Entrevue avec les artisans du film Elephant Song qui prendra l’affiche le 20 février prochain!

Richard Goudreau et Charles Binamé
Richard Goudreau et Charles Binamé

C’est le 20 février prochain que sortira en salle le très attendu film Elephant Song (La chanson de l’éléphant) du réalisateur québécois Charles Binamé (Séraphin : un homme et son péchéMaurice Richard), mettant en vedette entre autres l’excellent Xavier Dolan dans une performance de jeu inoubliable. Présenté en première mondiale au dernier Festival international du Film de Toronto, ce thriller psychologique sera offert en version originale anglaise et aussi doublée en version française québécois.

J’ai eu le bonheur de rencontrer le réalisateur Charles Binamé ainsi que le producteur Richard Goudreau, qui m’ont entre autres livré quelques anecdotes de tournage.

Synopsis

Un éminent psychiatre disparaît de son bureau; la dernière personne à l’avoir vu est Michael, un jeune patient au comportement instable. Le Directeur de l’hôpital, le Dr Greene, vient le rencontrer pour l’interroger. Miss Peterson, l’infirmière en chef, qui connaît mieux que quiconque le passé tragique qui pèse sur son directeur, le met en garde contre les manipulations de ce singulier patient. Mais le Docteur Green fait fi de son avertissement. Fidèle à lui-même, Michael se joue de ses questions, discourant plutôt d’éléphants et d’opéra, insinuant même un meurtre sans cadavre, puis une conspiration, avec pour résultat d’entraîner le Docteur dans un piège machiavélique. Le médecin en viendra à faire la paix avec son passé tragique, mais à quel prix?

Richard Goudreau
Richard Goudreau

Questions pour le producteur Richard Goudreau

Quelle est la genèse de ce projet? Ce film basé sur la pièce de Nicolas Billon et réalisé par Charles Binamé? « En tant que producteur, c’est mon métier de trouver un bon scénariste et d’avoir de nouvelles idées de films à produire. Je suis entré en contact avec Pierre Billon qui avait écrit pour moi Nouvelle-France et qui avait aussi écrit Séraphin avec Charles Binamé. Je voulais faire un film en anglais et donc avoir un scénariste du Canada anglais. Il m’a donc proposé une pièce de théâtre écrite par son fils Nicolas Billon qui vit à Toronto. The Elephant Song (Il a gagné le prix du gouverneur général pour ses pièces de théâtre en 2013. Et la pièce La chanson de l’éléphant a joué à Paris tout l’automne et elle a été mise en nomination pour 2 prix Molière en théâtre). Je l’ai lu et j’ai eu un coup de foudre. Cependant, c’était un huis clos cette pièce à 3 personnages. Et au cinéma ce n’est pas très vendeur à notre époque. Je lui ai donc demandé d’écrire le scénario du film en ajoutant des éléments, des personnages, des intrigues secondaires. C’était il y a 9 ans de cela déjà. Ensuite, j’ai choisi Charles Binamé pour réaliser le film, car le film se devait d’être soigné, un film d’acteurs et en plus, vu qu’il y a eu de locations, il fallait pousser la technique de l’image à son meilleur et je savais que Charles avait ce talent-là. Charles opère lui-même la caméra, chose que je ne savais pas et que j’ai découverte lorsqu’on a tourné en Afrique du Sud. Et il est excellent.»

Le film a été tourné en anglais puis doublé en français et avec des acteurs québécois, canadiens et américains. Pourquoi?« En tant que producteur, je cherche des projets, que ce soit en français ou en anglais et cette fois-ci, c’était une pièce en anglais écrit par un Canadien. Alors, on s’est lancé en anglais pourquoi pas. Mais je tenais à avoir des Québécois aussi. Et nos 2 Québécois (Xavier Dolan et Guy Nadon) sur le film sont excellents autant en anglais que lorsqu’ils se sont doublés eux-mêmes en français. Guy Nadon, je ne savais pas, il y a tourné plein de trucs en anglais dans de seconds rôles de films américains. »

Justement, pour le choix de Xavier Dolan dans le rôle de Michael, il parait que c’est Xavier lui-même qui est venu vous demander de le prendre pour le rôle ? «Exactement. Ça remonte loin. Xavier a demandé à me rencontrer, après avoir tourné J’ai tué ma mère, donc il y a 6 ou 7 ans. Il m’a dit «Michael c’est moi». Il avait vu la pièce plusieurs fois. Il connaissait le personnage par cœur. Bref, il y tenait. J’ai vraiment aimé son engouement pour le rôle. Mais de toute façon, Nicolas et moi, on avait déjà parlé d’éventuels acteurs pour le rôle et le nom de Xavier était parmi ceux qu’on avait énumérés… Entretemps, Xavier a eu le temps de faire trois autres films avant que le tournage débute. Mais au final, la performance de Xavier est magistrale. C’est un passionné et il a donné la performance de sa vie dans ce film. »

