Neuf [titre provisoire], de Mani Soleymanlou, une belle réflexion authentique, poétique, drôle et touchante !

Neuf (titre provisoire)

Pour amorcer le dernier week-end de ce 20e carrefour international de théâtre de Québec, le spectacle Neuf [titre provisoire], la toute récente création de Mani Soleymanlou qui fait suite à son cycle d’œuvres théâtrales « des chiffres » entamé en 2011, était présenté au grand théâtre de Québec le 7 juin dernier. Il y a eu Un, Deux et Trois, puis Ils étaient quatre, Cinq à sept et Huit. Ce sont toutes des créations mi-réalités, mi-fictives, ayant pour thèmes l’identité et les interactions sociales. Cette fois-ci Mani s’est penché sur la génération des baby-boomers et  a donné la parole à Henri Chassé, Pierre Lebeau, Marc Messier, Mireille Métallus et Monique Spaziani. Une pièce inspirante à laquelle plusieurs trouveront écho à leurs propres questionnements existentiels et leurs souvenirs collectifs.

Résumé : Réunis à l’enterrement d’un de leurs amis, Henri Chasse?, Pierre Lebeau, Marc Messier, Mireille Métellus et Monique Spaziani découvrent un texte inédit que celui-ci avait écrit peu de temps avant sa mort. Jouant leur propre rôle, ces comédiens d’expérience s’engagent dans un échange captivant. Ils énoncent avec une authenticité désarmante leurs idéaux, leurs élans, leurs regrets, leurs écueils, parlent de ce qui les étonne, les dérange et leur donne espoir, affichant le feu qui les anime. La rencontre des cinq complices prend des allures de catharsis jouissive ; ils font grincer des dents, rire et réfléchir.

J’avais vu en 2015, au carrefour de théâtre, les spectacles Un, Deux, Trois et j’avais été complètement conquise par la poésie et l’humanité des mots de l’auteur Mani Soleymanlou. Alors, il est certain que cette pièce Neuf [titre provisoire], m’a interpellé à plusieurs autres niveaux. Ainsi, cette pièce qui aborde les questionnements et donne la parole à des baby-boomers a titillé mon intérêt, puisque je suis de la fin de cette génération. Ensuite, avec des acteurs chevronnés comme Henri Chassé, Pierre Lebeau, Marc Messier, Mireille Métallus et Monique Spaziani qui ont participé à l’élaboration de la pièce en plus d’en interpréter les personnages, il était certain que nous allions passer une soirée mémorable.

Décor salon funéraire

Bien que cela se passe dans un salon funéraire, et que les lumières sont tamisées et qu’il y a une énorme croix et un cercueil sur scène, avec une musique de recueillement, l’ambiance est loin d’être triste ou funeste. Il y a des énormément d’humour dans les propos de ces acteurs qui jouent leurs propres rôles, ou presque… En amont de la pièce, les acteurs se sont réunis avec Mani pour discuter des grandes questions existentielles telles que la vie, la mort, la vieillesse, la nostalgie, les rêves, les bilans de vie. Bref, chacun a amené ses réflexions, anecdotes, souvenirs, questionnements et Mani en a extrait l’essentiel, a remanié le tout pour en faire un texte où chacun est à tour de rôle le narrateur en plus de se dévoiler sur ces grandes questions auxquelles ils ont bien réfléchis.

Marc Messier

Par exemple Marc Messier et Mireille Métallus se remémorent les événements marquants du FLQ en 1968-1970 selon leurs souvenirs et l’impact que cela a eu sur eux.  Pierre Lebeau s’indigne comme seul lui peut le faire, sur divers sujets tels que la culture qui se perd au détriment des émissions de cuisine à la télé. Il fait aussi une montée de lait sur le fait que les gens ne peuvent plus utiliser une cigarette sur scène sans que cela crée une polémique. Henri Chassé se questionne sur la fureur de vivre, sur la nécessité de ne plus perdre de temps pour des niaiseries, car la mort peut survenir à tout moment. Monique Spaziani avec Mireille Métallus, amène une réflexion nouvelle et fort intéressante sur les mots noir et nègre, versus le mot diversité. Ce sont tous des propos qui nous font plutôt rire à la base, mais surtout avec un bon fond de réflexion par la suite.

Il y a des moments touchants d’humanité alors que les comédiens nous parlent avec nostalgie de leurs écueils, leurs regrets. Il y a aussi une authenticité attendrissante lorsqu’ils parlent avec autodérision de leur corps vieillissant, leurs bobos, leur relation avec la mort.

À la fin de la pièce, je retiens les étincelles dans les yeux de Mireille Métallus lorsqu’elle parle de ses souvenirs de notre histoire collective. Je souris quand me reviennent en tête les répliques hilarantes de Marc Messier sur son égo qu’il a laissé à la maison. Je me remémore avec bonheur les propos libérateurs de Pierre Lebeau, alors qu’il s’indigne de manière jouissive. Je garde en tête l’idée de vivre pleinement le moment présent, tel que Henri Chassé nous le propose. Et je revisite avec ravissement les envolées gestuelles de Monique Spaziani qui illumine la scène lorsqu’elle se laisse aller à de petits moments de pure folie de danse.

Rire et réfléchir sur des sujets plutôt lourds et tabous comme la mort et la vieillesse, voilà comment on passe cette belle soirée.

discussion après le spectacle

Après le spectacle, le créateur Mani Soleymanlou ainsi que les interprètes, ont répondu aux questions du public.  Ainsi, on a appris que Mani a en tête la création d’au moins une ou deux autres pièces dans sa série des chiffres. Il y aura entre autres la pièce Zéro, qui serait ce qui s’est passé avant la pièce UN, et il songe à continuer avec le spectacle Dix.

Grand Théâtre de Québec, salle Octave-Crémazie

2 heures (sans entracte)

La prochaine représentation aura lieu samedi 8 Juin  à 16h.

Puis il y aura une tournée de 34 représentations dans diverses villes.

De Mani Soleymanlou (Montréal)

Interprétation et collaboration au texte Henri Chassé, Pierre Lebeau, Marc Messier, Mireille Métellus et Monique Spaziani
Assistance à la mise en scène et régie Jean Gaudreau
Costumes Cynthia St-Gelais
Éclairages Erwann Bernard
Musique originale Larsen Lupin
Direction de production Catherine La Frenière
Direction technique Jenny Huot
Coproduction Orange Noyée et Centre du Théâtre d’Aujourd’hui.

https://www.carrefourtheatre.qc.ca/

https://www.orangenoyee.com/

 crédit photos : Courtoisie du carrefour international de théâtre