Ventre, entre refuge et passion

La réunion des corps
La réunion des corps

La pièce Ventre est présentée au théâtre Premier acte de Québec jusqu’au 1er février. Elle s’insère dans la deuxième partie d’un triptyque, à la suite de La montagne rouge (sang), écrit par Steve Gagnon, qui joue aussi dans Ventre aux côtés de Marie Soleil Dion. Ces deux textes ainsi que En dessous de vos corps je trouverai ce qui est immense et qui ne s’arrête pas sont disponibles aux éditions L’instant même. Ventre est la troisième production du Théâtre Jésus, Shakespeare et Caroline et est mise en scène par Denis Bernard.

Lorsque le ventre est l’île déserte où un couple doit se retrouver pour se sauver, le naufrage devient nécessaire. Lorsque dans les mains seule existe la lumière, la chaleur de la peau de l’autre demeure l’unique issue dans la pénombre. Quand deux jeunes amoureux se retrouvent après des mois de séparation à la suite d’une trahison, ce sont deux corps écorchés qui percutent contre la solitude et la douleur, deux lambeaux de chair qui se liguent contre la nuit.  Des monologues comme une longue plainte, une condamnation de l’assimilation d’une population déculturée, impuissante devant le fléau d’une solidarité qui a perdu tout son sens. Chacun leur tour, Gagnon et Dion se livrent à des élans dithyrambiques, comme des déclarations d’amour crachées au visage de l’autre, presque catatonique, défiguré par la désillusion.

Steve Gagnon et Marie Soleil Dion
Steve Gagnon et Marie Soleil Dion

Ventre ne réinvente pas la roue par un sujet aussi utilisé que les relations homme-femme, mais présente un nouveau vocabulaire, un nouveau traitement, une nouvelle version de l’amour, fait tomber ses inhibitions. La pièce fait pleurer par la puissance de ses mots,  par la vérité de ses douleurs, par le désespoir qui plane… L’auteur panache son texte lyrique par de courtes intrusions de joual, par des petits bouts de réel, souvent cocasses, qui amusent par leur évidence, leur stéréotype. L’écriture de Gagnon est imprégnée de sensualité, de tangible et d’intensité. La mise à nu littérale des personnages, loin d’être gratuite et déplacée, est nécessaire pour la réunion des chairs meurtries, la fusion des retailles de leur corps en sevrage. Devant leur nudité qui est l’antre de leur apaisement, ils flanchent, se désintègrent l’un sur l’autre. Au bout de la nuit, ils souhaitent reconstruire les ruines de leur histoire et la fin, aussi abrupte que la rencontre du couple dans la pièce, laisse présager le retour de la lumière. La mise en scène modeste de Denis Bernard accompagne parfaitement le texte pour lui laisser une grande place ainsi qu’au talent des deux interprètes de Ventre.

Ventre comme le refuge de la laideur et de la beauté, Ventre comme le retour aux sources, comme le terrier de l’amour qui triomphe. Seuls devant l’inconnu et les tempêtes, une femme et un homme apeurés, rapaillés…

Crédit photos: Cath Langlois, photographe

Programmation du théâtre Premier acte