La comédie musicale «Hairspray»: une explosion d’énergie et de plaisir pour le spectateur

HairsprayPrésentée jusqu’au 14 juin par le Côte Saint-Luc Dramatic Society à Montréal, cette version anglophone de «Hairspray» est un succès sur toute la ligne. Les jeunes interprètes de cette troupe surprennent tous par leurs multiples talents de chanteurs, danseurs et comédiens. L’énergie qui s’en dégage et la qualité musicale de chaque numéro font passer une soirée inoubliable aux spectateurs. Gagnant de 8 Tony sur Broadway en 2003 (dont meilleure comédie musicale et meilleure musique), cette comédie musicale a joué plus de 2600 représentations sur Broadway, sans compter le film musical de 2007 «Hairspray». En se basant sur un film culte de 1988 de John Waters, les auteurs Mark O’Donnell, Thomas Meehan, Scott Wittman et Marc Shaiman ont écrit un livret drôle et des paroles accrochantes de chansons sur une musique entraînante de Marc Shaiman. On sort de ce spectacle en fredonnant plusieurs chansons du spectacle.

La finale
La finale

L’histoire se passe dans le Baltimore de 1962, alors que la ségrégation règne et que les émissions de télé comme American Bandstand font rage. Une adolescente rondelette et exhubérante, Tracy Turnblad, et son amie Penny, rêvent de danser et chanter à l’émission de télé de Corny Collins dont les participants sont de race blanche et ont des formes parfaites. Tracy est choisie pour l’émission et vole la vedette à Amber, la favorite qui est aussi la fille de la productrice véreuse, Velma. Les parents de Tracy, sa mère Edna (joué par un homme pour être plus amusant) et Wildbur son père un peu fou, la supporteront tout au long. Ajoutez à cela deux idylles amoureuses entre Tracy et Link (chanteur de charme), et entre Penny et Seaweed, sans oublier les manigances de Velma, et vous aurez la tempête parfaite.

Le spectacle est produit par Côte Saint-Luc Dramatic Society (http://www.csldramaticsociety.com/). Ce groupe communautaire formé en 2011 a pour but de réunir et mettre en valeur les talents des artistes de théâtre de la région avec l’emphase sur le travail en équipe plutôt que le vedettariat. Ils ont été en nomination pour un prix META (Montreal English Theatre Award) l’an dernier en plus d’avoir présenté leur dernière production «Catch Me If You Can» en supplémentaire au Centre Segal.

Amber Jonas (Tracy) et Mike Melino (Edna)
Amber Jonas (Tracy) et Mike Melino (Edna)

Cette production de «Hairspray» nous embarque dans un tourbillon fou et nous tient en haleine. On oublie vite que leurs moyens financiers pour une telle production sont limités. Le talent, le dynamisme et la complicité de cette troupe de presque 40 personnes réussit aussi bien sinon mieux qu’une troupe professionnelle. Malgré une scène étroite, la metteure en scène Anisa Cameron réalise un tour de force en l’exploitant au maximum tout en donnant du rythme aux répliques. Les chorégraphies de Alexia Gourd font de même et impressionnent par leur efficacité et synchronicité. Musicalement on est ébloui par plusieurs points: un orchestre bien rodé et en accord avec l’action sur scène, une sonorisation parfaite pour bien entendre chaque détail (bien meilleure que dans certaines grandes salles), puis finalement des voix solides et impressionnantes.

Amber Jonas est une naturelle sous la perruque surdimensionnée du personnage de la jeune Tracy. Sa voix nuancée et juste de style Broadway fait penser à celle qui jouait dans le film. Elle peut chanter autant les parties puisssantes que celles en douceur. Son jeu sympatique nous fait l’aimer. Mike Melino en mère de Tracy (Edna) devient le centre de l’attention à chaque apparition. L’intensité de son jeu n’a d’égal que la puissance de sa voix chantée qu’il a gardé très masculine pour la rendre plus vraie et drôle. Sur le bord du burlesque, il réussit à doser la parodie et l’émotion avec un sens de la répartie et du rythme. Dans les numéros musicaux il s’éclate complètement et semble avoir autant de plaisir que nous. Son duo «You’re Timeless to Me» avec Mitchell Brownstein, le bon mari fidèle (Wilbur), est un petit bijou.

Megan Magisano (Amber) et Alisha Ruiss (Velma)
Megan Magisano (Amber) et Alisha Ruiss (Velma)

Alisha Ruiss en méchante Velma est solide et intense. Sa voix est puissante et juste dans tous les registres, avec un fantastique belting et un vibrato parfaitement contrôlé. Elle joue et chante avec toutes les nuances nécessaires. Sa fille Amber jouée par Megan Magisano se fait plus discrète derrière la mère, mais on apprécie sa belle voix chantée dans plusieurs numéros. Brandon Schwartz en tombeur de filles (Link) a le physique de l’emploi. Il sait jouer avec les nuances de sa voix mais gagne en puissance dans les aigus. Quand il chante, il nous fait penser au style de Michael Bubblé.

