« White like me » ou comment supporter la différence ?

White like me © Mark Brutsche
White like me © Mark Brutsche

Le Casteliers n’est pas seulement ce festival annuel de Marionnettes que le public montréalais – petit et grand – a le bonheur de retrouver depuis plus de dix ans quand le printemps revient. C’est aussi une programmation de plusieurs spectacles, tout au long de l’année, et dans différentes salles.

Dans le cadre du Casteliers, le théâtre des Écuries présente White Like Me, une création loufoque, délirante et extrêmement comique de l’Américain Paul Zaloom.

Paul Zaloom est sûrement un peu fou. On l’imagine passant son temps à fouiner dans les ventes de garages les plus poussiéreuses pour dénicher toutes sortes de petits objets inutiles et plutôt encombrants, jouets de mauvaise qualité, figurines animales, humaines ou extra-terrestres, peluches élimées, petites voitures, théière kitch, gadgets sans intérêt, plastiques d’emballages et autres matériaux ou objets dont on n’ose pas se débarrasser parfois mais qui ne servent strictement à rien. De tout cela, grâce à sa verve et à son habileté, Paul Zaloom (en collaboration avec Lynn Jeffries) a le génie d’imaginer et de monter un spectacle de marionnettes d’objets totalement délirant et 100% comique.

Le spectacle se divise en deux parties. Dans la première, Paul Zaloom explique qu’à l’occasion d’une vente de garage – justement – il a déniché pour la somme dérisoire de 5$, une marionnette cachée dans une vieille boite en carton. Le vendeur a seulement exigé de lui qu’il déballe la marionnette quand il sera rentré chez lui : c’est la condition pour le prix ridicule de ce si bel objet. Et Paul de déballer devant nous la dite-boite et d’y découvrir, en effet, une magnifique marionnette de ventriloque qui démarre aussitôt une discussion des plus intéressantes avec son nouveau propriétaire. C’est que la marionnette est restée enfermée dans sa boite pendant 50 longues années. Depuis 1966, l’Amérique a bien changé et c’est ce que révèle la discussion entre Paul et ce monsieur Butch Manly – marionnette blanche de son état – qui découvre tout à coup (sous le filtre de ses préjugés), les téléphones intelligents et toutes leurs fonctionnalités, l’institution du mariage homosexuel ou le fait qu’un Afro-Américain est devenu président des États-Unis…

White like me © Mark Brutsche
White like me © Mark Brutsche

Dans la deuxième partie du spectacle, Paul Zaloom se retrouve dans son fouillis d’objets et raconte sur un petit théâtre miniature, mais projeté en direct sur un écran vidéo en fond de scène, l’aventure d’un homme blanc (au double sens du terme, caucasien et revêtu de la combinaison spatiale des astronautes) venu des espaces intergalactiques pour « civiliser » la planète bleue remplie de petits Alien verts…

Si la première partie du spectacle était entièrement en anglais avec des sur titrages français, la seconde est un savant mélange d’anglais, de Yiddish, de français de France ou du Québec, et d’autres charabias. Le tout fourni un spectacle des plus comiques et délirants. Toutes les réalités et surtout les clichés actuels y passent, de la pollution spatiale à Fox News, en passant par le bodybuilding, le droit américain de posséder une arme à feu, la soi-disant philanthropie de certains milliardaires, la folie des Pokémons ou le cinéma français d’avant-garde et, bien sûr, la question des minorités. Car comme l’explique Paul Zaloom lui-même, le spectacle White like me a une double origine, son bonheur et sa fierté d’avoir vu que les États-Unis pouvaient se doter d’un président noir et le sentiment étrange de sentir que dans un avenir proche, les blancs seraient minoritaires dans son pays.

Un spectacle très comique qui permet de réfléchir à la vaste question de l’identité. On y rit beaucoup et de bon cœur, même si certaines références typiquement américaines peuvent échapper au spectateur non spécialiste des États-Unis. Le spectacle est tellement riche qu’il en reste bien assez pour passer un excellent moment.

White like me, A Honky Dory Puppet Show, du 3 au 5 novembre 2016, au Théâtre aux Écuries à Montréal

Castelliers

Texte et mise en scène : Paul Zaloom et Lynn Jeffries

Direction et textes additionnels : Randee Trabitz

Construction des décors : Sandy Adams

Conception des marionnettes et fabrication : Conrad Hartz

Une production de Paul Zaloom et Lynn Jeffries

Informations : http://casteliers.ca/