L’opérette «La Vie Parisienne» en version concert: un divertissement assuré par des voix remarquables

La Vie Parisienne en version concert
La Vie Parisienne en version concert

Les Productions Belle-Lurette présentent chaque année un grand classique de l’opérette en version concert. Cette année ne fait pas exception avec une des opérettes les plus connues d’Offenbach, «La Vie Parisienne». C’est sa version originale et bien meilleure de 5 actes (à laquelle on a retiré les dialogues inutiles) qui est jouée à la salle Claude-Léveillée de la Place-des-Arts les 8 et 9 avril prochain à 20h. Après avoir assisté à une répétition générale de la troupe, j’ai apprécié les 11 chanteurs-acteurs qui livrent une performance vocale impeccable. La mise en scène est assurée par Étienne Cousineau, ce sopraniste qui en a surpris plus d’un à la première saison de La Voix.  Ses coupures au texte en font une histoire rythmée et pleine de rebondissements. C’est un spectacle à ne pas manquer pour les fans d’art lyrique, le tout bien épicé par un humour contagieux.

Eugénie Préfontaine (Baronne), Nathan Lelièvre (Gardefeu) et Benoît Godard (Baron)
Eugénie Préfontaine (Baronne), Nathan Lelièvre (Gardefeu) et Benoît Godard (Baron)

«La Vie Parisienne» est un opéra-bouffe dont le livret de la version originale de 5 actes a été écrit en 1866 par Henri Meilhac et Ludovic Halévy sur des musiques de Jacques Offenbach. Ses chansons sont presque toutes des vers d’oreille dont on chante les refrains à la sortie du spectacle, ce qui en fait une des opérettes les plus jouées sur la planète. L’histoire complexe est centrée sur deux rivaux, Gardefeu et Bobinet, qui s’amourachent d’une fille aux moeurs légères, Métella (oui c’est un magnifique jeu de mots). L’arrivée d’un Baron et sa Baronne vient compliquer les choses, puisque Gardefeu se met au défi de courtiser la Baronne alors que le Baron verse son dévolu sur Métella. Les aventures de tous ces personnages amusent le public au plus haut point pour trouver un dénouement final digne de «La Vie Parisienne».

Quelques minutes avant la répétition générale, j’ai fait une entrevue avec le metteur en scène et l’interprète de Gabrielle, Étienne Cousineau. Voici cette entrevue.

Quel genre de spectacle nous as-tu préparé?
C’est un spectacle complètement fou! Nos versions concerts n’ont pas de décors ni de costumes, alors on se sert beaucoup de l’imaginaire des gens et des conneries qu’on peut y ajouter pour faire allusion à l’actualité ou parodier l’oeuvre, ce qui donne un spectacle assez fou et intemporel.

Alexandrine Branchaud, Benoît Godard, Jocelyne Cousineau, Eugénie Préfontaine, Nathan Lelièvre, Thiery Dubé, Marie-Michèle Rivest et Geneviève Bastien
Alexandrine Branchaud, Benoît Godard, Jocelyne Cousineau, Eugénie Préfontaine, Nathan Lelièvre, Thiery Dubé, Marie-Michèle Rivest et Geneviève Bastien

Qu’est-ce que vous avez changé à «La Vie Parisienne» par rapport à la version connue?
La plupart des troupes montent la version en 4 actes et je me suis toujours demandé pourquoi. Il me semble qu’il manque quelque chose dans cette version qui est boiteuse à la fin. Celle en 5 actes nous fait mieux comprendre la vengeance du Baron et de la Baronne. J’ai coupé beaucoup de texte pour ne conserver que les répliques essentielles à l’histoire et les gags. Ça fait un show plus rythmé et incisif pour aller droit au but.

