, autres photos Yves Renaud