La comédie musicale «The Apprenticeship of Duddy Kravitz»: une création de haut calibre pour le Segal

La comédie musicale «The Apprenticeship of Duddy Kravitz»
La comédie musicale «The Apprenticeship of Duddy Kravitz»

Le Centre Segal termine sa saison avec une création originale qui fera sûrement des vagues: «The Apprenticeship of Duddy Kravitz: The Musical». Après avoir vendu plus de 6500 billets et avoir battu des records de ventes quotidiennes, des supplémentaires sont annoncées jusqu’en juillet. L’adaptation du roman de Mordecai Richler et du long métrage du même nom est mise en musique par un des plus grands, Alan Menken, gagnant de 8 Oscars, 11 Grammys et plusieurs autres prix. David Spencer pour les livret et paroles et l’acteur américain Austin Pendleton (plus de 120 films à son actif) pour la mise en scène complètent le trio gagnant de cette oeuvre originale. Le résultat donne une production fidèle presque intimiste de ce roman autobiographique bien connu de 1959. Comme l’action se déroule à Montréal, c’est un coup de maître que d’avoir amené cette création originale ici pour ses débuts.

Ken James Stewart (Duddy), Julia Halfyard (mère), George Masswohl (Max), Howard Jerome  (Simcha), Victor A. Young (Benjy) et Adrian Marchuk (Lenny)
Ken James Stewart (Duddy), Julia Halfyard (mère), George Masswohl (Max), Howard Jerome (Simcha), Victor A. Young (Benjy) et Adrian Marchuk (Lenny)

Racontant le récit du passage à l’âge adulte de Duddy Kravitz (montréalais de bonne famille juive des années 40), on apprend vite d’où vient sa cupidité, son envie de devenir quelqu’un, mais aussi sa bonté par les relations avec son grand-père Simcha, son père Max, son frère Lenny et son oncle Benjy. C’est lors de son travail d’été qu’il rencontre Yvette, une canadienne-française de la campagne, avec qui il pourra faire l’équilibre entre ses bons et ses mauvais côtés. Il se lance dans la quête d’acheter tous les terrains entourant un lac pour y bâtir une ville. Plusieurs aventures agrémentent ses ambitions et le mènent à travailler avec un cinéaste fou (Friar), d’un mafieux sans scrupules (Dingleman), d’un industriel véreux (Cohen) et d’un nouvel ami loyal trop bonasse (Virgil). Après avoir pris une série de mauvaises décisions, l’expérience de vie apporte à Duddy la sagesse qui le rend finalement heureux.

Duddy Kravitz
Duddy Kravitz

Le spectacle est narré par le père de Duddy, Max, ce qui donne une qualité littéraire qui est absente du film. Après une introduction chantée («The Man You’re Gonna Be») qui met rapidement la table sur les thèmes principaux, les scènes s’enchaînent sans relâche de façon naturelle dans un décor simple mais efficace. Les dialogues sont souvent accompagnés de musique de fond, ce qui fait parfois penser qu’on regarde un film. La mise en scène ingénieuse met l’emphase sur les relations de Duddy avec chacun des personnages. Les sujets sérieux sont un peu arides (matérialisme, corruption, cupidité, racisme) mais plusieurs répliques et chansons humoristiques viennent heureusement alléger l’ambiance et divertir le public. Les mélodies sont agréables avec une orchestration particulièrement soignée. Le spectacle qui en résulte est d’une grande qualité mais le manque de profondeur de plusieurs personnages et la trop grande quantité de sujets nous laissent sur notre faim.

Marie-Pierre de Brienne (Yvette),Ken James Stewart (Duddy) et David Coomber (Virgil)
Marie-Pierre de Brienne (Yvette),Ken James Stewart (Duddy) et David Coomber (Virgil)

Cette production présente une distribution entièrement canadienne, à commencer par Ken James Stewart (Duddy) originaire de l’Alberta dans le rôle principal. Il est excellent acteur et il sait bien raconter l’histoire en chantant d’une bonne voix dynamique. Son caractère jeune et son « baby-face » rendent son personnage crédible. Toujours juste en chantant, on le sent plus à l’aise quand il monte dans les aigus. George Masswohl qui joue son père (Max) est un acteur d’expérience et ça se sent. Il captive le public avec la narration du récit. Sa belle voix chaude avec de bons graves est très agréable.