Quel a été pour vous le plus grand défi de ce film?«C’est le casting. En anglais surtout, pour que les gros investisseurs, les institutions et le distributeur Entertainment One embarquent dans le projet, je devais trouver des acteurs qui ont ce qu’on appelle un «marquee value», des acteurs qui attirent les foules. Et je suis parti fort avec Philip Seymour Hoffman. J’ai essayé pendant 3 mois et finalement ils m’ont répondu qu’il avait un projet de théâtre très important. J’ai su par la suite qu’il était en désintox. Puis j’ai approché Colin Firth (The King’s speech), mais le timing non plus n’était pas là. J’en ai fait 5 ou 6 autres comme ça. Puis j’ai trouvé Bruce Greenwood, qui est originaire de Rouyn-Noranda, mais a passé la majeure partie de sa vie à Los Angeles et a joué dans multiples films américains. J’ai trouvé aussi Catherine Keener qui est la seule américaine, et elle a été en nomination deux fois aux Oscars. Finalement, Carrie-Anne Moss qui est native de la Colombie-Britannique, en plus de Colm Feore aussi un autre canadien. Cela a été mon casting. J’ai eu de la misère quand même à convaincre les dirigeants chez Eone, d’approuver mes choix d’acteurs. Ils ne connaissaient pas Xavier, même si celui-ci ne cessait de remporter des prix à Cannes. Ensuite avec Greenwood, ils ont trouvé que je leur ai forcé la main. Mais au final, lorsqu’ils ont visionné le film, juste avant les TIFF, Mark Slone, le patron de Eone m’a dit qu’il n’avait jamais vu Bruce Greenwood aussi bon que ça dans un film. Donc, j’ai eu raison de pousser fort pour mon casting. »

Charles Binamé
Charles Binamé

Questions pour Charles Binamé :

On ne vous avait pas vu réaliser des films depuis un bon bout de temps. Vous réalisez ce film, Elephant Song, basé sur la pièce de Nicolas Billon.  Qu’est-ce qui vous plaisait dans l’idée de réaliser ce film et comment est-il arrivé jusqu’à vous? « Le projet m’est arrivé par le producteur Richard Goudreau. Il avait pensé à moi pour mettre ça en scène au cinéma. C’est Nicolas Billon qui a adapté sa pièce de théâtre, qui était en fait un huis clos entre le médecin, le patient et une infirmière qui venait les interrompre à l’occasion. Ainsi, il en a gardé le cœur de son sujet et l’a garni de personnages secondaires et des histoires autour de ces personnages, entre autres pour l’infirmière et le Dr Green qui auraient déjà été en couple, ils auraient eu une fille, mais ils ne sont plus ensemble maintenant. Tout cela a été ajouté. Donc, à la lecture du scénario, j’ai trouvé l’écriture superbe. C’est un texte plein d’humanité, plein de souffrances cachées, mais aussi plein de fausses pistes. Et la richesse de ce film aussi réside dans les destins croisés de Michael et le psychiatre. On voit qu’un destin peut en influencer un autre dans une rencontre fortuite. C’est une belle leçon de vie.»

Décrivez-moi votre film. «Ce film, c’est comme un puzzle. On ouvre la boite, il y a plein de morceaux, mais on n’a pas l’image finale sur le dessus de la boite. On colle alors peu à peu les morceaux et tout à coup, une image va nous apparaitre. La réalité nous apparait au fur et à mesure que le film progresse. Donc, pour moi c’était une idée assez agréable et c’était la première fois que j’en faisais un thriller psychologique. »

Quel a été pour vous le plus grand défi de ce film? «La difficulté c’était de se pencher sur de la matière aussi intense, aussi dense, pour lui donner de la fluidité et de faire en sorte que ça ne devienne pas pesant. Et qu’au final, cela garde son caractère intriguant, léger, amusant. Ce n’est pas une comédie, mais il y a des moments où le personnage de Xavier s’amuse carrément de son interlocuteur, qui lui essaie de suivre comme il peut. »

Les 2 acteurs principaux, Xavier et Bruce semblent parfaits pour leurs rôles respectifs. Est-ce que la rencontre et la chimie entre les deux se sont bien faites?«Oui cela s’est fait très très bien. Ce sont deux acteurs très différents. Bruce est très intellectuel dans son jeu. Il réfléchit beaucoup à son rôle. Il m’envoyait même des courriels de trois, quatre pages régulièrement, même pendant le tournage, pour me questionner sur le scénario, ses répliques, ses intentions. La scène du huis clos par exemple, je l’ai tourné dans l’ordre, en continuité sur une période de trois semaines. Cela a permis de ne rien laisser au hasard, de penser à rendre le tout fluide. C’était un travail très organique, mais très intéressant à faire.»

