Tournée mondiale du Festival du film de montagne de Banff 2016

Festival du film de Banff
Festival du film de Banff

La tournée mondiale du festival de film de montagne de Banff ne nécessite plus de présentation. Rendez-vous immanquable des amateurs de plein air, le festival célèbre cette année son 40e anniversaire à Banff. Pour l’occasion, Info-Culture.biz s’est entretenu avec Marie-Ève Raymond, responsable de la Tournée au Québec.

Émilie Michaud : Quelle évolution avez-vous en tête pour le festival?

 Marie-Ève Raymond : On essaye de se rallier avec des aventuriers du Québec, à qui nous voulons donner plus de présence. On a commencé cette année avec Paddle for the North par exemple. Et toujours, donner aux aventuriers une opportunité de rencontrer leur public cible, créer une vitrine : le public du festival est surtout composé de gens qui veulent repousser leurs limites, à travers l’écran ou dans la vie de tous les jours. Après, c’est difficile de dire, au niveau du film, si on va aller plus loin; car on ne sait pas quels films vont être reçus au festival dans les années à venir, mais c’est sûr que les techniques de filmage sont toujours en évolution, depuis les 20 dernières années, on l’a vu avec l’arrivée de la caméra Go Pro® par exemple. Je ne peux pas dire que l’on va faire venir un aventurier de l’autre bout de la planète qui parle anglais, ce ne sait pas réaliste, ne serait-ce qu’en terme de budget, mais on essaye de faire rayonner le festival de Banff de plus en plus loin.

55 Hours in Mexico
55 Hours in Mexico

É. M. Où se situe le Québec en termes de production de contenu original, par rapport aux États-Unis, par exemple?

M.-È. R. Il faut partir du principe qu’un aventurier, ça va faire des choses, mais ça n’en parlera pas! Ce n’est pas tout le monde qui a la capacité innée de communiquer ce qu’il fait, c’est une question de personnalité de l’aventurier. Pour le Québec, Frédéric Dion (qui a traversé l’Antarctique seul à skis, NDLR) qui est présent ce soir est très bon là-dedans, il a des facilités en marketing, il aime parler. Alexandre Deschênes-Dénommé et les autres gars de Paddle for the North, eux sont plus réservés, ils font leurs choses pour eux, pas pour en parler, et ils sont heureux comme ça. Le point commun est qu’ils vivent tous les deux des aventures par passion. On ne se cachera pas qu’il n’y a pas beaucoup d’explorateurs qui vivent de ça, quand ils en arrivent à ce niveau, il faut la personnalité qui va avec. Ça ne veut évidemment pas dire que les gens réservés font des choses moins intéressantes.

 É. M. Est-ce que certaines disciplines sont encore sous-représentées au festival?

 M.-È. R. C’est très variable d’année en année, cela dépend des films soumis à Banff. Cette année le festival a reçu 350 films, parmi lesquels 89 ont été sélectionnés par le jury. Ensuite, chaque lieu fait sa sélection pour les tournées. On est chanceux cette année, il y a énormément de variété dans les films. Et une forte présence féminine, ce qui fait changement par rapport aux années précédentes. Diversité des disciplines et présence féminine : ça résume l’édition des 40 ans du festival.

 É. M. Pensez-vous que les films d’aventures rendent les exploits plus accessibles au « grand public » qu’auparavant?

M.-È. R. Prenons l’exemple du parc du Yosemite, ça reste un endroit spectaculaire, pour l’escalade. Beaucoup de monde y va et produit des films à cet endroit. Toutefois, on ne va pas diffuser que des films d’escalade parce qu’ils sont nombreux. On essaye de penser au public. La qualité d’un film prévaut. On ne diffuse pas juste des films commandités, avec une grosse machine en arrière. Certains films, s’ils répondent à nos critères de qualité, montrent des expéditions autofinancées, avec des années de préparation derrière et de postproduction. Certains des aventuriers ont d’autres occupations aussi. On peut donc dire que les exploits sont accessibles, avec de la passion. Les portes sont ouvertes à tout le monde, pourvu qu’on fasse preuve de détermination. Quand il y a une idée, il y a toujours une possibilité. Ça demande du temps, de l’argent, mais ça se fait.

