Aéroport de Kinshassa. Bibish, une journaliste kinoise, attend l’airbus qui l’emmènera à Montréal via Paris, parce qu’en République démocratique du Congo, malgré l’immensité du territoire, « c’est trop petit pour les rêves ». Aussitôt le départ annoncé se déroule devant nous la pellicule des souvenirs et des doutes; l’exil est une question de survie, pas un choix.
La pièce se décline en tableaux dans un décor statique. Ces tableaux, dont le titre s’affiche momentanément par une projection (Parade, Patrouille, Article 15, etc.) permettent aux spectateurs de construire dans leur tête la ville de Kinshasa. Et avec une seule comédienne pour nous y transporter, il faut le dire, c’est du grand art.
C’est donc un Kinshasa en état d’urgence perpétuel avec ses enfants-soldats, ses patrouilles de nuit, les voleurs, les exploitants miniers et les violeurs (rappelons que la RDC est appelée « capitale mondiale du viol ») qui nous est présenté. Mais par-delà le misérabilisme dans lequel aurait pu tomber l’auteure, la pièce est plutôt un hymne à la joie de vivre et à la résilience. Les délices culturels s’enchaînent sans délai. On y rencontre d’abord les Sapeurs, ou « société des ambianceurs et des personnes élégantes », de jeunes tchatcheurs qui s’adonnent à des joutes verbales et vestimentaires sur la place publique. On y croise un ancien professeur devenu par la force des choses conducteur de Combi, sorte de Westfalia auquel on enlève les bancs pour entasser le plus de monde possible et en faire son gagne-pain. On croise des Kinois qui rigolent en écoutant RFI et se délectent de la désinformation de la radio étrangère sur leur situation.
Bibish de Kinshasa est l’adaptation qu’a choisi de faire Philippe Ducros du roman de Marie-Louise Bibish Munbu, Samantha à Kinshasa. Le metteur en scène a lui-même séjourné en RDC et au Togo et le déambulatoire théâtral et photographique La porte de non-retour s’en est suivi. On le retrouve d’ailleurs sur scène avec l’auteure d’où ils complémentent la pièce et la contextualisent. Cette discussion informelle se fait autour de la cuisson d’un plat typiquement kinois. Bibish de Kinshasa, c’est une espèce de docu-fiction où le roman croiserait une discussion politisée. La pièce offre à peu près le choc que l’on vit lorsqu’on voyage en pays étranger à ceci près qu’il est vécu dans le confort d’une salle de théâtre. Dépaysement et éducation civique. Un texte touffu interprété de façon fulgurante. À voir!
Bibish de Kinshassa, à l’Espace jusqu’au 24 octobre
Production Hôtel-Motel
Texte Marie-Louise Bibish Mumbu
Mise en scène et montage Philippe Ducros
Interprétation Gisèle Kayembe, Marie-Louise Bibish Mumbu, Philippe Ducros
Bar Papy Maurice Mbwiti
Informations et billets
http://www.espacelibre.qc.ca/spectacle/saison-2015-2016/bibish-de-kinshasa
