La chatte sur un toit brûlant à la Bordée… Phénoménal!

La chatte sur un toit brulant
La chatte sur un toit brulant

Pour sa dernière pièce de la saison, la Bordée présente une pièce de grande envergure, soit le chef-d’œuvre de Tennessee Williams La chatte sur un toit brûlant. Immortalisé au cinéma en 1958 et mettant en vedette Élizabeth Taylor dans le rôle de Maggie, ce drame familial sur fond d’homosexualité non-dite est un défi de taille pour Maxime Robin à mettre en scène. Or, il réussit avec aplomb, originalité, efficacité et humour, à garder cette œuvre actuelle, tout en situant la pièce dans le Mississippi des années 60. Phénoménal! 

Résumé

Dans une riche villa du Mississippi, une famille est réunie pour célébrer les 65 ans de Big Daddy Pollitt, propriétaire d’une vaste plantation de coton. Celui-ci ignore que ce sera son dernier anniversaire, puisqu’on lui cache le cancer généralisé qui le condamne. Ce n’est cependant pas le seul secret qui couve au sein de cette famille, où l’on communique à coups de sous-entendus et de demi-vérités.

Brick, le plus jeune des deux fils Pollitt, a sombré dans l’alcool après le suicide de son meilleur ami avec qui il entretenait une relation que l’on juge « contre-nature ». Mais Maggie, « la chatte » veut le reconquérir. Quant au fils aîné, Gooper, il est venu à la fête accompagné de sa femme Mae et de sa nombreuse progéniture avec l’intention à peine voilée de mettre la main sur l’imposant héritage du patriarche. Les tensions familiales vont inévitablement éclater, alors que les hypocrisies vont être dénoncées et que bien des illusions vont tomber.

La distribution au complet, devant la maison
La distribution  devant la maison

Tout d’abord, éclair de génie, c’est le théâtre tout entier qui est la scène de cette pièce magistrale. Avec dans le hall d’entrée une grande table, avec nourriture, et des couverts pour accueillir 8 convives, on peut voir les personnages graviter autour de la table et festoyer, pendant que les spectateurs entrent dans la salle. Ainsi, il est convenu que, nous les spectateurs, sommes les voyeurs invités à la fête, puisque tout au long de la soirée, les invités se promèneront de la salle à manger, à la chambre de Brick et Maggie sur la scène, en entrant et sortant par la salle. Cela nous plonge instantanément dans l’action alors que la scène sort de son cadre.

Un autre élément intéressant dans cette mise en scène de Maxime Robin, c’est qu’il a conservé l’atmosphère, les lieux, le décor et les costumes de cette époque des années 60 et il représente bien la villa de la riche plantation du Mississippi de Big Daddy. Il a même une domestique noire, comme toute bonne famille de riche américaine et tout ce beau monde chante à l’occasion du gospel avec Cynthial Trudel comme voix sublime principale et les autres acteurs en chœur. Mais au-delà de cette atmosphère américaine ancienne, les personnages eux, ont un langage bien québécois, et même un accent du bas du fleuve pour certains (très réussi par Valérie Laroche). Et ceci donne une touche très actuelle et locale à cette pièce ancrée dans le fin fond des États-Unis.

Marie-Ginette Guay, fabuleuse!
Marie-Ginette Guay, fabuleuse!

Le décor est aussi absolument fantastique. Avec, sur scène, une grandiose maison à deux étages, avec une galerie qui en fait le tour, des immenses fenêtres à volets, et en toile de fond, on a la nuit, le ciel, la lune qui éclaire, bref un paysage bucolique. Un superbe décor de Marie-Renée Bourget-Harvey, alors qu’en début de pièce, cette maison s’ouvre (comme une maison de poupée), pour découvrir la chambre où se déroule l’action et les immenses fenêtres qui deviennent des portes sur le balcon où se retrouveront parfois les convives pour regarder les feux d’artifice. Et quelle belle façon de présenter ces feux d’artifice, et même parfois la pluie qui tombe, sur cette image de fond, qui le rend si réaliste.

Avec des thèmes universels et toujours actuels tels que l’appât du gain, la convoitise de l’héritage, la jalousie entre belles-sœurs, et entre frères, l’hypocrisie, le désir charnel, le deuil du meilleur ami et l’homosexualité refoulée qui est mise au grand jour, cette pièce explose d’authenticité. Les dialogues sont tranchants. La violence verbale et physique est omniprésente. On sent toutes les frustrations, les colères, les magouilles dans ces mouvements de violence. Mais il y a aussi un humour très présent, surtout avec le personnage de la mama, joué subliment par Marie-Ginette Guay. À la limite du burlesque, sans jamais la dépasser ou sonner faux, cette mama, un peu dépassée par son mari autoritaire et les événements qui se précipitent, on sympathise avec elle. Elle nous fait sourire et rire même, tellement elle est vraie et touchante.

Au niveau des acteurs, Patric Saucier joue un Big Daddy imposant, maître des lieux, mais aussi, il montre sa tendresse et son amour pour son fils, mouton noir de la famille, alors que ce dernier n’arrive pas à s’accepter tel qu’il est et boit pour oublier. La scène où les deux se font face et entament un duel père-fils, nous fait mal et ne serait pas aussi prenante, sans la qualité de jeu de ces deux acteurs. Jean-René Moisan joue le rôle de sa vie dans cette pièce. Il est démoli et on souffre avec lui. Quelle performance!

Sophie Thibeault et Jean-René Moisan
Sophie Thibeault et Jean-René Moisan

Pour ce qui est de Sophie Thibeault qui incarne la chatte, je dois dire que son jeu inégal à quelques moments n’enlève rien à sa qualité de séduire et a su réchauffer la salle à plusieurs moments avec son déshabillé, alors qu’elle tente de reconquérir son mari pour qu’il lui fasse un enfant.

À la fin de la pièce, les gens n’ont pas hésité à faire une ovation debout bien sentie lors de cette première qui s’est avérée être un succès sur toute la ligne! Une belle façon de clore une saison à la Bordée!

Les billets sont disponibles au 418 694-9721 poste 1 et sur le réseau Billetech au coût de 35 $ pour le tarif régulier, de 30 $ pour les 60 ans et plus et de 25 $ pour les 30 ans et moins

Voici la galerie de photos de la pièce :

https://www.flickr.com/photos/infoculturephotos/sets/72157651981766031/

 

14 avril au 9 mai 2015

Représentations à 19 h 30 (Excepté le mardi 28 avril à 13h)

Durée du spectacle : 2 h 30, incluant l’entracte 

Texte : Tennessee Williams
Adaptation : René Dionne
Mise en scène : Maxime Robin
Assistance à la mise en scène : Charlotte Legault

Conception

Décor : Marie-Renée Bourget Harvey
Costumes : Maude Audet
Lumières : Keven Dubois
Musique originale : Frédéric Brunet

Distribution

Vincent Champoux
Marie-Ginette Guay
Valérie Laroche
Jean-Nicolas Marquis
Jean-René Moisan
Michel Nadeau
Patric Saucier
Sophie Thibeault
Cynthia Trudel

http://www.bordee.qc.ca/

Crédit photos : Ianis Delpla