É. M. De fait, y a-t-il encore de la place pour les films « faits-maison »?

M.-È. R. Oui, tout est une question de montage. Il faut avoir un film qui se tient, que les images soient d’une certaine qualité pour être diffusées. Il faut vraiment y penser avant de partir : ai-je besoin d’images extérieures? Dois-je montrer mes états d’âme à la caméra? Pour reprendre l’exemple de Frédéric Dion, il savait avant de partir en Antarctique qu’il ferait une série de conférences à son retour, il savait donc qu’il avait besoin de beaucoup de matériel visuel. Alors oui ça prend du temps, si tu peux te permettre d’avoir quelqu’un de professionnel qui s’occupe de documenter tes exploits (comme Mike Horn), c’est idéal, mais ce n’est pas tout le monde.

É. M. Peut-on dire que le festival a une vision environnementaliste dans le fait de montrer la nature sublimée?

M.-È. R. Souvent il y a deux messages dans un même film : on va chercher l’émotion, le côté culturel et par le fait même on ajoute une touche environnementaliste : dans The Important Places, oui il est question de la rivière Colorado et de la relation père-fils, mais on comprend l’importance de préserver la rivière. Il en va de même pour les films extrêmes.

 É. M. Croyez-vous que les marques de plein air sont de plus en plus impliquées dans les commandites d’expédition?

 M.-È. R. Je ne saurais répondre précisément, mais c’est vrai que North Face ou Salomon ont commandité certains films que l’on voit durant le festival. De grosses expéditions, sans budget, ça ne permet pas de faire de films. C’est donc normal que les compagnies décident de s’impliquer : elles réinvestissent dans leur domaine! Certaines entreprises le font peut-être pour véhiculer leur marque, mais d’autres souhaitent juste encourager le monde à partir à l’aventure.

 É. M. Le festival, chaque année à guichet fermé, a donc encore de beaux jours devant lui…

 M.-È. R. Oui, cette année on a ajouté 7 villes et une application mobile. On est bien content de plaire autant au public. D’ailleurs, devant tant de succès on a ajouté une date supplémentaire à Québec, le 28 février.

 Après cet entretien inspirant avec Marie-Ève Raymond, nous avons eu la chance d’assister à la programmation 2016, qui une fois de plus nous a laissés sans voix. De la variété, oui, mais un message commun : il faut faire preuve de détermination dans la vie. Cent fois sur le métier les aventuriers ont remis leur ouvrage, pour réussir à capturer une seule photo d’une éclipse dans l’Arctique, pour battre le record de vitesse à l’escalade d’El Capitàn, au Yosemite, pour pagayer à travers la nature encore vierge du Grand Nord, pour finir l’UltraTrail du Mont-Blanc, ou pour gravir le 3e plus haut sommet d’Amérique du Nord en une petite fin de semaine. Tous ces remarquables aventuriers nous invitent à poursuivre nos rêves, et à suivre les leurs.

The Important Places
The Important Places

Ce sont des êtres humains comme vous et moi; en face d’eux, la nature, véritable personnage en soi. Quand le dialogue doit s’amorce entre ces deux entités, des exploits naissent. Si l’on veut que l’exploration continue, il faut apprendre à écouter la nature et la protéger. Le mot de la fin, c’est dans le film The Important Places que nous le découvrons : « May you always remember the path that leads back…back to the important places. » (J’espère que tu te souviendras des chemins qui te ramènent aux endroits importants).

 

3 h de films, avec entracte.

Crédits photos: courtoisie.

La Tournée dure du 17 janvier au 17 mars 2015, dans 24 villes québécoises.

Programmation de la Salle Albert-Rousseau: http://sallealbertrousseau.com

Tous les détails de la Tournée, et la programmation: www.banffquebec.ca

Revue Espaces: http://www.espaces.ca/