Le Déclin de l’empire américain, un tour de force magistral pour remanier ce film culte en une pièce de théâtre actuelle qui conserve la charge émotive des personnages et le propos original du film.

Le déclin de l'empire américain
Le déclin de l’empire américain

Après avoir connu un énorme succès à l’Espace Go récemment, c’est au tour du Carrefour international de théâtre de Québec de présenter la pièce Le Déclin de l’empire Américain, du 8 au 10 juin, au théâtre de la Bordée.  

Reprendre trente ans plus tard le film culte de Denys Arcand, pour en écrire une pièce de théâtre actuelle, avec un scénario revampé, tout en gardant les répliques inoubliables et les scènes marquantes et en y amenant une nouvelle mouture de comédiens qui devront faire oublier les acteurs du film, tout en conservant l’essence même des personnages et leur dynamique, tel était le défi monstre de Patrice Dubois et Alain Farah. Et personnellement, je crois qu’ils ont totalement accompli ce tour de force. La «fan fini» en moi de ce phénomène cinématographique, qui en connaît la plupart des répliques, n’au aucunement été déçue de cette version 2.0. Toutes les scènes importantes sont présentes, les acteurs, bien que différents et y apportant leur couleur propre à leur personnage, ont su garder les traits de personnalités marquantes de chacun d’eux, si bien, que même si au début de la pièce, on s’amuse à faire le lien et la comparaison entre chaque acteur et celui qui l’incarnait dans le film, on cesse bien vite se petit jeu lorsqu’on reconnaît que nos personnages fétiches ont gardé la même saveur.  De plus, le propos demeure le même, avec la plupart des mêmes répliques, mais en modifiant les références pour les rendre actuelles.

Décor épuré
Décor épuré

J’adore la mise en scène qu’ils ont en fait, avec un espace scénique épuré. Un grand carré surélevé vide avec un puits de lumière au-dessus, et tout autour, il y a les accessoires qu’on ajoute à l’occasion, tables, chaises, verres, et les vestiaires pour les changements de costumes. Donc, pas de coulisses. En fait, les coulisses sont sur la scène, puisque personne ne sort jamais de la scène. Ils s’éloignent plutôt du carré surélevé lorsqu’ils ne sont pas dans la scène principale.

J’adore aussi qu’ils aient conservé l’idée de la musique classique qui est omniprésente. Cela nous ramène l’ambiance créée par Denys Arcand. Et au final, je ressens les mêmes émotions après le spectacle que lorsque je regardais le film. Une autre belle idée originale, à mon avis, c’est de prendre un temps d’arrêt dans les dialogues, à plusieurs moments, pour faire interagir tout le monde en mode ralenti, comme dans une chorégraphie parfaite à neuf personnages. C’est de toute beauté et cela accentue la dynamique des scènes. Ainsi, la scène entre Marco et Judith, où l’amour féroce est au rendez-vous, devient une danse synchronisée et érotique. Tandis que la scène où les 8 personnages arrivent enfin au chalet et se retrouvent tous, est des plus poétiques avec leurs accolades toutes coordonnées.

Sandrine Bisson et Patrice Dubois
Sandrine Bisson et Patrice Dubois

Les personnages

Patrice Dubois, en plus de faire l’adaptation et la mise en scène, il incarne aussi le personnage que jouait Rémy Girard. Marié depuis 20 ans avec Catherine, il ne peut s’empêcher de baiser tout ce qui bouge.

Éveline Gélinas est Catherine qui était interprétée par Dorothée Berryman. Elle a totalement repris les mêmes traits de personnalités de son personnage et on a toujours mal pour elle quand elle cesse de nier la vérité et découvre son mari tel qu’il est vraiment.

Dany Boudreault reprend le rôle qu’interprétait Yves Jacques. Un homme gai qui se sent vivant lorsqu’il drague, même s’il se fait voler chez lui constamment. Une finesse et une justesse de jeu pour ce personnage, dont la maladie a été adaptée à la réalité d’aujourd’hui, alors que le sida était l’actualité des années 80.

Bruno Marcil incarne le personnage que jouait Pierre Curzi. Ce prof de littérature à l’université qui se fait faire une pipe par Sophie. On reconnaît sa confiance suprême de l’éternel célibataire.