Jeanne Motulsky (Penny Pingleton) fait évoluer l’innocence de son personnage ingénue en une fille plus complexe grâce à son jeu mais surtout avec sa voix juste et dynamique. Elle débute le spectacle avec une voix toute douce puis développe une voix puissante avec un beau belting. Ryan Kligman (Corny Collins) a une belle présence sur scène. Ses numéros musicaux sont tous réussis grâce à sa voix juste et assurée.

Justin Johnson (Seaweed), Maddana Calix-Antoine (Motormouth Maybelle) et Nancia Prochette (Little Inez)
Justin Johnson (Seaweed), Maddana Calix-Antoine (Motormouth Maybelle) et Nancia Prochette (Little Inez)

Maddana Calix-Antoine en Motormouth Maybelle livre une belle performance vocale de style Gospel. Sa voix dynamique et sensuelle qui prend de l’assurance en montant dans les aigus et son vibrato lent apportent une énergie dans chacune de ses chansons. Son solo «I Know Where I’ve Been» avec le choeur est impressionnant. Ceux qui jouent ses enfants, Justin Johnson (Seaweed) et Nancia Prochette (Little Inez) ont une belle présence et bougent bien. Tous les deux ont des voix superbes qui sont justes et avec de belles textures pour en mettre plein le vue à chaque numéro.

Tous les personnages secondaires sont aussi solides, tout spécialement Natasha Lilliman en gardienne de prison au début de l’acte deux. Elle joue bien et sa voix puissante surprend. Certain numéros d’ensemble méritent à eux seuls le déplacement, comme «Mama, I’m a Big Girl Now» et «You Can’t Stop the Beat». Une belle surprise cocasse lors du mariage dans «I Can Hear the Bells» est très appréciée et original. La chanson «Without Love» est un hit où chacun des interprètes principaux est mis en valeur.

Jeanne Motulsky (Penny Pingleton), Amber Jonas (Tracy) et Brandon Schwartz (Link)
Jeanne Motulsky (Penny Pingleton), Amber Jonas (Tracy) et Brandon Schwartz (Link)

Les deux heures quarante (avec intermission) de ce spectacle plairont à tous les types de publics. Le style de musique des années 60 rappellera de bons souvenirs aux plus vieux et l’énergie des interprètes séduira les plus jeunes. Le dynamisme et le talent des acteurs-danseurs nous font passer une excellente soirée. La mise en scène serrée et la qualité vocale des interprètes nous en donnent pour notre argent. Courrez acheter vos billets (seulement 100 places par soir), c’est une production à ne pas manquer.

Les bons coups: numéros musicaux énergiques, voix solides, chorégraphies efficaces, orchestre, sonorisation idéale pour ce genre
Les moins bons coups: quelques inégalités dans le jeu

Équipe de création
Production: Mitchell Brownstein
Mise en scène: Anisa Cameron
Direction musicale: David Terriault
Chorégraphies: Alexia Gourd
Costumes: Elyse Malo
Éclairages: Scott Drysdale
Décors: Öykü Önder
Sonorisation: Rob Burgess

Mitchell Brownstein (Wilbur) et Mike Mileno (Edna)
Mitchell Brownstein (Wilbur) et Mike Mileno (Edna)

Distribution
Amber Jonas (Tracy), Mike Melino (Edna), Alisha Ruiss (Velma), Jeanne Motulsky (Penny Pingleton), Maddana Calix-Antoine (Motormouth Maybelle), Megan Magisano (Amber), Brandon Schwartz (Link), Justin Johnson (Seaweed), Mitchell Brownstein (Wilbur), Ryan Kligman (Corny Collins), Nancia Prochette (Little Inez), Elvi Dalgaard, Kayin Queeley, Chelsea Cameron, Stephanie Jean, Liza Selvarajah, Catherine Dagenais-Savard, Shaun Nishmas, Craig Dalley, Riva Rose, Ariel Sterlin, Bailey Cohen-Krichevsky, Patrick Park, Sam Boucher, Gabriel Cohen, Alexandre Iannuzzi, Natasha Lilliman, Gabriel Mitchell, Dalia Witkowski, Florence Brais, Valentin Millet, Stefanie Ammendolea, Jason Szwimer, David Taveroff, Herbert Brownstein.

Orchestre
David Terriault, Jules Payette, Alex Francoeur, François D’Anjou Pomerleau, Simon Legault, Evan Stewart, Louis-Vincent Hamel.

Billets
Billets (32$/28$ pour âge d’or et étudiants/25$ pour matinées) disponibles sur http://www.CSLDramaticSociety.com ou au centre communautaire et bibliothèque de Côte Saint­Luc.

HairsprayPrésenté en anglais au Harold Greenspoon Auditorium (5801 boul. Cavendish, Montréal) du 27 mai au 14 juin 2015 (20h avec matinées à 14h les samedis et dimanches).

Photos: Diane Dupuis-Kallos