À 90 ans bien sonnés, Charles Aznavour homme de paroles

Charles Aznavour en compagnie de son pianiste Erik Berchot - 17 septembre 2014 ©Suzette Paradis
Charles Aznavour en compagnie de son pianiste Erik Berchot 17 septembre 2014 ©Suzette Paradis

Devant 7000 spectateurs en liesse, le grand poète déchiffreur d’âme Charles Aznavour s’est avancé dignement sur la scène du Centre Bell mercredi soir acclamé par un public impatient de le retrouver.

Évoquant son lointain passé et ses débuts au Faisan Doré à Montréal il y a 60 ans, il a brisé la glace avec des chansons dites nouvelles dont Les Émigrants mais aussi quelques bijoux moins connus que l’on retrouvent sur son récent CD intitulé Toujours (2011) dont La vie est faite de hasard, Va et Viens m’emporter, des oeuvres jazzées qui servent d’apéro à ce répertoire nostalgique que le public se fera un plaisir de chantonner plus tard au cours du concert.

Charles Aznavour est non seulement un homme de mots mais il est un homme de paroles. Le voir balayer ses chaussures sur les planches avec aplomb est une chose, mais le voir danser au son des Plaisirs démodés, le voir tourbillonner à la fin de La Bohème ou sautiller après tel ou telle chanson, se rendre compte qu’il lance sans hésitation son micro d’une main à l’autre; puis il y a cette voix bouillante qui vous enveloppe, qui reste accrochée à votre mémoire et se frotte à vos sentiments. Même à 90 ans bien sonnés, le Monstre sacré de la chanson française tient promesse.

Charles Aznavour en compagnie de son pianiste Erik Berchot - 17 septembre 2014 ©Suzette Paradis
Charles Aznavour en compagnie de son pianiste Erik Berchot – 17 septembre 2014 ©Suzette Paradis

À Montréal, le public est gaga pour l’artiste. C’est que ce petit homme à l’humanité immense a voulu jouer au grand jeu, il est devenu la mémoire vivante de nos vies intimes. Il a mis des mots sur nos peines, nos amours, nos blessures et nos drames. Ces mots là ont pansé nos échecs, ont guérit nos coeurs et nous ont accompagné dans les petites guerres de la vie. Ils ont fait histoire en nous. À Paris au mois d’août, Sa jeunesse, Mon ami mon Judas, Non je n’ai rien oublié, L’amour c’est comme un jour, Désormais, Hier encore, Je m’voyais déjà, il y en a près d’un millier comme ça …

Mercredi soir, on entendait les mouches voler même dans ce grand amphithéâtre dès que le maestro ouvrait la bouche. On ne compte plus le nombre d’ovations debout qu’il a reçu non plus. Appuyé dans son art, il y a sept musiciens dont Erick Berchot, le grand pianiste classique, lauréat du prix Frédéric Chopin et deux choristes qui font le poids, sa fille Katia Aznavour avec qui il entonnera Je voyage et la blonde Claude Lombard. Il y a aussi cet accordéon qui crée une profonde nostalgie dans des chansons comme Mourir d’aimer.

Charles Aznavour est un mystère de la vie. Il a pris tous les risques et affronter contre vents et marées critiques et mauvaises langues au cours de toute une vie, même aujourd’hui … et pourtant! Oser faire la chanson Comme ils disent à l’époque ou

Charles Aznavour au Centre Bell - 17 septembre 2014 ©Suzette Paradis
Charles Aznavour au Centre Bell – 17 septembre 2014 ©Suzette Paradis

être homosexuel était honteux, puis oser chanter quand on est nonagénaire. En concert, il est un homme sans filet, il se livre sur scène avec des textes, des mélodies et des gestes singuliers. Il faut le voir pour comprendre cette joie qu’il partage comme au premier jour et comme le ferait un ami qui nous a vu grandir.

Avec son nouveau manager, son fils cadet Nicolas Aznavour, on a l’impression que Charles Aznavour a fait une cure de jouvence. Une trentaine de chansons, deux heures de concert, une forme exceptionnelle, un nouveau CD à venir et un livre aussi entre autres, la vie continue pour Aznavour et c’est bien ainsi!

http://www.charlesaznavour.com/