Quels sont les thèmes que vous avez exploités dans cette opérette?
Le sexe! (rire) C’est l’histoire de trois gars qui veulent baiser toutes celles qu’ils rencontrent dans l’histoire. C’est ça la pièce.  Les femmes ne sont que des objets. Mais à la fin ce sont les femmes qui l’emportent, j’oserais même dire que c’est une pièce féministe. On a donc exploité beaucoup la sexualité, et aussi d’autres thèmes comme le mensonge, la vengeance et l’adultère. Finalement c’est une belle pièce légère! (rire)

au centre, Étienne Cousineau (Gabrielle) entouré de la troupe
au centre, Étienne Cousineau (Gabrielle) entouré de la troupe

Quoi de neuf as-tu apporté comme metteur en scène?
On fait beaucoup d’allusion à l’actualité. On a réussi à y brancher le discours des féministes qui a lieu actuellement et dont je ne comprends pas vraiment pourquoi toute cette polémique a lieu. On fait aussi allusion aux funérailles de René Angélil pour ceux qui auront regardé les 3 heures de cérémonies. On parle aussi du mariage pour tous qui a lieu en France. Mais tout ça est fait sans dénigrer l’oeuvre et sans forcer les choses, ça semble tout naturel dans le spectacle.

Quel rôle tu t’es attribué et pourquoi?
Il n’y avait pas de rôle qui ressortait vraiment comme dans les autres productions qu’on a fait. Comme dans «Barbe Bleue», c’était évident de jouer la paysanne rustre, et dans «La Belle Hélène» le plus belle femme Hélène était d’une évidence. Le rôle de la gantière Grabrielle qui est allemande dans cette version a finalement ressorti du lot puisqu’elle ne sert pas à l’intrigue. Elle y est présente seulement pour faire de l’ambiance et chanter plusieurs chansons. C’est toujours la jeune et jolie belle de service que j’ai transformé en matrone allemande maladroite. Dans la version à 5 actes c’est une jeune et jolie allemande, mais comme je suis un homme et que je suis bâti avec une carrure masculine, j’ai décidé de grossir la situation en la jouant comme une grosse matrone. Si on la faisait disparaître, ça ne changerait pas l’histoire, sauf qu’il y aurait moins de chansons.

Serge Turcotte, Benoît Godard, Étienne Cousineau, Michael K N R, Eugénie Préfontaine, Nathan Lelièvre et Geneviève Bastien
Serge Turcotte, Benoît Godard, Étienne Cousineau, Michael K N R, Eugénie Préfontaine, Nathan Lelièvre et Geneviève Bastien

Qui sont les autres interprètes?
Ce sont souvent les mêmes chanteurs qui reviennent à chaque année.  Pour jouer les deux rivaux j’ai Thiery Dubé et Nathan Lelièvre, ce qui est drôle car ce sont dans la vraie vie les deux meilleurs amis du monde. Les voir manigancer l’un contre l’autre est un plaisir, surtout qu’ils sont différents car Nathan est tout petit et Thiery plus bâti, alors on a joué avec ce contraste. Serge Turcotte fait tous les petits rôles ce qui est une belle expérience de personnification pour lui.  Benoît Godard qui est avec nous depuis longtemps fait le Baron avec Eugénie Préfontaire en Baronne. Il y a Geneviève Bastien qui fait notre prostituée de luxe Métella. Ma mère, Jocelyne Cousineau, joue un rôle qui n’existe pas dans la version 4 actes parce que c’est elle qui aide la Baronne à se venger dans l’acte qui est habituellement coupé pour faire une version courte. C’est d’ailleurs elle qui va affirmer qu’elle est féministe. Puis les autres comme Michael K N R qui joue le Brésilien, Alexandrine Branchaud et Marie-Michèle Rivest dans plusieurs rôles.

Quelle a été la scène la plus difficile à monter?
La finale du 3e acte qui finit dans une grosse scène orgiaque de plaisir et de champagne. On sait que les gens au théâtre sont assis à quelques pouces de nous, et il faut jouer une scène d’orgie sexuelle. Comme on veut pas leur mettre une paire de fesses dans la face, mais il faut oser pour la pousser aux limites de l’acceptable pour démontrer l’ampleur de la fête.

