Alfred, ou la beauté qui fait mal.

Pièce Alfred
Pièce Alfred

«Je ne suis rien d’autre que ce qui te lie à moi. »

Emmanuel Schwartz que l’on connait aussi pour ces précédentes participations aux pièces de Wajdi Mouawad et de Dave St-Pier, ainsi qu’Alexia Bürger qui a récemment assuré la mise en scène de Je ne m’appartiens plus que de Chante avec moi sentaient le besoin de «parler des êtres marginaux qui ont un regard différent sur le monde.  »

Alfred est le résultat d’une aventure de longue haleine que la collaboration entre le compositeur-interprète et la metteuse en scène amènera jusqu’en Ohio.  Suite à la découverte de cet homme mystique qu’est Alfred McMoore, ils décident de partir à la recherche des vestiges qu’il aurait laissés dans le cœur et la tête des gens.  La pièce, bien que fortement inspirée par M. McMoore, gravite autour du garde de sécurité qui libéra les animaux du zoo d’Akron : Clyde Redding. L’on rallie l’esprit troublé d’un homme marginalisé et un étrange fait divers survenu en 2009 près de sa résidence.

La libération des bêtes du zoo par ce gardien désabusé, mais soudainement rempli d’espoirs, est centrale au déroulement de la pièce.  L’état semi-apocalyptique dans lequel est laissée la ville transportera Akron au cœur de l’attention médiatique du pays.  Délogé de leur routine, chacun se retrouve face à l’inattendu.

Dans ce premier monologue, Schwartz incarne avec brio une panoplie de personnages divergents.  Tous emprisonnés à leurs façons, il dresse le portrait de gens pour qui le rêve américain devient plutôt mirage. Les personnages cherchant à se rapprocher de leurs états sauvages se donnent la réplique sous forme de canons, amplifiant la parole du précédent. Malgré quelques tremblements au début, il est convainquant dans chacun de ceux-ci.  Il représente une faune affectée par le rêve américain, thème central d’Alfred.

L’angoisse aliénante est accrue par une mise en scène originale.  Jeux de lumière surprenants et utilisation d’échos sonores viennent supporter avec justesse celui qui affronte seul la foule.

D’un humour cynique, les spectateurs répondent à l’intelligence du texte par de sincères rires, mais quelques fois aussi de rires nerveux.  La pièce illustre la grande difficulté d’être libre dans le plus «libre» des pays; à être réellement maître de soi.

«On joue avec l’idée que l’homme fait sa propre catastrophe en interprétant les événements selon ses perceptions, dit le comédien.  Clyde porte le poids de l’Amérique sur ses épaules. Il est écrasé par la quantité d’options qu’il a devant lui, car il n’arrive pas à prendre une décision.»

Je recommande humblement de lire d’abord le résumé fourni par le Théâtre d’Aujourd’hui afin de pleinement s’imprégner du contexte et d’en apprécier les constituants.  Les morceaux de ce casse-tête narratif se doivent d’être appuyés par ses guidances.

Équipe de création:

idée originale, collaboration au texte et mise en scène Alexia Bürger

Idée originale, texte et interprétation Emmanuel Schwartz

Assistance à la mise en scène Alexandra Sutto

Scénographie Simon Guilbault

Costumes Linda Brunelle

Éclairages Alexandre Pilon-Guay

Musique originale Nicolas Basqu

Maquillage Angelo Barsetti

Régie Jean Gaudreau

Collaboration à la mise en scène Sylvain Bélanger

Le spectacle, produit par le Théâtre d’Aujourd’hui, est présenté dans l’intime salle Jean-Claude-Germain du 15 avril au 4 mai. 

Crédit photo : Valérie Remise