La pièce «Enfant insignifiant!» de Michel Tremblay: un petit bijou qui va droit au coeur

«Enfant insignifiant!» de Michel Tremblay

Le Théâtre Jean-Duceppe présente la nouvelle pièce de Michel Tremblay «Enfant insignifiant!» (13 décembre au 3 février) adaptée de son roman «Conversations avec un enfant curieux», et c’est à voir absolument. Drôle à souhait, on ne s’ennuie pas une seule seconde dans chaque tableau présenté comme un chapitre de livre. On assiste à des tranches de vie de l’auteur Michel Tremblay de 6 à 13 ans. Mais c’est au moment où il réalise ce qu’il veut faire de sa vie qu’il nous touche droit au coeur, comme si tous ces chapitres n’étaient qu’un prélude à l’émotion qui nous secoue soudainement à l’apogée du spectacle. Le jeu des interprètes est à la hauteur de l’oeuvre, tout comme la mise en scène sobre mais efficace et pleine de détails. «Enfant insignifiant!» est un grand succès et un spectacle à voir absolument.

L’histoire débute avec Michel Tremblay (adulte) assis à sa table de travail qui se rappelle les personnages de la pièce qu’il vient de terminer. Dans un décor magnifique de bord de mer, on assiste à une suite de tableaux entre Michel (enfant) et chacun des adultes qui ont fait une marque dans sa vie. Comme l’auteur se plait à le dire, ça prend un village pour élever un enfant. Chaque tableau autonome est une discussion entre Michel et un des personnages qui a mené à qui il est devenu. Sa mère Nana est évidemment au centre, puis son père, sa grand-mère, sa maîtresse d’école, sa meilleure amie Ginette et la Soeur directrice de son école. La ligne de temps n’est pas toujours directe, mais cette difficulté ne rend pas désagréable le voyage à travers de belles années d’un Québec sous la main mise du clergé (fin 40 et début 50) et des mères de famille.

Guylaine Tremblay (Nana) et Henri Chassé (Michel)

Le texte de Michel Tremblay est riche tout en étant dans un langage populaire. Il réussit à nous faire comprendre son amour du jeu des mots, le cinéma, ses questionnements sur la religion et j’en passe. Tout ça pour amener une scène finale intense où il montre à sa mère qui il est vraiment et la place qu’il occupe dans notre société. Rempli d’un humour naturel, il nous faire rire à chaque minute. Pourquoi! un mot qui est incessant chez lui qui exaspère tous ses personnages mais qui est aussi le rythme de sa pièce. On se sent emporté dans son monde, on rit, on s’amuse, on s’intéresse, mais on découvre seulement à la fin que ce n’était que le préambule d’une incroyable aventure.

Ce texte serait vide si ce n’était d’une incroyable interprétation de ses personnages, tous incarnés merveilleusement. Henri Chassé dans le rôle de Michel Tremblay soutient toute l’histoire. Il a trouvé le ton juste pour exprimer les mots d’un enfant sans être enfantin. Son petit Jésus et sa logique sur la Sainte Trinité sont à toute épreuve pour nous faire éclater de rire. Sa mère Nana, jouée par Guylaine Tremblay, en donne plus que ce que le client demande. Elle est intense à chaque apparition dans un des meilleurs rôles de sa carrière. On adore sa Nana. On est touché profondément par sa scène silencieuse à la fin.

Sylvain Marcel (père) et Henri Chassé (Michel)

Son père, joué par Sylvain Marcel, représente bien le père d’autrefois. Son amour pour Michel est évident, malgré ses responsabilités familiales qui l’obligent à être moins présent. Danielle Proulx, dans le rôle de la grand-mère têtue et obstinée, complète le portrait de la famille Tremblay. Même si elle se fait discrète et qu’on la sent sympathique, c’est sa force de caractère qui domine sa vraie nature. Comme une vraie grand-mère d’autrefois.

Isabelle Drainville dans le rôle de la maîtresse nous fait rire quand elle éclate, exaspérée par les questionnements de son trop brillant élève Michel. Elle est la cause du personnage de la Soeur directrice, jouée par Michelle Labonté, qui réussit le défi de nous ramener au temps des soeurs avec son phrasé et son ton moralisateur. Même si elle se donne un air sévère, son non-dit la rend très sympatique. La jeune Gwendoline Côté joue la meilleure amie de Michel, Ginette. Ses discussions avec lui permettent de parler simplement de son orientation avec des mots d’enfant.

Henri Chassé (Michel) et Danielle Proulx (grand-mère)

Tous ces talents bénéficient d’une mise en scène soignée de Michel Poirier qui a tissé les liens entre tous les tableaux et les personnages. Je m’en voudrais de ne pas mentionner la scénographie, surtout le décor magnifique qui rappelle nos vacances à la plage d’autrefois, sur des éclairages et des projections superbes. Vous serez captivé pendant 1h50 (sans entracte) par «Enfant insignifiant!», une pièce de théâtre drôle mais aussi très touchante qui plaira à tous. Je recommande fortement de voir ce spectacle.

Henri Chassé (Michel) et Isabelle Drainville (maîtresse)

Équipe de création
Texte: Michel Tremblay
Mise en scène/Adaptation: Michel Poirier
Décor: Olivier Landreville
Costumes: Mérédith Caron
Musique: Christian Thomas
Éclairages: Lucie Bazzo
Vidéo: Yves Labelle
Accessoires: Normand Blais

Distribution
Henri Chassé, Gwendoline Côté, Isabelle Drainville, Michelle Labonté, Sylvain Marcel, Danielle Proulx et Guylaine Tremblay.

Présenté en français au Théâtre Jean-Duceppe de la Place des Arts (Montréal) du 13 décembre 2017 au 3 février 2018.
Billets (28$-62$) sur https://placedesarts.com/fr/evenement/duceppe-enfant-insignifiant et 514-842-2112.

Photos: Caroline Laberge

Henri Chassé (Michel) et Michelle Labonté (Soeur directrice)
Henri Chassé (Michel) et Gwendoline Côté (Ginette)