Le voyage dans la Lune: une opérette drôle et de belles performances vocales

La compagnie Belle Lurette du chanteur Étienne Cousineau nous revient à tous les mois d’octobre avec une opérette en version concert. Le spectacle qui en découle est hilarant et d’un style s’apparentant au burlesque mais sans jamais être déplacé. Le «Voyage dans la Lune» est un opéra-féerie en 4 actes écrit par Jacques Offenbach à partir d’un livret d’Albert Vanloo, Eugène Leterrier et Arnold Mortier d’après Jules Verne. Même si on rit beaucoup, la production offre en prime des performances vocales de très haute qualité.

Le récit basé sur le livre de Jules Verne est léger et complètement fou frôlant la démence. Le prince Caprice, ne voulant pas succéder au roi Vlan, mandate l’astronome Microscope d’organiser un voyage sur la Lune. Arrivés sur place ils découvrent une société étrange dirigée par le roi Cosmos et son conseiller Cactus. La femme du roi Cosmos, Popotte, et leur fille Fantasia défendront les nouveaux arrivants. Le prince Caprice tombera amoureux de Fantasia mais cette dernière est incapable de sentiment comme tous les habitants de la Lune. Mais Caprice fera goûter à Fantasia une pomme et elle tombe immédiatement amoureuse de Caprice, ce qui est considéré comme une maladie sur la Lune. Après de multiples péripéties dont une lutte avec le prince lunaire Quipasseparlà, le destin de tous se résout sur une belle note finale et tout est bien qui finit bien.

Marc-André Poulin (Vlan), Thiéry Dubé (Cosmos), Philippe Gobeille (Cactus) et Serge Turcotte (Microscope)
Marc-André Poulin (Vlan), Thiéry Dubé (Cosmos), Philippe Gobeille (Cactus) et Serge Turcotte (Microscope)

Dès les premières secondes le ton est donné: le metteur en scène (Étienne Cousineau) réunit l’équipe et distribue les rôles de façon humoristique. L’ajout d’un narrateur (Philippe Gobeille) bonifie l’expérience en aidant le spectateur à suivre l’histoire déjantée. Ses apparitions amusantes sont toujours bienvenues à cause de son ouverture avec le quatrième mur et de son humour qui sont non sans rappeler le style du Capitaine Bonhomme. Mais le succès de cette production tient surtout à leurs belles voix chantées et un humour déjantée qui découle d’une bonne dose d’autodérision et d’un sens du «timing» parfait. L’opérette a été rafraichie en ajoutant des références contemporaines et un langage familier ce qui permet de redonner à cette oeuvre sa modernité et ses qualités d’antan. On remarque même plusieurs références à d’autres grandes oeuvres comme «Le Magicien d’Oz» et «Starmania» par exemple.

Étienne Cousineau (Fantasia) et Nathan LeLièvre (Caprice)
Étienne Cousineau (Fantasia) et Nathan LeLièvre (Caprice)

Tous les interprètes jouent un rôle principal et plusieurs autres petits rôles. On sent une grande complicité entre eux. Nathan LeLièvre (Caprice) joue un prince lunatique et capricieux convaincant. Ses chansons sont toutes expressives et agréable à écouter, surtout son timbre clair dans les aigus et son vibrato naturel qu’on peut apprécier particulièrement dans sa chanson «Ô Reine de la nuit». Etienne Cousineau en princesse Fantasia ne rate pas une occasion de nous faire rire en jouant plus gros que nature. Avec une perruque blonde pour nous rappeler qu’il joue un rôle féminin il chante les airs de la princesse avec la pureté et la voix cristalline d’une bonne soprano. Toujours juste et expressif, il n’hésite pas à utiliser tous les moyens pour nous amuser, que ce soit ce numéro où il chante avec Caprice en mangeant une pomme (oui chanter en mangeant est un exploit vocal!) ou le numéro où il enchaîne quelques pas de claquettes avec son prince. Si Offenbach était toujours vivant il aurait vraiment apprécié ce nouveau style de danse pour cette scène.

Marc-André Poulin (Vlan) chante d’une belle voix avec de bons graves tout en jouant ce roi maladroit. Serge Turcotte (Microscope) en savant fou excelle autant en jeu et en voix. Il nous offre plusieurs moments comiques. Thiéry Dubé (roi Cosmos) et Jocelyne Cousineau (reine Popotte) forment le couple parfait. Lui s’impose en jouant sur sa présence sur scène et elle est très expressive en jouant la femme soumise et faible d’esprit ce qui nous la rend attachante. Ils chantent rarement en solo ce qui est dommage car ils ont de belles voix. Dans les petits rôles il y a Marie-Philippe Bois (Flamma) et Alexandrine Branchaud (Adja) qui sont deux sopranos qu’on a plaisir à entendre. Puis Gustave Richard (Quipasseparlà) est un jeune nouveau qu’on a l’occasion d’entendre seulement à la fin du dernier acte. Sans oublier Philippe Gobeille (Cactus et narrateur) dont c’est le «running-gag» de chanter un petit solo à chaque fois interrompu par Étienne Cousineau. Son jeu est toujours juste et avec une bonne dose d’humour.

Les Astronomes en marionnettes
Les Astronomes en marionnettes

D’une durée de 2h30 (intermission de 15 minutes), le spectacle est très rythmé et divertissant. L’ajout de marionnettes pour représenter les astronomes et les soldats est une belle touche à cette mise en scène originale et pleine de surprises. On aurait aimé plus d’accessoires ou éléments de décors mais pour une version concert c’est déjà pas mal. Plusieurs scènes sont particulièrement réussies dont celle où la «grosse» princesse Fantasia chante dans les bras du roi Cosmos, celle où la reine Popote déclare son amour à Microscope, et ce clin d’oeil au burlesque où tous les interprètes masculins arrivent habillés en femmes. Je recommande fortement de voir ce spectacle pour tous les âges dont l’humour de premier et second degré vous déridera pour la soirée. En prime vous aurez droit à de superbes voix.

Les bons coups: adaptation moderne, performances vocales, mise en scène ingénieuse, interprètes

Les moins bons coups: aimerait voir plus qu’une version concert

Jocelyne Cousineau (Popote) et Serge Turcotte (Microscope) dans la grande séduction
Jocelyne Cousineau (Popote) et Serge Turcotte (Microscope) dans la grande séduction

Produit par Belle Lurette (http://www.bellelurette.org/)
Mise en scène: Étienne Cousineau
Adaptation: Étienne Cousineau et Pierre McLean
Pianiste: Pierre McLean
Conception des marionnettes: Philippe Gobeille

Distribution: Nathan LeLièvre (Caprice), Etienne Cousineau (Fantasia), Marc-André Poulin (Vlan), Serge Turcotte (Microscope), Thiéry Dubé (Cosmos), Philippe Gobeille (Cactus), Jocelyne Cousineau (Popotte), Marie-Philippe Bois (Flamma), Alexandrine Branchaud (Adja), Gustave Richard (Quipasseparlà).

Présenté en français au studio-théâtre Claude-Léveillée de la Place des Arts les 3 et 4 octobre 2014 à 20h. Billets disponibles à 31.50$ sur http://www.laplacedesarts.com/ ou au 514-842-2112

Photos: Daniel Ouimet