Délicieux « Harold et Maude », au théâtre Jean-Duceppe

Harold et Maude © Caroline Laberge
Harold et Maude © Caroline Laberge

Lui est un tout jeune garçon qui ne sait rien de la vie. Il ne pense qu’à mourir ou plutôt à s’assurer qu’on l’aimerait – que sa mère l’aimerait vraiment – s’il se suicidait et mourait de mort violente. Elle est une très vieille dame qui a beaucoup vécu. Elle a côtoyé la mort dans les camps du même nom, sait ce que le mot signifie et savoure chaque parcelle de la vie à condition d’être consciente que tout est éphémère. À part l’âge, ces deux-là avaient tout pour se rencontrer, et c’est de cette rencontre insolite en apparence, de ce couple improbable entre tous que nous parle cette merveilleuse histoire, dont ceux qui connaissent le film se souviennent avec émotion.

Car Harold et Maude est d’abord le titre d’un film réalisé en 1971 par Hal Ashby sur la base du scénario de Colin Higgins. Si le film, surprenant pour l’époque, mit du temps à trouver son public, il est devenu depuis une œuvre culte qu’on ne se lasse jamais de revoir. Colin Higgins en avait imaginé l’histoire alors qu’il terminait à peine ses études de cinéma. Il en écrivit ensuite le roman qui sortit l’année suivante. Et l’année d’après encore, en 1973, une adaptation de Jean-Claude Carrière fut réalisée pour que l’œuvre soit jouée sur une scène de théâtre à Paris. C’est cette version légèrement adaptée à notre époque et au public québécois que le théâtre Jean-Duceppe présente, avec une brillante distribution de huit acteurs sur scène dont deux absolument parfaits pour les personnages principaux : Sébastien René en impeccable Harold dépressif, suicidaire et inventif, et Béatrice Picard en formidable Maude, exubérante, hors normes et fofolle comme il se doit.

L’adaptation du film en pièce ne va pas de soi et demande bien des astuces. Non seulement la mise en scène de Hugo Bélanger y pourvoie, mais elle s’agrémente de différents effets des plus intéressants : une scène mobile qui permet des changements de décor radicaux, et l’usage de la vidéo et d’une caméra gopro qui filme en très gros plan les selfies et autres effets qu’Harold en garçon de son temps, apprécie d’utiliser pour conserver ses scènes d’horreur.

Harold et Maude © Caroline Laberge
Harold et Maude © Caroline Laberge

Mais ici, l’horreur n’est mise qu’au service du comique, du loufoque, de l’insolite, et suscite beaucoup de rires dans la salle. Chacun des personnages secondaires est parfait dans la pièce, la mère bien sûr, sorte d’aristocrate distante et presque résignée, mais aussi le psy lubrique, le curé pudibond, le général va-t’en guerre, les policiers stupides, la bonne effrayée et les trois prétendantes, chacune très comique dans son genre, sachant que certains acteurs incarnent plusieurs rôles.

Le contraste est total entre le sombre Harold et la colorée Maude, entre le milieu riche et guindé du jeune homme et l’ambiance bohême et fantaisiste et sans le sou de la nonagénaire. Et l’amour qui en émerge suscite à coup sûr une très grande et authentique émotion. Mais comme toutes les histoires d’amour de ce genre, Roméo et Juliette, et autres, la fin s’ingénue à séparer les amants. Sauf que cette fois, malgré la tristesse qui en découle, celle-ci est surpassée et fait place au désir de vivre et à une sorte de renaissance pour celui qui avait presque renoncé.

Harold et Maude, du 5 avril au 13 mai 2017, au théâtre Jean-Duceppe à Montréal

Texte Colin Higgins

Mise en sce?ne Hugo Be?langer

Adaptation Hugo Be?langer et Michel Dumont

Avec Be?atrice Picard, Se?bastien Rene?, Gary Boudreault, Luc Bourgeois, Jean-Marc Dalphond, Martin Héroux, Danielle Lépine, Marie-Ève Trudel