La comédie musicale «The Producers»: du rire et des numéros de Broadway plus gros que nature

La comédie musicale «The Producers»
La comédie musicale «The Producers»

La comédie musicale «The Producers» détient le record de Broadway de 12 Tony Awards en 2001 (dont celui de la meilleure comédie musicale), et pourtant le Centre Segal des Arts de la Scène réussit l’exploit de renouveller cette oeuvre magistrale en unissant les forces du «Théâtre Yiddish Dora Wasserman» et «Côte-Saint-Luc Dramatic Society». Basée sur une comédie de Mel Brooks de 1968, la comédie musicale est beaucoup plus élaborée et contient des numéros de danse et de chant à grand déploiement. Écrit par Mel Brooks (musique, paroles, livret) et Thomas Meehan (livret), l’humour satirique de l’oeuvre réussit à se moquer du showbusiness à travers des personnages riches en couleur. Mais le Centre Segal présente une version toute spéciale avec les deux producteurs juifs qui parlent et chantent en Yiddish lorsqu’ils sont entre eux. Le spectateur peut suivre la trame quand même grâce à des sous-titres projetés sur le décor. Les autres parties du spectacle se déroulent en anglais.

Sam Stein (Max) et Mikey Samra (Leo)
Sam Stein (Max) et Mikey Samra (Leo)

L’histoire raconte les manigances du producteur Max Bialystock et de son comptable Leo Bloom pour préparer le pire flop de Broadway dans le but d’en retirer frauduleusement tous les fonds investis par un groupe de veuves riches. Ils trouvent un auteur, Franz Liebkind, qui voue un culte sans retenue à Hitler, autant dans la vie que dans son oeuvre. Puis ils engagent le pire metteur en scène de Broadway, Roger Le Bris, un homosexuel flamboyant appuyé par son assistant et partenaire de vie Carmen Ghia et toute une série de personnages aussi colorés les uns que les autres. Une blonde suédoise, Ulla, se joint au duo en tant que secrétaire. Le soir de la Première, Franz se casse une jambe et est remplacé par Roger qui fera du flop un succès foudroyant, ce qui enverra les deux comparses Max et Leo en prison. Mais comme toute bonne comédie américaine, un revirement de situation apportera une conclusion joyeuse et un grand numéro musical.

The Producers
The Producers

Le «Théâtre Yiddish Dora Wasserman» est la troupe de théâtre Yiddish la plus ancienne au Canada (1958). «Théâtre de Côte-Saint-Luc» qui célèbre sa cinquième saison est une troupe de jeunes (et moins jeunes) interprètes qui a gagné le Prix META de la meilleure troupe de théâtre communautaire. La réunion des deux troupes dans cette production allie l’expérience des professionnels à l’énergie de jeunes avides d’action scénique. Le résultat est un spectacle dense en talents captivant du début à la fin avec une quarantaine d’acteurs accompagnés d’un orchestre complet qui surplombe la scène de chaque côté. Pas un seul instant on ne regarde sa montre car les 2h55 (incluant entracte) roulent à un rythme fou. Surtout que les numéros avec 40 danseurs et chanteurs avec une multitude de superbes costumes agencés sont nombreux dans «The Producers». La quantité et la qualité des costumes et perruques est impressionnante.

Sam Stein (Max), Alisha Ruiss (Ulla) et Mikey Samra (Leo)
Sam Stein (Max), Alisha Ruiss (Ulla) et Mikey Samra (Leo)

Plusieurs interprètes se démarquent. À commencer par Sam Stein (Max Bialystock) dans le rôle principal. Son jeu efficace est toujours juste et crédible avec toutes les nuances pour nous faire rire de bon coeur. Il chante d’une belle voix mature avec beaucoup de caractère. Ses chansons montrent les couleurs et la puissance de sa voix, tout spécialement dans sa chanson «Prisoners of Love». Mikey Samra en comptable (Leo Bloom) impressionne surtout par son jeu expressif. Ses crises et ses remises en question sont poussés juste assez loin pour qu’on n’ait pas besoin de connaître le Yiddish pour le comprendre. Vocalement il a quelques bons moments, surtout dans «We can do it». Alisha Ruiss en blonde suédoise volupteuse (Ulla) impressionne par sa performance vocale à chaque chanson. Ses envolées lyriques autant en voix de tête qu’en belting avec puissance sont sa signature, tout particulièrement dans sa chanson «When You Got It, Flaunt It». Sa présence et son jeu apporte plusieurs bons moments avec Max et Leo.

Elan Kunin (Franz) et ses pigeons
Elan Kunin (Franz) et ses pigeons

Elan Kunin en allemand (Franz Liebkind) est un pur délice. Toujours juste, sa chanson «Der Guten Tag Hop Clop» avec ses pigeons est un moment fort du premier acte. Il joue gros et loufoque, aux limites du ridicule, ce qui fait que ça fonctionne. Jonathan Patterson en metteur en scène gay (Roger De Bris) est le clou du spectacle. Son jeu flamboyant n’a d’égal que sa voix solide et puissante. Ses mouvements et son jeu dans «Springtime for Hitler» réussissent parfaitement la satire totale pour se moquer d’Hitler. Celui qui joue son partenaire de vie, Ryan Kligman, nous donne aussi de bons moments comiques comme faire-valoir.