La scène de l'orgie
La scène de l’orgie

Quelle est ta scène favorite?
Oh! Il y en a tellement. J’en choisis deux, une dans laquelle je joue et une autre. Celle que je joue c’est celle de la veuve du Colonel, un classique bien connu. Mais dans cette scène, la veuve du Colonel se transforme littéralement en Céline Dion aux funérailles de René Angélil, avec le grand voile de pleureuse italienne. On avait même pensé faire jouer la chanson «Trois heures vingt», mais ça fait déjà longtemps et les gens n’auraient pas tous compris l’allusion, alors on y fait d’autres allusions. Mon autre scène préférée est à l’acte III quand les domestiques deviennent des invités, j’adore la musique. Sans compter les scènes avec Métella qui apprend au fur et à mesure qu’elle est une escorte de luxe pour ces hommes qui la courtisent. Il y a tellement de beaux moments que les gens vont vraiment s’amuser. Sans compter que «La Vie Parisienne» est la plus belle partition de Offenbach. Tous ses airs restent en tête. Sur une vingtaine de chansons, chacune est réussie musicalement.

Quelle est la suite pour les Productions Belle Lurette à l’automne?
On fait la version complète de «La Grande-duchesse de Gerolstein» d’Offenbach qu’on avait fait en version concert il y a 7 ou 8 ans. On veut continuer un peu sur la même lancée que Barbe Bleue qui a été un succès l’an dernier et reprendre nos versions concerts en version complète. Donc je serai la Grande-duchesse en travestie avec de 16 à 20 personnes sur scène.

L’an dernier, Info-culture a choisi ton spectacle «Barbe Bleue» comme meilleure mise en scène du théâtre musical 2015, comment as-tu perçu cet hommage?
(voir article Coups de cœur en théâtre musical 2015)

Ça n’a pas changé ma façon de travailler mais j’ai reçu ça comme une bonne tape dans le dos. Faut dire que ce spectacle avait été une belle aventure de gang. Quand on est arrivé le soir de la première, il n’y avait pas de trac, juste une belle excitation de présenter ce gros spectacle. En sortant, les gens nous disaient qu’on avait l’air d’avoir tellement de plaisir, mais c’était vrai. Avec tous les gros spectacles en nomination en 2015, je l’ai surtout partagé avec mon équipe parce que c’était un show de gang, ils le méritaient aussi.

Marie-Michèle Rivest (Folle-Verdure), Eugénie Préfontaine (Baronne) et Jocelyne Cousineau (Douairière)
Marie-Michèle Rivest (Folle-Verdure), Eugénie Préfontaine (Baronne) et Jocelyne Cousineau (Douairière)

D’une durée de 2 heures plus un entracte de 20 minutes, «La Vie Parisienne» promet d’en mettre plein la vue avec un rythme d’enfer et des voix superbes. La salle de spectacle choisie est très intime, ce qui permettra aux spectateurs de mieux apprécier les interprètes. Je recommande de voir «La Vie Parisienne» pour passer une superbe soirée.

Équipe de création
Mise en scène et chorégraphies: Étienne Cousineau
Pianiste : Pierre McLean
Productions Belle Lurette http://www.bellelurette.org/

 

Distribution
Thiery Dubé (Bobinet), Nathan Lelièvre (Gardefeu), Benoît Godard (Baron de Gondremarck), Michael K N R (Le Brésilien, Frick, Prospère), Serge Turcotte (Joseph, Alphonse, Gontran, Urbain), Etienne Cousineau (Gabrielle), Geneviève Bastien (Métella), Eugénie Préfontaine (Baronne de Grondemarck), Alexandrine Branchaud (Pauline), Jocelyne Cousineau (La Douairière de Qimper-Karadec) et Marie-Michèle Rivest (Léonie, Madame de Folle-Verdure).

Présenté en français à la Salle Claude-Léveillée de la Place des Arts de Montréal les 8 et 9 avril 2016 à 20h00.
Billets disponibles sur http://www.placedesarts.com/ et au 514-842-2112.

Photos (en répétition): Daniel Ouimet