Les Aiguilles et l’opium : Marc Labrèche réinterprète Robert Lepage du 12 au 20 juin au TNM

Marc Labrèche
Marc Labrèche

Après une première série de représentations la saison dernière et un tour des salles de théâtre planétaire, Les Aiguilles et l’opium revient pour quelques supplémentaires sur la scène du Théâtre du Nouveau Monde

C’est sur l’initiative de Marc Labrèche que Robert Lepage reprend pour « l’achever » le spectacle qu’il écrit en 1991 suite à une rupture amoureuse, s’en servant comme prétexte à une réflexion sur les circonstances parfois douloureuses inhérentes au processus de création.

Les Aiguilles et l’opium raconte ainsi Robert, un comédien québécois débarqué à Paris pour prêter sa voix à un film documentaire sur la venue de Miles Davis dans la Ville Lumière. Le trompettiste avait en effet été invité au Festival international de jazz de Paris, en 1949 et avait à cette occasion rencontré l’élite intellectuelle parisienne d’après-guerre, mais surtout Juliette Gréco dont il était tombé follement amoureux.
Logeant au mythique hôtel La Louisiane situé au cœur de Saint-Germain-des-Prés, Robert essaie tant bien que mal de se remettre d’une peine d’amour, mais en vain. Pire, avec son instrument, c’est aussi son métier qui s’éteint. On ne le comprend plus, on lui raccroche au nez; il ne dort plus et s’excuse en autant de « Merci de m’avoir écouté. »
À son mal de vivre et sa perte de confiance en lui font écho les mêmes manques exprimés par la trompette de Miles Davis et la plume de Jean Cocteau, dont les extraits de Lettre aux Américains et d’Opium ponctuent la traversée des enfers qu’effectue le comédien, nouvel Orphée qui voudrait pouvoir guérir sans torture et sans drogues dures. Ne se sentant pas le génie artistique de ses illustres prédécesseurs, Robert s’essaie à l’hypnose et à l’acupuncture afin de transcender sa douleur.

Sur scène, Marc Labrèche et Wellesley Robertson III sont en apesanteur, faisant des pieds et des mains à l’intérieur d’un plateau carré en dévers qui tourne ainsi qu’une spirale et sans s’arrêter, alterne entre le présent et le passé pour mieux représenter l’état de perte de repères dans lequel se sent happé Robert. Mêlant au théâtre la musique et le cinéma, Robert Lepage projette des airs et des images sur les murs-écrans comme autant de souvenirs en mouvement.

La mise en scène est époustouflante de technicité. On se sent transporté tour à tour et à la fois dans le New-York en noir et blanc qu’arpente Miles Davis ruiné par sa dépendance à l’aiguille et à Gréco, dans le ciel constellé d’aurores boréales d’où écrit, malade d’opium et de la mort de son amant, Jean Cocteau et entre les quatre murs de l’hôtel parisien où résonne encore pour Robert le bruit lancinant des amours à oublier.

Pétillant et savoureux, Marc Lebrèche revêt un costume tragi-comique et excentrique dans lequel il se glisse comme dans un gant. Quant à Wellesley Robertson III, il joue l’ombre de l’une des légendes du jazz avec un mutisme élégant.

Reste qu’à emprunter de la sorte aux notes de Davis et aux mots de Cocteau, on n’est pas certain de savoir ce que vaut le Robert de Lepage rendu seul avec son intimité.

Les Aiguilles et l’opium, du 11 au 20 juin au Théâtre du  Nouveau Monde.

Distribution : Marc Labrèche, Welesley Robertson III

Texte et mise en scène : Robert Lepage
Scénographie : Carl Fillion
Assistance à la mise en scène : Normand Bissonnette
Musique et environnement sonore : Jean-Sébastien Côté
Éclairages : Bruno Matte
Costumes : François Saint-Aubin
Accessoires : Claudia Gendreau
Production : Ex Machina

Crédits photographiques : Jean-François Gratton