Fendre les lacs, une poésie rurale et brutale, une grosse boule d’émotion et de tension dramatique qui nous tient en haleine pendant 1 h 45 minute!

Fendre les lacs
Fendre les lacs

Après avoir reçu des éloges à l’unanimité pour la pièce Fendre les Lacs, au théâtre aux Écuries à Montréal en mars dernier, Steve Gagnon et le Théâtre Jésus, Shakespeare et Caroline viennent enfin à Québec présenter cette poésie rurale et brutale au Théâtre Périscope du 12 au 30 avril 2016.

Synopsis

C’est l’histoire de huit personnages qui forment une petite communauté vivant dans des cabanes autour d’un lac, au milieu d’une forêt. Des hommes et des femmes qui ont des chenilles, des papillons,  des  peuples en migration dans les jambes et dans le ventre.  Louise (Claudiane Ruelland)  nourrit les oies, Thomas (Guillaume Perreault)  nourrit les loups; Adèle (Marie-Josée Bastien) ramasse les corps des animaux morts et les enterre derrière sa cabane, puis un jour elle découvre le corps d’un homme, le mari d’Emma (Véronique Côté), et le dépose devant la porte de cette dernière. Martin (Pierre-Luc Brillant)  revient acheter l’ancienne cabane de sa mère; Christian (Renaud Lacelle-Bourdon), l’homme éparpillé, aime Élie (Karine Gonthier-Hyndman), mais il vit dans la maison d’un vieux qu’on ne voit jamais, en attendant que celui-ci meure afin de toucher son argent. Et il y a Léon (Frédéric Lemay), qui tente obstinément de faire pousser quelque chose sur la tombe de son père, là où ne fleurissent que les champignons. 

Un jour,  Élie,  la femme marin,  décide de partir sur un bateau; Emma se prépare à mettre un oreiller sur le visage de ses fils; Thomas se met à manger les oies de Louise;Louise passe ses nuits,  nue,  au milieu du lac, à hurler comme un loup ; ils font  tout  ça  par  ennui,  pour  provoquer quelqu’un, pour provoquer le temps, pour lancer  un  appel,  par besoin urgent que quelque chose se passe, enfin. La forêt semble pour eux un obstacle énorme, un mur infranchissable, mais c’est la peur de devenir des hommes et des femmes qui les empêche de partir et qui les étouffe véritablement. Finalement, le lac leur apparaîtra comme la voie traversable, l’espace qu’il leur faudra fendre pour s’en sortir. 

Marie-Josée Bastien et Frédéric Lemay
Marie-Josée Bastien et Frédéric Lemay

Dans cette pièce, Steve Gagnon a imaginé une communauté isolée en forêt, en région. La pièce débute pendant que le public entre dans la salle. On voit ces habitants qui vaquent chacun à leurs occupations. Ils se regroupent pour prendre le repas ensemble tel un pique-nique sur le bord de l’eau. Le paysage est beau, la vie semble s’arrêter là… Puis Adèle arrive avec ce corps mort et tout bascule.

Peu à peu, par des monologues, des dialogues à deux, on apprend connaitre chacun de ces êtres. On sent leur mal de vivre, l’inertie dans laquelle ils s’enfoncent, telle la vase au fond du lac. Ils n’ont pas d’ambition, de rêves. Ils se noient petit à petit dans les eaux de leur lac.

Tout au long de ces petites scènes à deux, les autres personnes demeurent sur scène et se fondent dans le décor, pendant que se déroule une dispute, une discussion ou une confession.

Le texte de Steve Gagnon est une des grandes forces de cette pièce. C’est à la fois poétique, par l’utilisation de métaphores, de redondances, de répétitions, tout en étant bouleversant et brutal dans son propos. Bref, à l’écoute, il y a un rythme qui amène une poésie à ce qui est dit, mais en même temps le désœuvrement et le désespoir de ces êtres nous atteignent en plein cœur.

Pour rendre ces textes d’une manière aussi juste et remplie d’émotions, il fallait une pléiade d’acteurs de grand talent, prêts à se donner corps et âme dans leurs personnages. Et c’est exactement ce que ces huit acteurs et actrices ont fait.

