« Rose of Jericho », à voir à la Cinquième salle à Montréal

Rose of Jericho © Damian Siquieros
Rose of Jericho © Damian Siquieros

Il arrive parfois que les spectacles de danse contemporaine débutent avant même que les spectateurs se soient tout à fait installés sur leurs sièges dans la salle. C’est le cas de Rose of Jericho du chorégraphe américain Andrew Skeels. Sur la scène, des centaines de couvertures beiges jonchent le sol et semblent être triées lentement et tristement par six acteurs. Le sol est craquelé comme dans une atmosphère de très grande sécheresse. Les couleurs des costumes s’harmonisent avec le beige sableux des draps au sol. La silhouette d’une femme se devine au cœur du tas de linge inerte qui s’étend au centre de la scène.

Et lorsque, à l’heure dite, le spectacle démarre, le silence et l’immobilité des artistes suspend le temps pendant de longues minutes. On est alors transporté dans un univers étrange, atmosphère futuriste de destruction ou de fin du monde, ou encore, aux dires du chorégraphe, ambiance qui symbolise les mouvements de populations contraintes, pour survivre, à quitter leurs pays d’origine. Et c’est ce qui donne au spectacle son titre énigmatique mais en un sens plein d’espoir de Rose of Jericho. Car cette plante bien particulière, capable de supporter l’absence totale d’eau pendant de longues années, ne meurt pas et s’épanouit miraculeusement de nouveau dès qu’apparait la précieuse substance. Si toute l’atmosphère du ballet Rose of Jericho est entourée d’une certaine tristesse, demeure en arrière-plan la perspective tenace de cette force de rappel qui fait que tant que la vie est là, l’espoir d’un renouveau ne s’éteint pas.

Grâce à la belle chorégraphie d’Andrew Skeels, cela donne un ballet extrêmement beau et sensuel, extrêmement athlétique et fluide, où les danseurs conjuguent la danse contemporaine, avec le ballet classique et les danses de rues. Sur une très belle et mystérieuse musique où se fait parfois entendre des chants féminins en langue parsie, les danseurs effectuent, parfois simultanément sur la scène, des solos, des duos ou des danses collectives à sept dans lesquelles les corps se mêlent les uns aux autres dans des combinaisons incroyablement complexes, sensuelles, harmonieuses et ondoyantes. Les corps et leurs membres s’enroulent les uns aux autre dans des tourbillons incessants, mais toujours au rythme relativement lent de la musique. Le spectateur retient son souffle devant ces très beaux tableaux mouvants et complexes. Les moments les plus originaux à mon sens sont ceux où tous les artistes sont engagés dans une composition commune et où la coordination parfaite mais légèrement décalée donne l’impression du mouvement d’une plante aux tiges nombreuses qui se meut lentement et avec une certaine inertie au gré du vent qui l’entraine. L’ensemble est très réussi et très original. La performance des danseurs incroyablement exigeante et précise. On se demande comment ils arrivent à réaliser des mouvements si difficiles, bien sûr, mais même à les mémoriser tant ils sont précis, variés et savamment emmêlés.

Rose of Jericho © Damian Siquieros
Rose of Jericho © Damian Siquieros

La taille réduite de la Cinquième salle offre en plus l’avantage de donner à observer les artistes de très près, leurs corps magnifiques et jusqu’aux détails de leurs visages. Pour les vingt ans de Danse Danse, la programmation de Rose de Jéricho par la compagnie Skeels danse est une excellente occasion de découvrir cette superbe troupe et son excellent chorégraphe.

 

Rose of Jericho, du 10 au 14 octobre 2017, à la Cinquième salle de la place des Arts, à Montréal

Compagnie Skeels danse

Danse Danse

Chorégraphie Andrew Skeels.
Musique Sussan Deyhim, Richard Horowitz.
Costumes Wilber Tellez.
Couturière Nicole Barron.
Lumières Rasmus Sylvest.
Scénographie Sunny Doyle.
Assistante à la scénographie Gillian Nasser.
Accessoires Sophia Graziani.
Maquillage et photographie Damian Siqueiros.

Interprètes Alexandre Carlos, Etienne Gagnon-Delorme, Jessie Lhôte, Alisia Pobega, Odile Peters, Lila-Mae Talbot, Brett Andrew Taylor.

http://www.dansedanse.ca/fr