« Assoiffés » de vie, jusqu’à en mourir

Assoiffés © Jean-Charles Labarre
Assoiffés © Jean-Charles Labarre

Assoiffés © Jean-Charles Labarre

Adolescent, Boon voulait devenir un poète et pas l’anthropologue judiciaire qu’il est désormais, et qui le fait examiner les cadavres quand ils sont si décomposés et laids qu’ils sont méconnaissables. Bon élève à 16 ans, il faisait les devoirs de son frère et il a dû plancher sur un travail de taille : Au moyen d’un appareil enregistreur, enquêtez auprès des gens de votre quartier pour connaître leur perception de la beauté et tirez-en votre conclusion sous une forme théâtrale. Pas terrible, la perception de la beauté qu’ont les gens de son quartier… Alors Boon s’est mis à imaginer. Le devoir est-il devenu l’histoire de la pièce qu’on est en train de voir, qui traite de l’adolescence et d’une faim de vivre qui ne trouve pas satisfaction ?

Dans cette histoire on a deux personnages principaux, deux adolescents qui réagissent différemment à ce qui les révolte de la vie des adultes qui les entourent. Il y a Norvège, une jeune fille qui s’enferme dans sa chambre et dans le silence, envahie de l’intérieure par une pieuvre qui semble grossir et l’étouffer. Et puis il y a un garçon du même âge, Murdoch. Lui, il a décidé de parler, de parler sans jamais s’arrêter. Il parle sans arrêt, à ceux qui l’entourent, à lui-même et au monde.

Si pour dans la philosophie de Vladimir Jankélévitch chaque événement est toujours une première-dernière fois, Murdoch, de son côté, rêve que chaque chose, dans sa vie, ne soit faite qu’une seule fois. Car l’horreur, c’est la répétition, celle des questions, toujours les mêmes, des adultes qu’il transforme en grognements d’animaux, celle des animatrices de la télévision qui répètent sans arrêt les mêmes stupidités, celle de l’attente de l’autobus et du vide qu’on remplit en perdant son temps.

Dans une belle mise en scène de Benoit Vermeulen, des décors « anthropologiques » où la vidéo prend une place essentielle, avec des clips très réussis de l’enquête pour l’école ou du passage par l’autobus, une musique jouée en live par le brillant acteur Philippe Thibault-Denis qui interprète Murdock, la pièce produite par le théâtre Le clou répond bien à sa mission, parler des adolescents et s’adresser à eux.

Assoiffés © Jean-Charles Labarre
Assoiffés © Jean-Charles Labarre

On ressent tout le malaise propre à cet âge, au lieu de la bifurcation où il faut choisir une voie pour sa vie. Ce qu’il aurait fallu pour Murdock et Norvège, c’est qu’ils se rencontrent vraiment, le cours des choses en aurait sûrement été changé…

Assoiffés, du 8 au 25 février 2017, au Théâtre Denise-Pelletier à Montréal

Production Théâtre Le Clou

Texte écrit par Wajdi Mouawad en collaboration avec Benoit Vermeulen

Mise en scène Benoit Vermeulen

Avec Rachel Graton, Francis La Haye et Philippe Thibault-Denis

Informations : http://www.denise-pelletier.qc.ca/spectacles/56/