« Amour, acide et noix », de Daniel Léveillé au théâtre de La Chapelle à Montréal

Amour, acide et noix © John Morstad
Amour, acide et noix © John Morstad

Quatre danseurs, trois hommes et une femme, quatre corps humains qui se présentent totalement nus sur la scène vide du théâtre de La Chapelle, dans le silence d’abord, puis sur une interprétation assez contemporaine des Quatre saisons de Vivaldi.

Pas de décor, pas d’artifice, pas de costume de danse. Les corps tentent de s’élever dans les airs et se réceptionnent avec lourdeur, accroupis et immobiles, sur le sol. Avec une maîtrise parfaite, les gestes sont volontairement brusques, l’immobilité est totale, des sortes de convulsions involontaires semblent parfois s’emparer des bras ou des mains des danseurs. Aux Quatre saisons succède un morceau de Hard Rock ou de Heavy metal, violent, pour un duo mixte. L’homme et la femme se touchent mais se regardent à peine. De nouveau ils sautent le plus haut possible mais pour retomber lourdement sur le sol et s’immobiliser encore. Les autres séquences de danse, en solo, en duo, à trois ou quatre danseurs rassemblés, reprendront la musique de Vivaldi, des moments de semi-silence ou un étrange exposé en anglais sur le comportement des oiseaux…

Et c’est un peu à l’observation de quatre « drôles d’oiseaux » que m’a fait penser la performance chorégraphiée par Daniel Léveillé. L’humanité n’existe pas à l’état de nudité. Dans toutes les sociétés humaines, on a pris soin de se vêtir, de recouvrir le corps d’accessoires, de tatouages ou de scarifications, mais jamais de laisser le corps nu, et sans considération de lieu, de temps ou de climat. Toute société possède son code de la pudeur, plus ou moins contraignant. Il n’y a que dans le jardin d’Éden, nous raconte la Bible, c’est-à-dire avant l’émergence d’une humanité telle que nous la connaissons, que les humains vivaient nus. Et même si l’art s’est emparé du nu depuis longtemps déjà, la performance Amour, acide et noix, m’a permis de réfléchir au rapprochement amoureux de l’humain dans sa dimension strictement animale, « naturelle », c’est-à-dire antérieure (en supposant cette hypothèse recevable, ce que toute l’anthropologie dément aujourd’hui) à l’émergence de la culture.

Qu’en est-il des parades nuptiales des humains à qui on retirerait leurs caractères humains ? Comment un humain s’y prendrait-il pour convaincre un partenaire éventuel de s’accoupler avec lui, s’il en était à un état d’évolution précédant tout langage et donc toute séduction ? Si les danseurs font tant d’efforts pour se décoller du sol, la lourdeur de leurs corps les contraint à retomber sur terre et à chercher consolation dans le rapprochement avec leurs congénères…

Amour, acide et noix est le premier opus de ce qui est devenu une trilogie qui comprend La pudeur des icebergs et Crépuscule des océans.

Amour, acide et noix © John Morstad
Amour, acide et noix © John Morstad

Les spectateurs du théâtre de La Chapelle de Montréal peuvent assister à Amour, acide et noix du 12 au 14 décembre et à La pudeur des icebergs du 15 au 17 décembre 2016.

Amour, acide et noix, création de Daniel Léveillé

Production Daniel Léveillé Danse

Avec Mathieu Campeau, Esther Gaudette, Justin Gionet, Emmanuel Proulx

Informations : http://lachapelle.org/fr/amour-acide-et-noix