La bataille de Pavie, nos superbes retrouvailles avec l’inspecteur Jobin

La bataille de Pavie © photo : courtoisie
La bataille de Pavie © photo : courtoisie

Décidément, pour l’ancien officier des services secrets l’inspecteur Alexandre Jobin la reconversion s’apparente à une descente sans fin. Son commerce d’antiquité ne parvient pas à le sortir de ce spleen qu’il noie que trop régulièrement dans l’alcool. La mort de sa femme, seule, dans un hôpital militaire alors que lui en opération sur le terrain n’a pas pu ou pas su la rejoindre à temps, le départ dans le Sud de l’Europe, de sa nouvelle compagne Chrysanthy lasse qu’il se décide à vivre pleinement avec elle, le hantent. L’annonce par son médecin d’une tâche suspecte sur ses radios et de la nécessité de passer des examens complémentaires pourrait être le coup de grâce de sa déprime. Comment occupe-t-on les quelques semaines que la science vous donne encore à vivre ou tout du moins comment trouve-t-on le courage d’aller faire ces examens qui probablement vous diront que votre temps est compté? Pour Jobin la fuite semble la seule solution. Deux propositions lui en donnent l’opportunité.

Deux propositions qui lui permettent de partir vers l’Italie : Un contrat proposé par un Italien de Montréal, immigré de longue date qui lui demande de faire expertiser et éventuellement vendre des dessins anciens parvenus dans sa famille durant la Seconde Guerre Mondiale alors que de nombreuses familles juives cherchaient à vendre leurs biens pour fuir l’Europe et que bien des fonctionnaires ont « profité de l’occasion » sans beaucoup d’état d’âme. L’autre proposition émane de Linda, une de ses anciennes maîtresses, longtemps danseuse et gérante de bar plutôt proche qu’éloignée de la Mafia, aujourd’hui en prison suite à une opération policière menée par Jobin lui-même. Elle lui demande de retrouver sa fille, Pavie, ou plutôt leur fille lui apprend-t-elle à cette occasion, tueuse à gages et qui s’est réfugiée à Palerme en Sicile après avoir détourné l’argent de la Mafia. Tous frais payés par l’Italien en quête d’expertise pour ses œuvres, Jobin s’envole pour l’Italie. S’en suivent un enchaînement, plus que soutenu, d’événements à travers toute l’Italie et le sud de la France où s’entrechoquent les deux histoires, menaçant tant la vie que la liberté de Jobin et de sa fille avec police et Mafia à leurs trousses. Dans le même temps ces deux êtres qui se découvrent pour la première fois vivent le tumulte de leurs émotions et pour Jobin de sa vie intérieure. Il faudra tout le savoir-faire et les relations d’ancien officier des services secrets pour leur permettre de s’en sortir d’autant que les méthodes pour le moins expéditives de Pavie pour se défaire de ses ennemis ne leur facilitent pas vraiment la tâche.

La bataille de Pavie, clin d’œil, dans ce titre bien que sans lien avec la trame de ce roman, à celle bien réelle qui opposa en 1525 François 1er et Charles Quint pour la domination sur l’Italie, est autant sinon plus un roman d’aventure qu’un roman policier à suspens. En effet, la portée de ce livre tient beaucoup plus à la force des tumultes de la vie intérieure du héros et à la dynamique des deux histoires auxquelles il est confronté qu’à une intrique policière à proprement parler. Le lecteur a en main l’essentiel des tenants et aboutissants de ces cheminements pour ainsi dire dès le début. C’est donc le déroulement, à un rythme d’enfer, des événements qui se précipitent sur Jobin et sa fille, les questionnements de Jobin sur sa propre vie et la naissance puis le développement atypique d’une relation père-fille qui nous plongent et nous retiennent dans ce livre. Peut-on envisager de découvrir sa fille quand celle-ci a dépassé depuis bien longtemps l’âge de l’éducation parentale et qu’elle est tueuse à gages professionnelle dans le glamour habituel d’une telle révélation dans la plupart des romans? Tomberont-ils dans les bras l’un de l’autre une larme à l’œil?  L’auteur sait parfaitement réinventer ce classique du ressort romanesque et l’intégrer implacablement tant à la psychologie première des personnages qu’à l’intrigue du roman. Pareillement, l’histoire des biens juifs spoliés durant la Seconde Guerre Mondiale comme la vie italienne et en partie canadienne aux prises avec la Mafia sont convoqués avec pertinence pour construire et nourrir la trame de l’histoire. Mais là aussi, André Jacques sait nous éviter la lourdeur du cliché. La bataille de Pavie repose sur deux intrigues, n’ayant à priori rien à voir entre elles, et qui pourtant parviennent à n’en faire qu’une sans artifice grossier et qui s’entrecroisent avec une crise identitaire et de santé du héros, elle aussi sans lourdeur et évoquée toujours à propos en lien avec l’intrique, et la découverte sur le tard d‘un enfant. Ce sont ces interactions qui sont la clef de la réussite de ce livre et leur foisonnement qui nous tiennent en alerte dans un récit sans temps mort. Un récit mis en scène par une écriture efficace, percutante, rythmée, fluide totalement au service de son déroulement. L’humour est convoqué quant il est nécessaire l’émotion, aussi, pour mettre en valeur l’humanité qui demeure, toujours, malgré tout pour Jobin et ses proches, les quelques amis qui lui demeurent fidèles. Une retrouvaille pleinement réussie avec cet inspecteur attachant tant par ses qualités professionnelles que par sa dimension humaine.

André Jacques © photo  : Martine Doyon
André Jacques © photo  : Martine Doyon

À propos de l’auteur
André Jacques nourrit une passion dévorante pour le polar. Dans chacun de ses romans, il exploite brillamment sa fascination pour le crime et pour le monde de l’art. Dès la parution de son deuxième roman, La Commanderie, le critique Norbert Spehner le range parmi les «incontournables» du polar au Québec et, à l’occasion de la parution de De pierres et de sang, finaliste au prix Arthur-Ellis et au prix de Saint-Pacôme, il souligne qu’il est «de calibre international », alors que Daniel Marois du Huffington Post écrit qu’il s’agit d’« un parfait thriller d’aventure ».

 

 


La bataille de Pavie

Auteur : André Jacques
Collection Reliefs dirigée par Anne-Marie Villeneuve
Conception de la couverture : www.annetremblay.com
Photographie de l’auteur : Martine Doyon
photographie de la couverture : Stockcréation/Shutterstock.com
Éditions Druide : www.editionsdruide.com
ISBN PAPIER : 978-2-89711-244-8
ISBN EPUB : 978-2-89711-245-5
ISBN PDF : 978-2-89711-246-2
448 pages
Broché
26,95 $
© photo de la couverture  : courtoisie
© photo de l’auteur  : Martine Doyon