Elles étaient neuf, sur la scène de la Salle Raoul-Jobin du Palais Montcalm, vendredi soir, à présenter une vision glamour, féminine, du tango. Quatre musiciennes, quatre danseuses, une chanteuse. L’ensemble de New York a offert au public composé d’amateurs avertis ainsi que de curieux de connaître un peu plus cette danse inscrite au patrimoine immatériel de l’UNESCO en 2009, un spectacle enrichissant, racontant en deux temps l’histoire du tango et celle des femmes évoluant dans l’univers initialement masculin des quartiers pauvres de Buenos Aires et de Montevideo.
La première partie illustrait les débuts du tango. Parfum de scandale qui persistait dans la bonne société des capitales argentine et uruguayenne devant cette danse des classes populaires, hésitations maladroites dans l’avidité coupable mais indéniable d’apprendre, interdits finalement dépassés… La danse, tout comme les danseuses, a été jeune, à son âge d’adolescence, avec les pas mal assurés et les mouvements timides, le sentiment de culpabilité vaincu, enfin, par le besoin de se libérer, d’être soi-même, d’être une femme, d’être la femme.
Et la femme, la voilà, au deuxième acte qui s’ouvre sur une projection d’une danseuse se préparant à une danse. Elle se maquille, elle enfile ses bas en résille, elle met sa robe noire, elle attache avec précaution ses souliers. Elle entre sur la scène. Elle est là, sûre d’elle, sûre de sa place qu’elle, oh non, n’a pas usurpée à l’homme, c’est la place qui lui revient, qui lui toujours revenait, mais que la société hypocrite de la fin du XIXe et du début du XXe siècles ne lui reconnaissait pas. La danse elle-même n’est plus à ses balbutiements, elle devient adulte, sensuelle, assurée. Elle quitte l’Argentine et l’Uruguay et se fait universelle, attirant de plus en plus de couples de danseurs à travers le monde entier.
La musique envoûtante de tango, interprétée par l’excellente Polly Ferman, directrice et créatrice du spectacle, au piano, Shinjoo Cho au bandonéon, Ina Paris au violon et Iris Ornig au contrebasse, a capté l’auditorium acquis à l’art des quatre musiciennes. Les danseuses Mariana Parma, Mariana Galassi, Karina Romero et Ana Padron ont personnifié à merveille et avec une grande maîtrise technique différentes expressions que peut revêtir le tango, danse riche d’improvisation par excellence. La chanteuse Sofia Tosello est allée chercher la passion du tango par sa voix chaude et d’une grande ampleur. Federico Bongiorno, seul homme dans cet ensemble féminin, a été, quant à lui, le maître d’œuvre des projections faisant partie intégrante du spectacle et de l’éclairage.
Le spectacle, chorégraphié par la danseuse Mariana Parma, a été présenté par la compagnie new-yorkaise de Polly Ferman. Cette pianiste accomplie d’origine uruguayenne, formée à la musique classique, a été initiée à la musique de tango il y a une douzaine d’années. En 2008, elle a fondé une compagnie à Buenos Aires et en 2011, sa deuxième compagnie, à New York. Les deux compagnies existent simultanément et Polly Ferman travaille avec les deux de façon équilibrée. Y a-t-il une différence dans l’approche? Oui, même si la base reste la même, répond Mme Ferman. La chorégraphie de New York est faite plus dans le style de Broadway tandis que celle de Buenos Aires reflète davantage les accents sud-américains.
Polly Ferman a fait connaître sa compagnie surtout aux États-Unis et au Canada. Par ailleurs, la Montréalaise Allyson Manta assure la direction artistique de ce spectacle et quatre des danseuses des troupes de Polly Ferman sont également d’origine de Montréal. Pour ce qui est de la troupe de Buenos Aires, des présentations sont prévues au Brésil. Et en 2015, le spectacle Glamour Tango sera présenté en Chine. Le calendrier de Polly Ferman est donc bien rempli, au grand plaisir non seulement de cette grande musicienne et passionnée du tango, mais également au celui du public reconnaissant.
Crédit photos: courtoisie
