Événement Mozart Grande messe et Requiem, le retour magistral de Bernard Labadie

Bernard Labadie et Les Violons du Roy © photo: courtoisie
Bernard Labadie et Les Violons du Roy © photo: courtoisie

C’est sous un tonnerre d’applaudissements et l’ovation debout de salle de la Maison symphonique comble que le chef d’orchestre Bernard Labadie est entré sur scène entouré des musiciens des Violons du Roy et des choristes de La Chapelle de Québec, les deux formations qu’il a fondées il y a plus de 30 ans et qu’il a menées à la reconnaissance internationale et à de nombreux et prestigieux prix. L’émotion était grande en effet pour ses musiciens mais aussi son public de retrouver enfin celui que la maladie, a tenu éloigné des concerts pendant une terrible et longue année durant laquelle il a dû lutter pour la vie. C’est d’ailleurs assis, sans baguette qu’il doit encore diriger. Mais cette obligation nous offre aussi un autre regard sur la façon dont un chef vit et transmet l’œuvre. Comme si, sans cet objet directionnel et qui pointe, symbole du pouvoir de la fonction, l’homme prenait dans ses bras, enveloppait de sa chaleur, son orchestre pour lui transmettre, sans partition, la force de l’œuvre et le mener, à l’unisson, on pourrait presque dire en communion, à l’interprétation voulue. Le geste en est certainement plus fort, plus humain. La vie est là, plus présente l’homme s’impose à la fonction.

L’émotion forte qui dominait ce concert était due, aussi au choix des deux œuvres de Mozart interprétées : La Messe en do Mineur K. 427 plus connue sous le non de « La grande Messe » et surtout le Requiem (en ré mineur K.626) Deux œuvres fortes en symbolique. Dans la vie du compositeur elle-même. « La grande messe » composée à peine quelques mois après son mariage avec Constance Weber est marquée du vœu solennel qu’il fit avant cette union de venir à Salzbourg, une fois marié, pour faire interpréter une nouvelle messe en guise d’Action de grâce. La messe fut effectivement interprétée cette unique fois et elle restera inachevée. Quant au Requiem, parmi les plus célèbres œuvres au monde de la musique religieuse est-il besoin de rappeler que comme une mise en abîme terrible, cette œuvre que Mozart devait composer et accepter d’attribuer au terme d’un contrat, à son commanditaire, le Comte Walsegg, resta inachevée par sa mort, emporté par une fièvre rhumatismale. Commencée à peine quelques semaines avant la maladie cette création l’accompagna jusqu’à sa fin ultime, inachevée comme l’accomplissement de sa vie et de son œuvre. Si aujourd’hui nous pouvons entendre un requiem complet, c’est parce que ses élèves, en secret, le complétèrent pour honorer le contrat. Une continuation du travail du Maître parfois imparfaite musicalement et qui fut à plusieurs reprises retravaillée ces cinquante dernières années par des musicologues. C’est l’édition réalisée de Robert Levin en 1993 qui a été retenue par Bernard Labadie pour ce concert.
Symbolique aussi pour les deux formations de Bernard Labadie comme pour l’Histoire du Québec puisque leur première interprétation du Requiem a eu lieu lors des funérailles de René Lévesque. Une symbolique encore amplifiée, mercredi à Québec lorsque Bernard Labadie annonça qu’il faisait de ce concert un hommage à Jean-Paul L’Allier.
Enfin comment ne pas soupçonner la force symbolique personnelle du choix de ces œuvres et plus particulièrement le Requiem pour un chef d’orchestre qui revient pour la première fois sur scène après avoir vu la mort de près.

Pour ces trois concerts à Québec et Montréal Les Violons du Roy et La Chapelle de Québec avaient dû compléter leurs formations et avaient fait appel à des musiciens de musique à vent, (flûtes, hautbois, clarinettes, bassons, cors, trompettes, trombones, orgue), un percussionniste (timbales) et aux quatre excellents solistes de réputation internationale, Lydia Teuscher, soprano, Krisztina Szabo, mezzo-soprano, Thomas Cooley, ténor et Benjamin Appl, baryton.

L’interprétation d’hier soir à la Maison symphonique a été, c’est un euphémisme, à la hauteur des attentes. Quel magnifique et intense concert, d’une qualité d’interprétation exceptionnelle de chacune des composants des deux formations, de chacun des solistes mais aussi de l’orchestre en tant qu’ensemble. La direction de Bernard Labadie a su faire vivre la magie, et c’est à cela que l’on voit les grands chefs, de mettre en valeur la partition et l’interprétation de chacun tout en créant un ensemble vibrant d’harmonie. Quelle force notamment dans le Requiem!! Chacune des parties est interprétée selon l’intensité qu’il requiert. La puissance du génie créateur du compositeur qui sait se nourrir des influences musicales de son temps pour s’en libérer et les dépasser dans une œuvre unique et cohérente est parfaitement restituée! Surtout au delà de la prestation musicale de très haute qualité ce fut aussi à un vrai moment d’humanité et de communion à travers la musique entre le chef, ses musiciens et la salle auquel nous avons été associés hier. Les nombreuses ovations et rappels de la fin du concert ont clairement montré que le public ne s’y est pas trompé.

Dans le hall de la Maison symphonique le disque du Requiem de Mozart était en vente, une part des recettes étant reversée à l’Association de leucémie et lymphome du Canada.

Événement Mozart Grande messe et Requiem
Bernard Labadie, chef
Lydia Teuscher, soprano
Krisztina Szabo, mezzo-soprano
Thomas Cooley, ténor
Benjamin Appl, baryton
Les Violons du Roy
La Chapelle de Québec, chœur de chambre

Maison symphonique de Montréal
Place des Arts
En collaboration avec SNC-Lavalin; Radio-Canada et la Caisse de Dépôt et Consignation du Québec.
Concert unique le 12 février 2016

© photo: courtoisie