« Love U Lovercraft », inquiétante poésie de la dévastation

Love U Lovercraft © Maxime Côté
Love U Lovercraft © Maxime Côté

Autour de la ferme de Nahum Gardner, dans la petite ville d’Arkham, Massachussetts, il s’est passé de choses étranges et inquiétantes. Qu’en est-il exactement ? Personne ne le sait réellement. Alentour, les arbres s’inclinent étrangement. Le silence règne. Une brume bizarre recouvre l’atmosphère. Les couleurs ont disparu. Sur place, la lande est foudroyée. Plus aucune trace de végétation. Des insectes qui ne bougent pas et qui n’ont pas une forme habituelle. Juste une fine poussière grisâtre et qui recouvre tout.

En juin 1882, une météorite s’est abattue à cet endroit. Un nuage blanc en plein midi. Une colonne de fumée. Un gros rocher tombé du ciel pour s’enfoncer dans le puits de la ferme de Nahum Gardner. Les débris, d’une couleur impossible à décrire, se sont comporté bizarrement. Ils font fondre le récipient qui les contient puis diminuent et disparaissent, mais pour aller où ? S’agit-il bien d’une roche ou de quelque chose de vivant…

L’écrivain américain H.P. Lovercraft, mort en 1937, est l’auteur de nombreux récits fantastiques, récits d’horreur qui ont inspiré tous les créateurs du genre depuis. La nouvelle intitulée The Color Out of Space / La couleur tombée du ciel est l’un de ses récits emblématiques. La compagnie théâtrale The Other Theatre fondée en 1991, qui s’est fait la spécialité de représentations de performances aux tonalités très contemporaines a mis l’adaptation de cette nouvelle à son répertoire pour la création collective intitulée Love U Lovecraft présentée actuellement au théâtre La Chapelle à Montréal.

Dans une belle mise en scène de Stacey Christodoulou, la création en anglais et en français interroge le spectateur sur les sentiments de peur que peut inspirer une dévastation dont on ignore tout de la cause. Impossible d’y donner un sens. Aucune explication possible. Les animaux s’agitent, cherchent à quitter le lieu. Les abeilles abandonnent leurs ruches. Mais les humains restent là sans comprendre et finissent dans la folie.

Love U Lovercraft © Maxime Côté
Love U Lovercraft © Maxime Côté

Cinq acteurs incarnent deux couples, celui des Nahum (Dean Makarenko et Anana Rydvald, magnifique) plus un autre (Thomas Duret et Véronique Lachance), et un homme animal étrange, sorte de métaphore de la dévastation, Marc-André Goulet aux gestes félins qui semble représenter l’irreprésentable de la catastrophe abattue sur les lieux. Les cinq sont remarquables, leurs prestations mêlent les dialogues, les textes poétiques, les chorégraphies sur des musiques calmes mais troublantes. La narration est fragmentée.

Dans le décor très réussi de l’intérieur d’une maison autrefois belle mais à moitié démolie, les jeux de lumière sur les acteurs produisent de superbes tableaux aux couleurs harmonieuses. La pièce est d’une esthétique impeccable, tant du point de vue visuel que de la poésie des textes et des musiques choisies. Parvient-elle à faire ressentir la peur que souhaitait apporter Lovercraft à ses lecteurs ? Ceci est moins sûr. Mais elle permet quand même une réflexion sur l’étrange et sur l’absence de sens de certains événements de la vie.

Love U Lovercraft, du 22 mars au 2 avril 2016 à 20 h au Théâtre La Chapelle | Scènes Contemporaines, à Montréal

 Mise en scène Stacey Christodoulou Scénographie Amy Keith Costumes Cathia Pagotto Éclairages David Perreault Nicacs

Avec Dean Makarenko, Anana Rydvald, Thomas Duret, Véronique Lachance, Marc-André Goulet

 Informations : http://lachapelle.org/#fr

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