Table rase

Table rase crédit photo M-E Mongrain
Table rase crédit photo M-E Mongrain

Quand s’ouvrent les lumières du chalet où se rencontrent six amies, les jeux sont déjà faits. Après avoir posé caisses de vin, bouteilles de fort et valises, on entre dans le vif des sujets. On sait que Table rase présentera des filles décomplexées et directes et pas du tout bienséantes ou diminuées par les stéréotypes ou les restes judéo-chrétiens.

On y parle d’abord très fort et sans mâcher ses mots de sodomie, de cunilingus ratés, de figues qui ne sont pas des fruits… Mais on assiste en même temps à la douceur puérile d’un rituel de début de soirée où chaque fille s’arrache quelques cheveux afin d’y mettre le feu dans un pot Mason. C’est dans ce geste singulier qu’on peut saisir la force des liens qui les unit, l’existence d’une histoire commune. On apprend que ces filles-là se connaissent depuis l’enfance -aussi bien dire depuis toujours- et qu’elles ont chacune leur rôle à jouer dans la dynamique amicale. Et malgré les engueulades et les divergences d’opinions, elles ne se laissent jamais tomber. C’est d’ailleurs la seule fidélité en laquelle elles croient.

Difficile de décrire la trame des émotions à travers laquelle pourra passer le spectateur, placé en position de voyeur. Il y a des éclats de rire à la tonne, des sanglots retenus, des mains qui essuient des larmes, des silences pleins de respect pour ce qui se déroule sur scène. Le texte est profond et rempli d’un humour qui, bien qu’il flirte avec la « trashitude », reste intelligent. Il n’y a pas de vulgarité gratuite et les comédiennes sont parfaites. On est avec ces filles dans le chalet, on partage leur intimité et leur folie, on aimerait bien qu’elles soient nos amies…

Je retournerais volontiers voir la pièce et j’espère que vous aurez la chance d’y assister. Table rase est un monument dressé à la jeunesse d’aujourd’hui, teinté de freudisme et explosant de vérité. C’est une pièce où joie de vivre, idéaux et douleur sont une roue qui tourne. Rien n’est surfait, tout est accessible. Une discussion autour de sujets qui font écrire depuis toujours, l’amour, la vie, la mort, mais qui s’inscrivent dans les effluves pessimistes de la postmodernité.

Table rase à l’Espace Libre jusqu’au 5 décembre 

Texte Catherine Chabot avec la collaboration de Brigitte Poupart et du Collectif Chiennes

Création de Transthéâtre en coproduction avec le Collectif Chiennes

Mise en scène Brigitte Poupart

Interprétation Vicky Bertrand, Marie-Anick Blais, Catherine Chabot, Rose-Anne Déry,  Sarah Laurendeau, Marie-Noëlle Voisin

Conception Sonia Montagne (assistance à la mise en scène), Ève Marchand (direction de production)

Infos et billets: http://www.espacelibre.qc.ca/spectacle/saison-2015-2016/table-rase