Véronique Côté est criante de vérité dans le rôle de cette femme envahi par le manque de son mari et la douleur de son impuissance face à son fils qui cherche son attention en feignant le suicide. Frédéric Lemay, ce jeune ado démuni sans son père est tellement touchant et il s’investit totalement dans son rôle très physique, si bien qu’on a mal, juste à le regarde se flageller, se faire mourir.

Guillaume Perreault et Claudiane Ruelland
Guillaume Perreault et Claudiane Ruelland

Claudiane Ruelland est sublime dans son personnage de jeune femme en colère, tout en désespoir pour son Thomas qui ne lui accorde pas l’attention qu’elle désire. Son cri d’amour pour lui nous fend le cœur.

En fait, chacun des acteurs rend son personnage avec sensibilité, profondeur et crédibilité. Tour à tour, ils ont leur moment-choc, leur crise existentielle qu’ils nous crachent au visage, leur moment de désespoir qu’ils crient pour tenter de s’en débarrasser. Il y a plusieurs moments forts dans cette pièce, où le silence règne dans la salle, car on est tous suspendus à leurs lèvres, à leurs émotions qu’ils font rebondir partout. Que ce soit lorsque Martin, le personnage joué par Pierre-Luc Brillant raconte son secret et confronte Emma (Véronique Côté), ou encore lorsque Louise, fusil à la main, fait un ultimatum à Thomas. Ou bien encore la bataille entre Adèle et son fils Christian dont elle n’accepte pas l’homosexualité. Tous ces moments sont chargés d’émotions, de tensions, et le spectateur en est pleinement éclaboussé.

la mise en scène, Marie-Renée Bourget Harvey
la mise en scène, Marie-Renée Bourget Harvey

Au niveau de la mise en scène, Marie-Renée Bourget Harvey a fait un travail remarquable. Elle a vraiment recréé le bord d’un lac, en mettant sur scène un énorme bassin d’eau, tout en largeur, qui devient le lieu central de la pièce et même un personnage en soi. Entouré de buches, de débris, et d’arbres épars, on a l’impression d’être au bord de l’eau dans cette forêt où vivent ces gens sans but, sans avenir, dans des cabanes, les uns collés sur les autres. En manque d’intimité, de projets de vie, ils vivotent, en harmonie avec la nature et les animaux. À l’occasion, on nous ajoute de la brume matinale pour recréer la paisible ambiance d’un matin au bord du lac. Et au niveau sonore, de la musique vient parfois s’ajouter pour amplifier le moment, pour faire la transition entre deux scènes.

Au final, Fendre les lacs est une grosse boule d’émotion et de tension dramatique qui nous tient en haleine pendant 1 h 45 minute.  Heureusement qu’il y a de l’espoir à la toute fin pour terminer cette soirée en sérénité.

Fendre les lacs est présenté au Théâtre Périscope

Du 12 au 30 avril 2016

Durée du spectacle : environ 1 h 45

Mardi et mercredi à 19 h

Jeudi et vendredi à 20 h

Samedi à 16 h

Texte et mise en scène
Steve Gagnon

Assistance à la mise en scène et direction de production
Adèle Saint-Amand

Régie
Amélie Bergeron

Décor
Marie-Renée Bourget Harvey
en collaboration avec Maude Audet

Costumes
Jennifer Tremblay

Éclairages
Martin Sirois

Musique
Uberko

Conseillers à la dramaturgie
Chantal Poirier
Jean-Michel Girouard
Mélissa Verreault

Compagnie
Théâtre Jésus, Shakespeare et Caroline

Distribution

Marie-Josée Bastien

Pierre-Luc Brillant

Véronique Côté

Karine Gonthier-Hyndman

Renaud Lacelle-Bourdon

Frédéric Lemay

Guillaume Perreault

Claudiane Ruelland

Pour faire l’achat de billets :

https://www.theatreperiscope.qc.ca/billetterie/achat-de-billets

https://www.theatreperiscope.qc.ca/

Crédit photos :  Daphnée Caron, Courtoisie Théâtre Périscope