« Dialogues des carmélites », à l’Opéra de Montréal

Marianne Fiset © Yves Renaud
Marianne Fiset © Yves Renaud

Dialogues des carmélites est un opéra sur la mort, sur la peur, sur la peur de la mort, sur la période de la Terreur qui, durant la Révolution française, a fait tomber autour de 17 000 têtes par guillotine et fusillé de 20 à 30 000 personnes, sans compter quelques massacres épars… Autant dire que le sujet n’est pas très réjouissant. On croit souvent que la guerre est absurde, faute d’en comprendre les enjeux. Or c’est en général une folle mais claire idéologie qui est derrière, un camp ne supportant pas l’existence de l’autre (ce qui est fou en soi); cet autre pouvant éprouver des sentiments réciproques ou être simplement contraint de se défendre sans accepter de se faire tuer.

Mais ce n’est pas le parti que prennent les carmélites. Il est vrai qu’on se demande comment elles auraient pu entrer dans la bataille. Les Révolutionnaires s’en prennent à l’aristocratie et au clergé, pour changer la société. On ne fait pas dans le détail. Les carmélites appartiennent au clergé et mourront toutes décapitées.

Jusque vers 1935, Francis Poulenc ne s’est consacré qu’aux mélodies joyeuses, légères et frivoles dans cet entre-deux guerres où l’on voulait croire aux jours heureux. Mais la mort de deux proches et un pèlerinage à Rocamadour le font revenir à la foi catholique de sa famille. Parmi d’autres œuvres, il compose en 1955 le Dialogue des carmélites à partir d’un livret de Bernanos, basé lui-même sur une nouvelle en partie historique de Gertrud von Le Fort.

Blanche La Force, une jeune aristocrate, quitte son père et son frère, qu’elle aime beaucoup, pour entrer au Carmel. Sa motivation semble être la peur, la recherche d’un refuge, l’angoisse de la fin, l’éloignement de la mort. Or c’est la mort qu’elle rencontre presque immédiatement avec le décès de la prieure du couvent. Toute la première partie de l’opéra mis en scène par Serge Denoncourt se situe dans la lourde atmosphère du cloitre, d’une austérité étouffante qui, à l’exception d’un prologue présentant rapidement le frère et le père de Blanche (très belle voix du baryton Gino Quilico O.C) n’est composé que de femmes. Les voies sont belles mais toutes un peu ressemblantes. Se détache heureusement celle de la soprano Marie-Josée Lord dans le rôle de madame Lidoine, mais dans la seconde partie après l’entracte.

Marie-Josée Lord © Yves Renaud
Marie-Josée Lord © Yves Renaud

Là, avec l’arrivée des Révolutionnaires, paradoxalement, le spectacle reprend un peu de vie. La deuxième partie de l’opéra, avec de nombreux chœurs et beaucoup de figurants sur scène, mérite le déplacement. Le décor si dépouillé de la première partie s’anime et s’enrichit d’éclairages très bien faits et des nombreux acteurs. La musique est beaucoup plus relevée. La mise en scène ne tient pas compte du contexte révolutionnaire et situe l’action dans un XXe siècle indéfini qui ressemble à celui de la Seconde Guerre mondiale. Si esthétiquement c’est réussi, je ne suis pas sûre que le sens n’y perde pas un peu de sa substance.

Dans cette deuxième partie, le duo presque amoureux que forme Blanche (la soprano Marianne Friset) et son frère le chevalier de La Force (le ténor Antoine Bélanger) est très beau du point de vue musical, les prières collectives sont superbes et surtout la dernière scène avec les instruments de l’orchestre qui évoquent le couperet de la terrible guillotine est particulièrement émouvant et donne à penser à toutes les têtes qui tombent dans notre époque troublée.

Dialogues des carmélites, les 28 et 31 janvier, 2 et 4 février 2017 à l’Opéra de Montréal

Dialogues des carmélites de Francis Poulenc

Mise en scène Serge Denoncourt

Avec Marianne Fiset, Marie-Josée Lord, Aidan Ferguson, Mia Lennox, Magali Simard Galdès, Gino Quilico O.C., Antoine Bélanger, Jean-François Rivest

Informations : http://www.operademontreal.com/