En plus des interprètes principaux, on remarque Brandon Schwartz en blond nazi qui chante d’une voix solide le numéro «Springtime for Hitler». Et quelle surprise de voir le nouveau maire de Côte-St-Luc, Mitchell Brownstein, qui fait bien sa place dans le rôle du juge. Le groupe de femmes agées dans le rôle des veuves est aussi une belle trouvaille qui donne un charme à certains numéros. Même si les chorégraphies sont simples, les numéros sont un plaisir pour les yeux. «I wanna be a Producer», «Keep It Gay» et la finale avant l’entracte sont particulièrement réussis. La sonorisation est exceptionnelle, ce qui permet de bien entendre chaque instrument et chaque voix, même lors des harmonies complexes comme dans «Springtime for Hitler». Les décors sont esthétiques et s’harmonisent bien au style de l’époque des grands spectacles de Broadway. Par contre lorsque le rideau est fermé, il est parfois difficile de lire les sous-titres sur les plis de ce dernier.

Jonathan Patterson (Roger De Bris)
Jonathan Patterson (Roger De Bris)

Entre le tiers et la moitié du texte et des chansons est en Yiddish, ce qui peut rebuter quelques uns, mais je dois avouer qu’il est facile de suivre les sous-titres anglais et français. De toute façon, c’est une belle occasion de s’initier au Yiddish, une langue qui coule bien et fait partie d’une culture bien vivante ici. Une histoire déjantée et des répliques à se rouler par terre, 40 interprètes talentueux et énergiques dans de beaux décors, sans compter les centaines de costumes et un excellent orchestre qui sonne comme une tonne de brique, «The Producers» possède tout le nécessaire pour divertir. Pour toutes ces raisons, je recommande fortement «The Producers» du Segal pour toute la famille et surtout aux amateurs de comédies musicales.

Les bons coups: bons interprètes dans les rôles principaux, voix, orchestre, costumes, décors, sonorisation

Les moins bons coups: sous-titres difficiles à lire parfois si on veut pas manquer l’action

Elan Kunin (Franz), Jonathan Patterson (Roger), Mikey Samra (Leo) et Ryan Kligman (Carmen)
Elan Kunin (Franz), Jonathan Patterson (Roger), Mikey Samra (Leo) et Ryan Kligman (Carmen)

Équipe de création
Direction artistique: Tydw Bryna Wasserman
Mise en scène: Anisa Cameron
Direction musicale: Nick Burgess
Chorégraphie: Jonathan Patterson et Shauna Feldman
Traduction du livret en yiddish: Miriam Hoffman
Traduction des paroles en yiddish: Raizel Candib et Aron Gonshor
Décors: Jeremy Gordaneer
Costumes: Louise Bourret
Éclairages: Luc Prairie
Sonorisation: Peter Balov

Distribution
Stephen Booth, Sam Boucher, Herbert Brownstein, Mitchell Brownstein, Danielle Buch, Arielle Buch-Frohlich, Toby Clark, Bailey Cohen-Krichevsky, Chloé Edwards, Paula Wolfman Frank, Janet Garmaise, Annabel Gutherz, Helen Gwiazda, Nicola Hanchet, Renée Hodgins, Amber Jonas, Kassie Kardos, Judy Kenigsberg, Betty Kis Marer, Ryan Kligman (Carmen Ghia), Naomi Krajden, Elan Kunin (Franz Liebkind), Emma Loerick, Stephen Maclean Rogers, Gabriel Maharjan, Jeanne Motulsky, Jonathan Patterson (Roger De Bris), Karyn Pellat-Caron, Jonah Presser, Robert Presser, Alisha Ruiss (Ulla), Mikey Samra (Leo Bloom), Brandon Schwartz, Hannah Sheffren, Beverley Silverman, Kenny Stein, Sam Stein (Max Bialystock), Ari Sterlin, Miranda Tuwaig, et, Corina Vincelli.

«I wanna be a Producer»
«I wanna be a Producer»

Orchestre
Nick Burgess, Daniel Fuchs, Beth McKenna, Paul Carter, Frédéric Bourgeault, Mike de Masi, Peter Colantonio.

Présenté en Anglais et en Yiddish (avec sous-titres anglais/français) du 19 juin au 10 juillet 2016 au Centre Segal des Arts de la Scène (5170 Côte-Ste-Catherine, Montréal).

Billets (58$-64$/52$-57$ aîné/40$ moins de 30 ans/32$ étudiant) disponibles au https://tickets.segalcentre.org/TheatreManager/1/online?performance=4834 ou au 514-739-7944.

Photos: Andrée Lanthier