Album de finissants

 

Album de finissants crédit photo Marie-Ève Fortier
Album de finissants crédit photo Marie-Ève Fortier

Une ordonnance théâtrale à prescrire à la société adulte

Véritable hommage à l’adolescence, Album de finissants met en scène 5 comédiens professionnels soit Dany Boudreault, Xavier Malo dont la performance est remarquable, Joseph Martin, Michelle Parent, Annie Valin et, pour la représentation à laquelle j’ai assisté, les élèves du Collège de Champigny, qui sont un des deux chœurs de 20 élèves de secondaire 5 de Québec à participer à la pièce. Point de départ et terreau de la création, le texte de Mathieu Arsenault est une radiographie troublante de l’école, qui perce la façade des sourires obligatoires pour nous plonger directement dans la tête des adolescents.

Avant que la première période ne commence, car ici on parle de période comme à l’école et non d’acte, le théâtre est imprégnée d’une ambiance sonore de placotage d’étudiants avant que les cours débutent.

Les étudiants et acteurs entrent un à un dans la salle de spectacle et prennent place à leur pupitre; la tête appuyée sur leur bureau, ils nous apparaissent inanimés…mais attention leurs cerveaux sont en pleine activité.

C’est entre poème et spoken word qu’un portrait cinglant de la jeunesse nous est présenté dans cette pièce criante de vérité. Gagnante du prix Cochonnailles «décerné à une production inclassable mais incontournable» (Gala des Cochons d’or 2014), Album de finissants ouvre un espace de parole aux adolescents, sous-représentés dans notre société. Ils ont 16 ans, rien n’est joué!

De nombreuses chorégraphies animent chaque période de cours.  Les metteurs en scène de cette pièce ont réussi admirablement à mettre des émotions sur des gestes synchronisés et des mimiques particulières à chacun. Les sons de tic-tac, de bruits de feuilles, de tapage sur les bureaux donnent un rythme énergique à cette présentation.  Qu’est-ce qui se passe dans la tête des ados rivés à leurs pupitres, alors que les minutes piétinent sur l’horloge de l’école? Que transmet-on vraiment à ces élèves assis en rang 1500 heures par année, rangés en ordre alphabétique, classés, notés, pressurisés? Quel savoir, quelles valeurs? Quel sens? Véritable acte de présence, Album de finissants convie les spectateurs, ados et adultes, à un face-à-face avec les finissants du secondaire, ces jeunes de «l’économie du savoir » qui sont aussi les adultes de demain.

Durant la représentation, nous vivons une journée de classe où les pensées des élèves se déversent en un flot où s’entrechoquent règles de grammaire, désirs lancinants, idées reçues, musique pop et quête éperdue de sens. Sur scène, le chœur de jeunes donne corps au texte tandis que les acteurs en portent les mots et en deviennent la voix.   Motivé, looser, je me trouve ridicule, liberté, vivre dans le savoir mais pas ailleurs, dans le papier pour préparer l’avenir…pu capable,  tous ces mots et phrases fortes en émotions aident à nous situer et nous faire comprendre l’état d’âme dans lequel vive nos ados c’est-à-dire l’amour, l’ennui, la peur, la révolte, l’espoir, le doute; ils nous expriment, à leur façon, tout ce qui traverse leur pensée alors qu’ils sont assis là, chacun derrière son petit pupitre.

À la finale de la quatrième période, une fois toutes ces émotions, ses mots, ses désirs, ce goût d’être ailleurs exprimés, une étudiante nous raconte qu’il s’agit de réflexions mais que sa place est sur les bancs d’école et que cette école n’est pas seulement le savoir, ni une prison, mais toute la vie toute sa vie. Les jeunes quittent le théâtre sur une note positive et nous montrent  les liens d’amitié, les amours, les relations, le savoir, les rêves créés durant toutes ses années scolaires.

Album finissants crédit photo Marie-Ève Fortier
Album finissants crédit photo Marie-Ève Fortier

Album de finissants est le fruit de deux ans de travail et de deux créatrices aux approches distinctes mais complémentaires : la première plus axée sur le lien entre l’art et la communauté, l’autre visant la rencontre entre les disciplines. Tandis que Michelle Parent (Pirata Théâtre) rassemble sur scène artistes et individus marginalisés, les créations d’Anne-Sophie Rouleau (Matériaux Composites) entrecroisent la danse, la vidéo, la performance, la littérature, le théâtre. Adaptation et mise en scène: Anne Sophie Rouleau Assistance à la création: Michelle Parent Assistante à la mise en scène : Marie-Ève Archambault Décor: Marie-Eve Fortier

Éclairages: Andréanne Deschênes

Vidéo: Josué Bertolino

Costumes: Marianne Thériault

Direction technique: Samuel Thériault

Production: Matériaux Composites et Pirata Théâtre

Représentations les  17  janvier, 19 janvier et deux représentations le 21 janvier (16h00 et 20h00) au Théâtre Périscope avec la participation des élèves de l’École Joseph-François Perrault

Représentations les 18 et 20 janvier au Théâtre Périscope avec la participation des élèves du Collège de Champigny

Pour toute info (horaire, billets disponibles et prix) : theatreperiscope.qc.ca

Photo: Marie-Eve Fortier