Labeur de Julie Bouchard, un si joli roman sur la vie, sur nos vies

Julie Bouchard, Labeur © : courtoisie
Julie Bouchard, Labeur © : courtoisie

Labeur, le terme sous-entend toujours la pénibilité. Le choix de ce titre pour le premier roman de Julie Bouchard illustre parfaitement ces 24 heures de la vie de ses personnages. 24 heures de travail, de labeur mais aussi 24heures d’une vie difficile à construire ou à déconstruire et qui occupe nos pensées durant notre travail comme deux vies en simultané. « …Partout sur la planète, des millions de travailleurs ouvrent les yeux à cette seconde précise et quelques-uns, les plus chanceux, auront dormi auprès de l’aimé, alors que d’autres, plus esseulés, auront eu de la difficulté à trouver le sommeil, et ce, malgré les 5 mg de somnifère avalés avant le coucher…Commence ainsi une autre journée de labeur où ils devront trimer, découper déplacer congédier, conduire, prier, transmettre, compter dépecer, surveiller, taper punir, ramasser, polir…Encore souffrir Encore souffrir, mourir un peu… ». Mais 24 heures aussi qui ne sont que le reflet de la vie quotidienne de ces « messieurs et mesdames tout le monde ». Car Labeur n’est pas le roman des exceptionnalités mais celui de tout à chacun : Gustave, chauffeur de bus, Olivia caissière de supermarché, Anna, étudiante, Gislain Rueff, intellectuel, Henri, professeur d’université, Césaire, agent de sécurité, Jean-Pierre, facteur, Romain G locataire, Augustin truand, l’homo néandertalien; Léon, éboueur, Marie, religieuse et même nous, le lecteur ou Julia l’auteure. Des vies en apparence éparses, isolées les unes des autres y compris parfois pour les personnages eux-mêmes et qui pourtant sont en interactivités connues mais non vécues ou ignorées. Des personnages comme notre monde en fabrique des millions et qui sont à la fois uniques et « génériques ». « …Pour me questionner j’aurais pu choisir n’importe quel pays, j’aurais pu m’arrêter sur n’importe qui…Il y a tant de gens dans une ville dont on ne s’inquiète pas, tant de gens qui travaillent à nos côtés et qu’on ne voit pas, à qui on ne parle pas, dont on ne s’enquiert jamais de la santé, du bonheur des envies des espoirs…. ». Des gens qui se croisent, qui influent tragiquement ou positivement sur la vie des autres d’abord dans l’anonymat de nos vies. Et puis tout à coup les interactions prennent corps par les choix et les actions des uns ou la force du hasard. Elles s’imposent à nous, bonnes ou mauvaises et nous devons, les intégrer dans le tracé de nos vies que nous pensions pourtant connaître sinon maîtriser. 24 heures c’est comme une vie entière un destin dans lequel le poids de la routine lutte avec l’impromptu pour façonner nos vies. Des journées où, en accéléré, de notre vie « … entre deux larmes vous vous posez cette question comme si elle surgissait de nulle part et que c’était la première fois que vous y pensiez : Est-ce vraiment la vie que je méritais?… ».

Comme dans son précédent recueil de nouvelles, Nuageux dans l’ensemble, l’auteure Julie Bouchard a cette capacité de nous entraîner dans la vie des autres comme si c’était la nôtre. Elle va même plus loin en nous intégrant, elle l’auteure et nous le lecteur, dans le cercle de ses personnages qui se croisent. Comme eux en lisant ce livre en en devenant partie prenante, « …vous marchez en pensant à votre vie, à votre petite vie… Maintenant vous vous reconnaissez? Vous êtes de ces imparfaits dans une vie imparfaite mais, bizarrement, cela ne vous ébranle pas l’âme tant d’imperfections. Vous acceptez cette vie comme elle est avec résignation. Il y aurait pourtant tant de choses à accomplir. Mais vous dormez profondément…».
Labeur est un roman sensible, attachant et si juste sur le rythme de nos vies, sur ce que nous en faisons souvent au détriment de nous-mêmes et de nous-mêmes avec et envers autres. « …C’est donc de votre vie qu’il était qu’il est et qu’il sera question. De votre labeur, de vos aspirations. De ce que vous avez réussi ou non à faire de vos jours… » Laissez-vous entraîner dans ces questions que l’auteure nous pose sans jamais aucune condamnation ni à l’inverse mièvre commisération mais toujours avec délicatesse, humour et tendresse. Pour juste nous convaincre qu’il est sûrement encore temps de se réveiller, de réagir pour de pas « …souffrir, mourir un peu…. ». un premier roman qui confirme la qualité de l’écriture de Julie Bouchard que Nuageux dans l’ensemble nous avait permis déjà permis de découvrir et d’aimer.

Julie Bouchard.©  : Marc-Antoine Zouéki
Julie Bouchard.©  : Marc-Antoine Zouéki

À propos de l’auteure
Julie Bouchard est née et vit à Montréal. Elle a publié des textes dans différentes revues et son recueil de nouvelles Nuageux dans l’ensemble est paru en 2015 à la Pleine Lune. Éric Simard, dans Les Libraires, le commentait en ces termes « L’écriture est maîtrisée et on a affaire ici à une vraie voix littéraire. L’auteure, qui porte un regard lucide et plein de compassion pour le genre humain, arrive à la fois à le transmettre à tous ses personnages en quête d’une quelconque liberté et au lecteur, pris de compassion pour eux. » Labeur est son premier roman.


Labeur

Auteure : Julie Bouchard
Roman
Collection Plume dirigée par Marie-Madeleine Raoult
Mise en page : André Leclerc
Couverture : Lulie Larocque
Photo en couverture : Frédéric Bouchard
Éditions de la Pleine Lune : www.pleinelune.qc.ca
Version papier : ISBN 9782890244740 – 20,95 $
Version PDF : ISBN 9782890244757 – 14,99 $
Version ePub : ISBN 9782890244764 – 14,99 $
© photo : courtoisie
© photo de l’auteure : Marc-Antoine Zouéki