L’Histoire révélée du Canada français, 1608-1998 une fresque historique ludique et originale !

L’Histoire révélée du Canada français, 1608-1998
L’Histoire révélée du Canada français, 1608-1998

Année après année, le Carrefour international de théâtre de Québec offre au public une multitude de spectacles variés, de pièces de théâtre originales et encore une fois cette année,  il nous amène une surprenante pièce de plus de 7 heures, qui nous plonge dans une fresque historique, réinventée, remaniée qui est à la fois désopilante et étonnante, mais surtout une grande première au Québec, de se faire raconter notre propre histoire pour voir si réellement, on se souvient?! Voici ce que nous offre le carrefour de théâtre, les 6,7 et 8 juin au grand théâtre de Québec, avec L’Histoire révélée du Canada français, 1608-1998.

Divisée en trois spectacles, qui ont d’abord été présentés de manière séparée et créée par Alexis Marin et Daniel Brière avec le Nouveau théâtre Expérimental(NTE) à Montréal, cette pièce est jouée maintenant dans son intégralité, dès 14 h, avec 2 entractes de 15 minutes et 2 pauses de près d’une heure. Cette trilogie s’inspire des petits et grands événements de la vie des populations, depuis la fondation de la ville de Québec en 1608, jusqu’à la crise du verglas de 1998. Un véritable marathon qui permet aux gens, pendant plus de 7 heures, de s’imprégner de l’histoire, de faire des rencontres et casser la croûte (un léger service de restauration est offert à prix modique) et jaser entre spectateurs durant les entractes de ce qu’on vient de se faire raconter. Quelle belle façon de passer la journée!

La pièce est donc divisée en trois grands thèmes.

I – Invention du chauffage central en Nouvelle-France

Premier volet, Invention du chauffage central en Nouvelle-France se mesure à ce qui définit ce pays : le froid. Rigueurs du climat autant que sécheresse des cœurs, innovations pour s’adapter à l’hiver, fortes images qu’il fait naître se succèdent et peignent le tableau du « Pays des mots gelés », comme le décrit la légende.

François Papineau et Steve Laplante
François Papineau et Steve Laplante

Dans cette première partie, agrémentée de quelques chansons, admirablement bien interprétées par les trois comédiennes (Dominique Pétin, Danielle Proulx, et Marie-Ève Trudel), tels des anges, en harmonies, on revisite notre histoire avec un grand H, sous forme de petites capsules,  où l’on se promène de l’arrivée de Champlain, à la crise du verglas, en passant par la poésie de Miron. On nous montre le climat rigoureux (avec une superbe scène de tempête, recréée avec poudrerie de manière très réaliste), nous fait apprécier la beauté du froid, et on découvre comment il était important de trouver des moyens de se réchauffer et de bien se vêtir. On nous présente des personnages colorés, dont Ségolène la Française, jouée par Marie-Ève Trudel. On nous amène dans le froid de l’hiver, avec Louis-Joseph Papineau qui part en exil, déguisé en femme. On nous parle des usines de vêtements qui exploitent les Mexicains comme ouvriers. Bref, on nous amène de manière ludique et cultivée dans notre Histoire,  par des tableaux entrecroisés, dans lesquels on retrouve autant des sketchs comiques que des moments plus tragiques, des chansons à répondre, des voix angéliques des Crystalettes, de la narration, des poèmes de Miron, au langage des Amérindiens, jusqu’au franc-parler des canadiens-français. Un véritable bouillon d’histoire, mélangeant les évènements, faisant référence à des anecdotes d’autres époques, le tout, pour divertir, et tester notre mémoire collective.

La scène, qui se trouve au milieu de la salle, avec des spectateurs des deux côtés, est encerclée de panneaux vitrés qui s’ouvrent pour laisser entrer et sortir les personnages, mais surtout qui permet de contenir la neige, la poudrerie et le vent. On a l’impression souvent de les regarder dans un bocal de verre. À l’occasion, un mécanisme très bien pensé fait tomber la neige autour de la scène, si bien qu’on a l’impression d’être réellement en hiver.


II – Les chemins qui marchent

La seconde étape, Les chemins qui marchent, emprunte le tracé sinueux des cours d’eau et rappelle l’importance, pour le Québec, des rivières et du grand fleuve qui le nourrissent, leur impact sur la vie des habitants et sur l’exploration du territoire.