Lorsque j’écoute un film, je remarque beaucoup la musique qu’on y entend et d’habitude, on nous propose trop souvent une surdose de musique stressante pour créer l’ambiance, or ici, il y a eu peu d’utilisation de cette musique. Un peu de piano et des cordes, à quelques occasions sans plus. J’ai bien aimé. Dites-moi justement ce que vous aviez en tête comme idée pour cette trame sonore?« Je n’en avais pas d’idée, au départ. J’ai fait appel à Gaétan Gravel, avec qui j’avais déjà travaillé. Et je ne voulais absolument pas forcer l’ambiance de peur et de stress, avec les cordes. C’est ma monteuse qui m’a fait penser à Gaétan (qui a écrit la musique de Conversation with a young boy). On avait collaboré ensemble à l’époque où nous faisions de la pub. C’est un gars de formation classique qui écrit des pièces pour cordes. J’adore les quatuors à cordes. Alors, il m’a écrit beaucoup de choses. On en a mis, on a épuré par la suite. On ne voulait rien imposer. Et au mixage on a vraiment essayé de graduer ça. Yves Jacques a même dit, lors de la première à Montréal que mon film est comme un quatuor à cordes. Tout ce qu’on y retrouve, le jeu des acteurs, le travail de la caméra,  est d’une grande finesse.»  

Une des scènes très belle, mais aussi très troublante est celle en Afrique avec le jeune Michael et l’éléphant. Les images sont sublimes et on doit voir ça sur écran géant. Comment s’est tournée cette scène? « C’est poignant comme scène, autant à le voir à l’écran que sur place. De voir un éléphant tomber ça fait du bruit, ça vibre! L’éléphant qui a servi au tournage, ça fait 25 ans qu’il est avec son entraineur. Il a été récupéré sur une réserve au Mozambique, quand il avait cinq ans et qu’il a perdu ses deux parents. Et là, il a trente ans et pèse 6 tonnes. Il est énorme, mais à l’écran il semble moins gros, c’est parce qu’on a dû le filmer vers le bas à cause de la configuration du terrain qu’on avait. Mais disons qu’on pouvait se tenir debout sous lui, tellement il est gros.  Pour la scène, l’entraineur lui dit SIT (assis en anglais), alors il se met sur ses pattes de derrière et il se laisse tomber sur le côté. Et c’est là que nous avons filmé, lorsqu’il tombe. Et comme il tombe lourdement, au ralenti, ça devient encore plus spectaculaire. Et une fois au sol, on a trente secondes pour filmer, car c’est tellement lourd un éléphant que s’il reste couché trop longtemps, il pourrait s’étouffer. Il pourrait s’écraser les poumons et le cœur. »

Xavier Dolan est fabuleux comme acteur et j’ai découvert Bruce Greenwood comme excellent acteur également. La scène fatidique du film (dont on ne parle pas pour ne pas vendre les punchs), est-ce que cela a nécessité plusieurs prises, comment on prépare ses acteurs à une telle scène?« Cela été une scène très difficile à tourner. Et non, on ne prépare pas une telle scène, on la fait une fois et c’est tout. Ce fut horrible pour tout le monde présent sur le plateau, mais la scène est un véritable succès. C’est tout ce que je peux dire pour ne pas trop en divulguer. Je peux juste dire que c’est là qu’on voit que Xavier Dolan est un acteur extrêmement généreux, très commis dans ce qu’il fait et très intègre. Je n’en dirai jamais assez de bien. Il est vraiment très talentueux. »

Le tournage est d’une durée de 33 jours, et coûte 6 millions de dollars.

Au cinéma dès le 20 février 2015
Bande-annonce disponible en version française québécoise : https://www.youtube.com/watch?v=XYzeG…
Réalisateur      CHARLES BINAMÉ

Producteur       RICHARD GOUDREAU

LENNY JO GOUDREAU

scénariste        NICOLAS BILLON

Directeur photo PIERRE GILL

Édition            DOMINIQUE FORTIN

Costume          GINETTE MAGNY

Coiffures         REJEAN GODÈRE, LYNE LAPIANA

Maquillage      NICOLE LAPIERRE

Musique          GAËTAN GRAVEL

PATRICE DUBUC

 

Son                  CLAUDE LAHAYE

CLAUDE BEAUGRAND

LUC BOUDRIAS

PATRICK LALONDE

 

Casting – Canada LUCIE ROBITAILLE,  DEIRDRE BOWEN

Casting – U.S.  HEIDI LEVITT

 

Distribution

Dr.  Green       BRUCE GREENWOOD

Michael Aleen XAVIER DOLAN

Olivia  CARRIE-ANNE MOSS

Dr. Jones         GUY NADON

Dr. Lawrence  COLM FEORE

Miss Peterson  CATHERINE KEENER

Florence Da Costa       GIANNA CORBISIERO

Christelle         CINDY SAMPSON

Sergent Taylor LARRY DAY

Amy    MELODY GODIN-CORMIER

Jakobus           MARC DONKER

Bruce   MATT HOLLAND

Maestro           ERIQUE PÉREZ MESA

Jeune Michael (5 ans) ETHAN BOLDUC

Jeune Michael (7 ans) GERMANO SANTANA

elephantsong-themovie.com / lachansondelelephant.com

Crédit photos : Robert Roussel