La comédie musicale «Once»: un spectacle surprenant, romantique et touchant

La comédie musicale «Once»

Le Centre Segal ouvre sa saison avec la comédie musicale «Once», gagnante de 8 trophées Tony en 2012 dont celui de la meilleure comédie musicale originale. J’ai assisté à la Première sans aucune attente, et j’ai été agréablement surpris par l’intensité du spectacle. Oubliez la recette classique d’une comédie musicale, le concept de «Once» est global. Tous les interprètes font partie intégrante de l’histoire mais aussi de l’orchestre. Ou bien est-ce que c’est l’orchestre qui fait partie de l’histoire? Malgré un début lent, les personnages et les chansons nous touchent intensément au fur et à mesure qu’on embarque. Le texte est aussi riche en répliques pour faire rire, tout en réussissant à nous prendre aux tripes graduellement sans nous lâcher jusqu’à la fin. La musique de type folk est le coeur du spectacle, mais c’est l’attachement grandissant aux personnages et à ce qu’ils vivent qui font de «Once» un spectacle émouvant et touchant.

Greg Halpin (Guy)

Tiré d’un film de John Carney en 2007, «Once» pivote autour de la rencontre d’une jeune femme Tchèque qui se passionne pour les chansons d’amour d’un musicien de rue de Dublin qui est sur le point de tout abandonner. La chimie entre eux grandit et sa musique réunira des personnes qui auront un point commun, celui d’aller au bout de leurs rêves. Imprévisible du début à la fin, le récit touche des thèmes intemporels et universels, comme l’amour et l’amitié, le mélange des cultures et l’immigration, etc.

Dans les minutes qui précèdent le spectacle, les acteurs/musiciens interprètent des chansons dans le foyer du théâtre pour nous mettre dans l’ambiance. Après nous avoir invité à les suivre dans le théâtre, on est emporté dans une histoire qui pourrait être la nôtre. On a tous eu quelqu’un qui a passé dans notre vie et nous a métamorphosé, c’est ce qui arrive au personnage principal (Guy), joué à merveille par Greg Halpin. Son interprétation naturelle et sa voix juste et puissante apportent une réalité vraie au récit. Il est appuyée par Eva Foote dans le rôle de la jeune fille tchèque (Girl), apportant une intensité par sa voix chaude et sa sensibilité. Sa chanson solo «The Hill» est un point tournant et révèle une fragilité qui nous touche.

Sophie Paradis (Baruska), Eva Foote (Girl) et Mia Czarnecki (Ivonka)

Toute la technique sert bien l’ensemble. Le décor aux textures de bois renforce le côté rustique. Les éclairages apportent une intimité et isolent certains personnages quand tout le monde se retrouve sur scène, car il ne faut pas oublier que l’orchestre est composé de tous les acteurs. J’ai beaucoup apprécié la sonorisation qui se fait tellement discrète et naturelle qu’on l’oublie.

Musicalement étonnant, «Once» surprend par le fait que l’orchestre et les acteurs sont interchangeables d’une scène à l’autre. On peut seulement imaginer les difficultés à préparer les chansons pour le directeur musical, où chaque interprète doit jouer d’un instrument, chanter des harmonies superbes, jouer son rôle dans certains cas, et surtout écouter les autres pour donner un sens d’unité à la musique. La chanson thèque «Ej, Pada, Pada, Rosicka» est particulièrement entrainante. Les mouvements de danse des musiciens dans «Gold» impressionnent visuellement, tandis que «When Your Mind’s Made Up» dans la scène du studio surprend par sa métrique irrégulière. Mais c’est la chanson-thème «Falling Slowly» qui nous reste en tête longtemps après le spectacle.

«Once»

«Once» est un bon divertissement grâce à ses dialogues riches en rebondissements, et en plus il porte à réfléchir et nous prend dès la première note sans nous lâcher du début à la fin. Malgré un début un peu lent, l’intensité et la sincérité des personnages en font un spectacle à voir absolument pour tous ceux qui sont capables de rêver et d’apprécier le pouvoir de la musique qui nous connecte tous.

Les bons coups: interprètes, mise en scène, direction musicale, orchestre par les acteurs, chansons, dialogues.

Les moins bons coups: lent à démarrer.

Équipe de création
Livret: Enda Walsh
Paroles/Musique: Glen Hansard et Markéta Irglová
Mise en scène:Andrew Shaver
Direction musicale: David Terriault
Chorégraphie: Annie St-Pierre
Décors: Ken Mackenzie
Costumes: Amy Keith
Éclairages: Martin Sirois
Sonorisation: Brian Kenny
Projections: VideoCompany

À l’arrière: Olivier Gervais-Courchesne (Andrej), Bryan Quinn (Billy), Eric Digras (Eamon). En avant: Eva Foote (Girl) et Greg Halpin (Guy)

Distribution
Greg Halpin (Guy), Eva Foote (Girl), Eric Digras (Eamon), Olivier Gervais-Courchesne (Andrej), Al Goulem (Da), Jon-Alex MacFarlane (Bank Manager), Marie Mahabal (Reza), Sophie Paradis (Baruska), Bryan Quinn (Billy), Matthew Raudsepp (Svec), Justin Rutledge (Emcee), Mahalia Golnosh Tahririha (Ex-Girlfriend), Liv Simcha Chaimberg (Ivonka) et Mia Czarnecki (Ivonka).

Présenté en anglais du 7 au 28 octobre 2018 au Centre Segal des Arts de la Scène (5170 Côte-Ste-Catherine, Montréal).
Durée de 2h20 avec entracte.
Billets (67$) disponibles sur http://www.centresegal.org/ ou au 514-739-7944.

Photos: Leslie Schachter