Dans cette deuxième partie, qui est en fait mon spectacle favori entre les trois, on retrouve beaucoup plus d’action. Tout d’abord, la scène a été remaniée de manière à ne plus avoir de panneaux vitrés de deux côtés de la scène, mais à la place, on a ajouté deux bassins d’eau qui permet de faire penser à deux lisières de rivière. Les mécanismes qui poussaient la neige, font maintenant tomber la pluie tel un déluge, dans les bassins d’eau. On dirait vraiment un orage. Un des moments que j’ai adoré dans cette histoire c’est lors du naufrage à l’ile d’Anticosti. Le jeu de comédiens, qui tanguent sur le bateau, les éclairages qui font éclater l’éclair, le bruit du tonnerre et la pluie abondante, font de ce moment un pur délice à regarder. En plus de diverses scènes en canot ou  à la pêche, on a également une histoire qui se passe à la station d’épuration de Montréal en 1998 et dans les égouts de Montréal. On peut dire que ces bassins d’eau sont très appropriés dans ce deuxième spectacle.

L'histoire d'amour entre un ouvrier et une riche  Anglaise
L’histoire d’amour entre un ouvrier et une riche Anglaise

On retrouve également une histoire qui raconte la rencontre entre un ouvrier et une jeune riche Anglaise et la naissance de leur histoire d’amour.  Cette portion du spectacle devient complètement ludique, alors que chant lyrique, danse totalement déjantée (des hommes en style de collant, qui tentent de danser du ballet), et comédie musicale s’entrecoupent pour parler de cette relation impossible entre ces deux mondes bien différents.

Dans ce spectacle, François Papineau et Steve Laplante jouent plusieurs rôles principaux, alors qu’ils étaient relégués à des rôles plutôt secondaires dans la première pièce. Ils sont superbes tous les deux, puisqu’ils alternent dans des rôles différents, avec accents parfois, et on oublie qu’ils sont les mêmes comédiens qui reviennent pour divers personnages.


III – Le pain et le vin

La saga, enfin, culmine avec Le pain et le vin. Créé ce printemps, cet opus se penche sur notre rapport à la nourriture. Et avec un tel titre, revisite évidemment l’aventure d’évangélisation des Français en Nouvelle-France.

Cette troisième pièce, contrairement aux autres, suit une chronologie dans le temps. On part du fait que c’est un conférencier (Alexis Martin), dans un institut psychiatrique, qui raconte l’évolution de l’alimentation au fil du temps et des époques. Et pour illustrer ses propos, les évènements sont reconstitués et joués sur scène, pour ensuite revenir à la conférence. Cependant, ces scènes sont souvent sanglantes, alors cœurs sensibles s’abstenir. On y parle entre autres du scorbut au temps de Champlain et la recherche d’un remède par les arbres ou les plantes. Ensuite, on reproduit le malheur des saints Martyrs Canadiens, à grands coups de couteau (images fortes qui restent dans nos têtes) on fait intervenir, Jehane Benoit, dans une émission de cuisine, qui nous explique comment faire une soupe, le potage mêlé, prêt en 20 minutes, en l’honneur de la bataille de 20 minutes sur les plaines d’Abraham. On nous explique aussi comment saigner un cochon et comment faire une tête fromagée, avec une vraie tête de cochon… Bien que Danielle Proulx interprète à merveille cette dame dans son émission de cuisine, personnellement, j’ai trouvé que ses interventions étaient redondantes. On nous parle aussi d’évènements marquants comme la crise d’octobre 70 et la fermeture des tavernes dans les années 80.

Au final, cette immense pièce, fresque historique, nous a permis de nous divertir, de rigoler, de nous remémorer certaines époques de notre Histoire, et de voir toute l’ingéniosité et la créativité dont ont fait preuve Alexis Martin et Daniel Brière pour nous présenter une telle œuvre. De plus, 10 comédiens aux talents exceptionnels ont démontré leur savoir pendant ces 7 heures, en changeant de costumes et de personnages toutes les dix minutes, nous permettant de voir plusieurs facettes de leur jeu, en plus de danser et chanter pour agrémenter le spectacle.

Un spectacle monumental à voir!

Texte Alexis Martin

Mise en scène Daniel Brière

Distribution Gary Boudreault, Benoît Drouin-Germain, Steve Laplante, Pierre-Antoine Lasnier, Alexis Martin, François Papineau, Dominique Pétin, Carl Poliquin, Danielle Proulx, Marie-Ève Trudel

Scénographie Michel Ostaszewski

Costumes Judy Jonker

Musique originale et conception sonore Anthony Rozankovic

Lumière Nicolas Descôteaux

Vidéo Yves Labelle

Direction de production Judith Saint-Pierre

Direction technique Hugo Hamel

Régie Colette Drouin

Coproduction Festival TransAmériques (Montréal)

Production Nouveau Théâtre Expérimental

Également présenté au Festival TransAmériques (FTA).

 6,7 et 8 juin 2014 à 14 h

Durée : 7 h incluant les entractes

Salle : Salle Octave-Crémazie

Prix des billets : 104,75 $
93,25 $ (30 ans et -)
93,25 $ (60 ans et +)
* taxes et frais de service inclus.

http://www.grandtheatre.qc.ca/

www.carrefourtheatre.qc.ca/