Marilyn Castonguay que j’adore, dans tout ce qu’elle fait, est la Sophie qu’incarnait Geneviève Rioux. La scène de pipe au salon de massage est des plus suggestives et efficace! Quelle belle performance théâtrale des deux acteurs, qui donne le ton à la pièce dès les premières minutes de jeu!

Simon Lacroix est le petit jeune qui était joué par Daniel Brière dans le film. Un rôle moins extraverti que les autres, mais dans lequel Simon sait très bien se démarquer aux bons moments.

Sandrine Bisson, Marie-Hélène Thibault, Éveline Gélinas
Sandrine Bisson, Marie-Hélène Thibault, Éveline Gélinas

Marie-Hélène Thibault incarne l’historienne qui vient de publier un livre. Ce personnage fort qui était incarné par Dominique Michel, est repris avec aplomb par Marie-Hélène qui m’a vraiment épaté.

Sandrine Bisson incarne Judith, la chroniqueuse radio, amante de Marco, qui collait si bien à la peau de Louise Portal. Sandrine y a amené sa propre couleur et elle s’approprie ce personnage avec brio.

Et Jean-Sébastien Lavoie incarne Marco, rôle culte qu’avait Gabriel Arcand dans le film. Ce personnage est le seul dans la pièce qui a quelque peu été adapté au goût du jour, au point de n’être plus totalement ce qu’était le Marco du film, mais qui, dans la pièce actuelle, est une proposition très intéressante qui fonctionne. J’avais bien des attentes face à ce personnage et elles ont été comblées. J’ai embarqué totalement dans sa proposition.

Le discours qu’on nous propose dans cette pièce est complètement en lien avec la pensée d’aujourd’hui et des répliques du style «Il y a un déclin depuis que les femmes sont au pouvoir.» font naturellement sourciller et déclencher quelques réactions dans la salle. De même que la réplique de Claude (Dany Boudreault) qui dit adorer les petits culs des garçons de 12 ans, montre également des signes désapprobateurs dans la salle. Les relations de dominants et dominés sont au cœur des dialogues, dont le propos, avec comme bruit de fond la sexualité sous tous ses angles, nous ramène des sujets actuels comme Donald Trump, le terrorisme, et les attentats du 11 septembre 2001.

Les quatre filles
Les quatre filles

Au final, l’œuvre théâtrale qui nous est présentée est tout aussi bavarde que le long métrage.  Les idées fondamentales sont les mêmes, les enjeux et les références sont seulement revampés au goût du jour. Ceux qui ont adoré le film, vont assurément être emballés par la pièce. Ainsi, on redonne une deuxième vie à cette œuvre magistrale de Denys Arcand, avec des acteurs fabuleux et une mise en scène des plus originales et efficace.

Galerie de photos : https://www.flickr.com/photos/48796411@N07/sets/72157684215876816

D’après l’oeuvre de Denys Arcand
Adaptation Patrice Dubois et Alain Farah
Mise en scène Patrice Dubois 
Production Théâtre PÀP
Avec Sandrine Bisson, Dany Boudreault, Marilyn Castonguay, Patrice Dubois, Éveline Gélinas, Simon Lacroix, Jean-Sébastien Lavoie, Bruno Marcil, Marie-Hélène Thibault
Assistance à la mise en scène Catherine La Frenière
Régie
 Stéphanie Capistran-Lalonde
Décor Pierre-Étienne Locas
Costumes Julie Breton
Éclairages André Rioux
Conception sonore Larsen Lupin
Direction de production Marie-Hélène Dufort
Direction technique Jérémi Guilbault-Asselin
Codirection générale et direction administrative Julie Marie Bourgeois
Codirecteur générale et directeur artistique Patrice Dubois
Responsable du développement des publics et financement privé Véronique Grondines
Coordination générale et responsable aux communications Stéphanie Laurin
Concepteur graphique Lino (assisté de Julie Gauthier)

Juin 8 et 9 juin à 21h et samedi 10 juin à 17 h

Théâtre de la Bordée

En français, durée 1h25 minutes

ENTRETIEN AVEC LES ARTISTES

Jeudi 8 Juin  |  22h30 au Théâtre de la Bordée

Discussion avec l’équipe du spectacle.

 

Surveillez les dates en tournée à travers le Québec en janvier et février 2018

La pièce sera également présentée en supplémentaire du 12 au 27 octobre 2018 à ESPACE GO

http://www.carrefourtheatre.qc.ca/

crédit photos : Lise Breton