Le baptême de la petite, au Périscope, un savant mélange d’humour, de légèreté et de malaises dérangeants. C’est jouissif!

Le baptème de la petite

Pour sa troisième pièce de la saison 2018-2019, le Théâtre Périscope présente, du 23 octobre au 10 novembre la pièce Le baptême de la petite. Cette sixième production de la Compagnie dramatique du Québec, en coproduction avec le Théâtre Les gens d’en bas,  a été présentée avec un franc succès au Théâtre du Bic à l’été 2018. Cette comédie grinçante porte une réflexion sur les traditions religieuses, telles que le baptême, le mariage à l’église, alors que de plus en plus de gens désertent ces mêmes églises.

Résumé : Le baptême de la petite raconte l’histoire d’une soirée catastrophique alors que Antoine (Maxime Denommée) et Maude (Marie-Hélène Gendreau) reçoivent Marie-Ève (Catherine De Léan,) et Rémi (Jean-Michel Déry) pour souligner l’adoption prochaine de leur fille de la Chine.  Devant l’anodine question du baptême, des divergences de points de vue majeures vont apparaître, multipliant les malaises et les conflits, les accusions et les trahisons.

Isabelle Hubert, prouve à nouveau avec cette pièce qu’elle est une très grande dialoguiste. Son texte percutant, fait le tour de la question des rituels de la religion catholique, avec des dialogues forts intelligents, amenant des arguments et des réflexions autant pour et contre ces traditions,  tout en y mélangeant humour, légèreté et malaises dérangeants. C’est jouissif!

À travers les divers tableaux de cette pièce, les sept sacrements sont présentés de diverses façons, interrompant parfois l’histoire qui est racontée, pour nous présenter par exemple la lecture d’une parabole, adaptée au goût du jour, où encore, en montrant des images de la confirmation, pendant une discussion.

vidéos et surtitres

Jean-Sébastien Ouellette, pour sa mise en scène, utilise les projections vidéo, sur les murs de la maison, de manière très pertinente. Il utilise même, au-dessus de la scène, des surtitres pour mettre en lumière chacun des sept sacrements, et de la musique de circonstance pour ajouter à son effet religieux. C’est très inventif comme idée.

Et que dire des acteurs, sinon, qu’ils sont excellents dans leur rôle respectif. Maxime Denommée, incarne l’ainé de la famille, celui qui veut plaire autant à sa blonde athée, qu’à ses parents  et sa sœur qui tiennent à leurs traditions. Il joue très bien le gars ambivalent, et ses moments avec sa sœur à se tirailler, se chamailler, sont du vrai bonbon. Son attachement à la langue française et son acharnement du bien parlé qui lui fait péter sa coche à l’occasion, sont un pur divertissement à mes oreilles.

Marie-Hélène Gendreau incarne la blonde athée, en contrôle, jalouse de sa belle-sœur qui, elle a réussi à avoir 3 filles, alors qu’elle doit faire tous ces compromis pour avoir un enfant à elle.  Marie-Hélène Gendreau excelle dans son personnage hautain, en contrôle, au jugement fort et c’est intéressant de voir comment l’alcool peut graduellement la transformer…

Le personnage de Rémi, joué par Jean-Michel Déry est succulent! Le chum viril de Marie-Ève est surtout perçu comme un réel «douchebag» pour les autres. Jean-Michel se promène finement sur la ligne du bon goût et du malaise. C’est un personnage qu’on aime bien détester. J’adore!

Catherine De Léan et Maxime Denommée

Mais, à mon avis, c’est Catherine De Léan qui ajoute le piquant à la sauce, qui est le catalyseur d’explosion, avec son personnage de Marie-Ève, divorcée, mère de trois fillettes, toutes baptisées. Elle est une banlieusarde, qui entretient une relation tendue avec son frère, basée sur un mélange de rivalités, de souvenirs tendres, de jalousies, de traditions et de malentendus divers. Mais surtout, Marie-Ève est adorable, lorsqu’elle dit des énormités,  sans s’en rendre compte, qu’elle crée des malaises par ses propos et qu’elle s’enfonce encore plus, lorsqu’elle tente de rattraper ses erreurs de jugement. Elle est délicieuse et on ne peut que l’aimer dans ses travers et sa façon qu’elle a de constamment se mettre les gens à dos par ses propos. Un rôle totalement déjanté et un défi de personnage que Catherine De Léan relève avec brio.

Au final, cette pièce dresse un portrait critique de notre société, sans repère, et amène son lot de questionnement sur les enjeux moraux et nos traditions religieuses qui ne font plus de sens. Avec une bonne dose d’humour et de légèreté, lors de cette soirée à la fois mémorable et catastrophique, où conflits, accusations et trahisons se multiplient, l’on découvre des personnages imparfaits, mais humains, dans lesquels on reconnaît nos valeurs, nos questions existentielles, nos propres inquiétudes et divergences de points de vue sur l’existence de Dieu, l’attachement aux traditions, les doctrines, le féminisme, le racisme, etc.

Une pièce à voir absolument pour vous divertir et bien rigoler, et qui saura assurément amener son lot de questionnements et discussions après la soirée.

 Crédits

Compagnies › La Compagnie dramatique du Québec et le Théâtre Les gens d’en bas

Texte › Isabelle Hubert

Mise en scène › Jean-Sébastien Ouellette

Assistance à la mise en scène › Anne Plamondon

Distribution › Catherine De Léan, Maxime Denommée, Jean-Michel Déry et Marie-Hélène Gendreau

Décor, costumes et accessoires › Marilou Bois

Lumière › André Rioux

Musique › Andrée Bilodeau et Patrick Ouellet

La Compagnie dramatique du Québec
Théâtre Les gens d’en bas
Théâtre Périscope

Photos : Suzanne O’Neil