L’Oncle Célestin, une opérette à voir pour ses interprètes

L'Oncle Célestin: Jocelyne Cousineau, Marie-Philippe Bois, Benoît Godard, Nathan Lelièvre
L’Oncle Célestin: Jocelyne Cousineau, Marie-Philippe Bois, Benoît Godard, Nathan Lelièvre

Pour son 10e anniversaire, les Productions Belle Lurette présente L’oncle Célestin, une opérette en trois actes qui est rarement produite, que ce soit ici ou de l’autre côté de l’Atlantique. D’un livret écrit par Maurice Ordonneau et Henry Kéroul sur une musique d’Edmond Audran, L’Oncle Célestin est une sorte de Feydeau chanté mais sans les portes! L’oeuvre a d’ailleurs été écrite et jouée à la même période vers la fin du 19e siècle. Le directeur de Belle Lurette (Étienne Cousineau) nous a confié qu’il a découvert cette opérette par accident lors de sa diffusion sur Radio-France. Ce fut tout de suite le coup de foudre et son choix logique pour fêter le 10e anniversaire de sa compagnie Belle Lurette. Et comme cette opérette n’est presque jamais montée, c’est un événement à ne pas manquer.

L’histoire débute chez monsieur et madame Pontaillac qui décident de vivre une vie aristocratique à Paris en 1890 grâce à l’héritage de deux millions d’oncle Célestin, un vieil oncle aubergiste. Pour se donner plus de noblesse, ils tentent de marier leur fille Clémentine au vicomte Gontran des Accacias, mais elle lui préfère son cousin Gustave qui l’aime aussi. Le notaire Falempin leur apprend qu’ils doivent devenir aubergistes pendant 6 mois s’ils désirent garder l’héritage. L’action se transporte à l’auberge du Lapin Agile où la famille Pontaillac se déguise pour ne pas se faire reconnaître par Moreau, un ami de l’oncle Célestin habitué de l’auberge. L’arrivée des Accacias à l’auberge alors qu’on les croyait en Italie va compliquer l’intrigue et les dénoncer de leur statut de nobles. Le notaire Ratinet venu constater l’exécution des conditions du testament créera tout un émoi quand tout le monde s’est déguisé pour ne pas se faire reconnaître. Le tout se termine chez les Pontaillac qui perdent leur statut et l’héritage, mais un revirement de dernière minute nous donne une fin heureuse pour tout le monde… ou presque!

Stéphanie Hamel et Richard Fréchette
Stéphanie Hamel et Richard Fréchette

Ça fait maintenant 10 ans que les Productions Belle Lurette (http:www.bellelurette.org) présentent deux opérettes par an. Son co-fondateur, Étienne Cousineau, s’est fait connaître par l’émission La Voix en 2013 et son nouveau CD La Voie lancé l’automne dernier. Il est le metteur en scène et chorégraphe de cette production. Il nous offre aussi une participation spéciale et chante des chansons d’époque pendant les deux changements de décor. Une excellent idée qui permet de garder le rythme et l’ambiance.

Ce qui distingue cette production c’est la qualité de ses interprètes et les personnages qu’ils ont développés. Ils sont attachants et intéressants à voir évoluer, certains plus loufoques que d’autres pour nous amuser. L’intrigue est un peu simpliste et prévisible parfois, mais ça n’empêche pas la ribambelle de personnages de nous divertir. Que ce soit le nigaud de prétendant, le notaire maniéré, ou la fausse baronne vaniteuse. Les personnages principaux se font plus effacés à quelques moments pour mieux laisser la place à d’autres ce qui permet de mettre en valeur tous les interprètes. Les chansons sont accompagnées de main de maître par le pianiste Pierre McLean. Le final de l’acte I ressemble aux meilleurs moments des opérettes d’Offenbach. Les costumes d’époque sont aussi très réussis et ajoute à l’aspect visuel, malgré des décors plus simples pour permettre des changements plus rapides.

