W;t

Lorraine Côté et Simon Lepage
Lorraine Côté et Simon Lepage

W;t, la pièce à la typographie excentrique (wit, mais avec un point-virgule) présentait sa première au Théâtre de la Bordée devant une salle comble hier soir.

Lorraine Côté joue Vivian Bearing, professeure de littérature spécialiste de John Donne, poète métaphysique britannique du XVIIe siècle. La pièce relate le moment du diagnostic de cancer des ovaires stade IV et sa chimiothérapie agressive qui s’en suit. Cette performance remarquable de l’actrice est aussi le récit poignant des dernières heures du professeur Bearing, et des moments d’épiphanie qu’elle vit. À travers ses monologues, elle étudie la fin de son existence comme on étudie un poème, elle devient l’objet scruté, décortiqué sous toutes ses coutures. L’originalité de la pièce réside dans la mise en relief des procédés littéraires utilisés dans les scènes, afin de souligner le procédé narratif utilisé. Cette mise en abyme (explication du théâtre au théâtre) est une forme d’ironie, mais aussi d’humour, qui permet de dédramatiser une situation pour le moins lourde et difficile. Le public prend ces bouffées de rire comme des bouffées d’oxygène à travers le drame de cette femme seule.

Drame qui souligne une réalité angoissante : en effet, on peut avoir tout l’esprit (traduction de wit) du monde, on reste humain face à la mort. On peut tout connaître de la métaphysique et des questionnements de l’au-delà en théorie; mais, quand vient le temps de la pratique, nous voulons avant tout être rassurés, confortés, nous voulons du dialogue, des choses simples, de la bonté nous dit Bearing. Bearing, qui apparaît un peu imbue d’elle-même au début de la pièce et de sa connaissance encyclopédique d’un sujet abscons pour le commun des mortels; comprendra que les esprits moins lettrés sont pourtant ceux qui feront le plus preuve d’empathie, comme l’infirmière Suzie (excellente Marie-Josée Bastien), qui fait son travail à merveille sans avoir suivi de cours de poésie. Malgré ce que dit le Sonnet sacré 10 de John Donne (Death be not proud, traduit) fil conducteur de la pièce, la Mort est plus puissante et redoutable que les érudits de la planète. L’importance du point-virgule devient triviale, les mots choisis revêtent, eux, un caractère absolu.

W;t
W;t

La pièce porte également un regard sur ce qu’est être un patient. L’auteure de la pièce originale Margaret Edson, s’est inspirée de son expérience dans un service de recherche sur le cancer pour souligner la froideur, l’inhumanité dont font parfois preuve les médecins, sous couvert de recherche. Le malade ne devint qu’une suite de chiffres utiles. Notons à ce sujet la performance criante de vérité de Simon Lepage jeune médecin résident qui a assisté au cours du professeur Bearing par obligation et qui y a trouvé a posteriori une méthodologie de travail. Vivianne réclamera son humanité à ce médecin dans sa mort, en refusant de se faire réanimer. Une pièce qui nous laisse sans voix, qui remue nos émotions cachées et qui nous rappelle à notre condition d’être humain.

W;t du 3 au 28 mars 2015, représentations à 19h30 (Excepté le mardi 17 mars à 13h)

En coproduction avec le Théâtre Niveau Parking

Texte : Margaret Edson
Traduction : Maryse Warda
Mise en scène : Michel Nadeau
Assistance à la mise en scène : Véronika Makdissi-Warren

Distribution

Marie-Josée Bastien
Maxime Beauregard-Martin
Lorraine Côté
Jacques Leblanc
Simon Lepage
Danielle Le Saux-Farmer
Laurence Moisan-Bédard
Paule Savard

Crédit photo: Nicola-Frank Vachon

Toute la programmation: http://www.bordee.qc.ca/