La Montréalaise Marie-Pierre de Brienne joue le rôle de la jeune amoureuse de Duddy, Yvette. Trop discrète dans les premières scènes, elle se dévoile en deuxième partie, surtout dans «Welcome Home» à la fin qui donne des frissons par son intensité. Elle chante toujours juste avec nuances d’une voix cristalline et de superbes aigus. Adrian Marchuk, le frère de Duddy (Lenny), chante d’une voix solide avec un magnifique timbre. Il a joué Frankie Valli dans «Jersey Boys» à Toronto et Las Vegas pendant 3 ans et ça s’entend. David Coomber (Virgil) en ami fidèle et naïf remplit bien son rôle. Sa chanson «I Like Train» est un des bons moments du spectacle.

Les autres interprètes ont tous de bons moment sur scène avec Duddy dans des numéros mémorables. Le duo «Art and Commerce» avec le cinéaste Friar est digne de Broadway, tout comme le duo Duddy-Cohen dans «What a Liar!» qui amuse le public. Le rythme et la complicité entre Duddy, Yvette et Virgil dans la chanson «Turn It Around» nous rappelle la chanson «Good Morning» de «Singing in the Rain». La chanson «Unfinished Business» avec Duddy, son père et la mère décédée est touchante car elle réussit à donner une perspective et de la profondeur à la famille Kravitz.

Sam Rosenthal (Cohen), Ken James Stewart (Duddy) et George Masswohl (Max)
Sam Rosenthal (Cohen), Ken James Stewart (Duddy) et George Masswohl (Max)

Alen menken disait que «Le fait de monter le spectacle en première sur les lieux même de son histoire, c’est tout bonnement la concrétisation d’un rêve». Malgré quelques lacunes, cette production est un succès qui plaira à tous les amateurs de bon théâtre et surtout de théâtre musical. Accompagnés par un orchestre de 8 musiciens caché en coulisse, les interprètes chevronnés sont tous excellents dans leurs rôles. Même si le récit s’éparpille parfois sur plusieurs fronts, je recommande de voir ce spectacle qui est unique et original. Montréal et le Centre Segal sont choyés d’avoir des créateurs de si haut niveau réunis pour cette production.

Les bons coups: création originale d’une oeuvre Montréalaise, musique, interprètes d’expérience, mise en scène

Les moins bons coups: trop en superficie parfois

 

Équipe de création
Livret/paroles: David Spencer
Musique Alan Menken
D’après le roman de Mordecai Richler
Mise en scène: Austin Pendleton
Direction musicale: Jonathan Monro assisté de Nick Burgess
Chorégraphie: Dayna Tekatch
Orchestrations: Oran Eldor
Décors/costumes: Michael Eagan
Éclairages: Luc Prairie
Sonorisation: Peter Balov

Marie-Pierre de Brienne (Yvette) et Ken James Stewart (Duddy)
Marie-Pierre de Brienne (Yvette) et Ken James Stewart (Duddy)

Distribution
Ken James Stewart (Duddy Kravitz), George Masswohl (Max Kravitz), Marie-Pierre de Brienne (Yvette), Howard Jerome (Simcha Kravitz), Adrian Marchuk (Lenny Kravitz), Victor A. Young (Benjy Kravitz), David Coomber (Virgil), Sam Rosenthal (Cohen), Michael Rudder (Dingleman), Kristian Truelsen (Friar), Albane Chateau, Gab Desmond, Julia Halfyard, Michael Daniel Murphy

Présenté en anglais du 7 juin au 12 juillet 2015 au Centre Segal des Arts de la Scène (5170 Côte-Ste-Catherine, Montréal).
Durée de 3h05 avec entracte.

Billets (32$-69$) disponibles sur http://www.centresegal.org/ ou au
514-739-7944.
Présenté grâce au généreux soutien de RBC et de les Entreprises de Divertissement Muse.

Liens vidéos:
Bande annonce: https://www.youtube.com/watch?v=OENAoa-e700
En coulisse: https://www.youtube.com/watch?v=Q_sKgpmf-KI
En répétition: https://www.youtube.com/watch?v=KMOgF9I144U

Photos: Maxime Côté