Kim Taschereau, Michel Métayer, Jocelyne Cousineau et Benoît Godard
Kim Taschereau, Michel Métayer, Jocelyne Cousineau et Benoît Godard

La soprano Marie-Philippe Bois (Clémentine) chante avec une jolie voix juste et un beau vibrato naturel. Elle nous charme avec de beaux aigus clairs et de bonnes envolées mais on la sent moins à l’aise dans les graves. Benoît Godard et Jocelyne Cousineau qui jouent ses parents font une paire parfaite. Sans prendre trop de place ils savent doser leur présence pour permettre aux autres personnages de graviter autour d’eux. Benoît Godard possède une voix forte et bien placée avec de bons graves, tandis que Jocelyne Cousineau avec sa voix mature se distingue pour son côté comique. L’auteur et le metteur en scène ont su lui donner de superbes moments comme avec son piano mécanique, ou lorsqu’elle sort sa hache. Elle apporte au moins la moitié des rires de la soirée. Leur chanson «Ensemble de la pose» devient le running gag de l’opérette. La famille est complétée par Nathan Lelièvre (cousin Gustave) qui brille à chaque présence sur scène. En plus de jouer un Gustave plein de tendresse et expressif, il chante avec une voix juste et en douceur qui convient bien à son personnage. Il peut faire de bons graves et possède un beau timbre de voix plus léger dans les aigus, un peu comme une plume qui survole au-dessus des autres voix.

Benoît Godard, Arnaud Gloutnez et Michel Métayer
Benoît Godard, Arnaud Gloutnez et Michel Métayer

L’autre famille (Accacias) est jouée par Michel Métayer (père) et Kim Taschereau (mère). Avec de bonnes voix, on les remarque surtout pour leur jeu sincère. Mais c’est leur fils joué par Arnaud Gloutnez qui attire toute l’attention par son personnage de nigaud innocent caricaturé. Il nous divertit à chaque présence et ses envolées sont toutes appréciées.

Richard Fréchette (Moreau) joue un campagnard crédible et attachant qui sait nous amuser. Vocalement il est très agréable à écouter. Même si les deux notaires sont de petits rôles, chacun sait s’imposer et ils sont très crédibles. Philippe Gobeille a su composer un notaire plein de tics pour nous en mettre plein la vue et c’est très réussi. Sa courte présence nous amuse et sa chanson «Couplet des noms» fait mouche. Le reste de la distribution est aussi remarquable, que ce soit les danseurs ou le choeur. Quand on écoute le choeur on peut distinguer chacun des timbres et ils auraient pu tous jouer un rôle principal. Lorsqu’ils chantent ensemble, on entend une belle richesse sonore.

Nathan Lelièvre
Nathan Lelièvre

Je recommande L’Oncle Célestin pour toutes ces raisons et parce que c’est une oeuvre qui est rarement présentée. D’une durée de 1h45 sans entracte, le spectateur est assuré de passer une belle soirée divertissante.

Les bons coups: bons interprètes et personnages bien composés, costumes d’époque, ensemble vocal

Les moins bons coups: intrigue simple

Équipe de création:
Mise en scène et chorégraphies par Etienne Cousineau. Accompagné au piano par Pierre McLean. Costumes par Diana-Carmen Ratycz et décors par Philippe Gobeille et SOS Décor. Coiffures par Christiane Frenette-Bergeron.

Distribution:
Marie-Philippe Bois (Clémentine), Benoît Godard (Pontaillac), Jocelyne Cousineau (Paméla), Nathan LeLièvre (Gustave), Michel Métayer (M. Des Accacias), Arnaud Gloutnez (Gontran), Kim Taschereau (Mme Des Accacias), Richard Fréchette (Moreau), Philippe Gobeille (Ratinet), Frédéric-Antoine Guimond (Falempin), Marie-Ève Courchesne, Stéphanie Hamel, Florence Leclerc, Mylène Leduc-Dauphinais, Mike Melino, Vincent-Nicolas Provencher, Francis Rivard, Élysabeth Rivest et Alexis Trudeau. Participation spéciale de Étienne Cousineau entre les actes de l’opérette.

 

Étienne Cousineau
Étienne Cousineau

Présenté en français à la Maison des Arts de Laval (1395 boulevard de la Concorde à Laval).
Vendredi 14 mars – 20h00
Samedi 15 mars – 14h00 et 20h00
Dimanche 16 mars – 15h00
Les billets sont 35$ (30$ étudiants) à la porte ou au 450-667-2040.

Photos: Alarie Photos