Bilan du Marché de l’art en 2019

Selon le leader mondial de l’information sur le marché de l’art

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Source: ArtPrice

En résumé, voici les chiffres de ce 21ème Rapport du Marché de l’Art Contemporain, produit par ArtPrice. Ne cherchez pas le Canada dans ce rapport car il est inexistant sur la scène mondiale. Il faut descendre chez nos voisins du Sud qui, portés par une solide demande internationale dominent le Marché haut de gamme, face à la présence forte d’artistes chinois soutenus par leur bouillonnant marché intérieur.

64% du Marché repose sur 50 artistes

Plus de 71 000 œuvres réalisées par près de 22 000 artistes ont été vendues en 12 mois, mais le Marché de l’Art Contemporain a beau être d’une extraordinaire diversité, peu d’artistes ont véritablement “la cote”. La puissance financière du Marché repose en grande majorité sur 500 artistes ultra-performants, dont la vente d’œuvres représente 1,68 milliards de dollars (américains), soit 89% du chiffre d’affaires mondial.

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Plus de la moitié du résultat mondial (64%) provient de 50 artistes seulement, ceux présentant les investissements les plus compétitifs.

Les principaux acteurs du Marché de l’Art Contemporain étant les États-Unis, le Royaume-Uni et la Chine, les artistes issus de ces pays sont naturellement les plus efficients aux enchères: 71 des 100 artistes les plus performants sont de nationalité américaine, britannique ou chinoise. Les artistes chinois (33) dominent les américains (28) en nombre, mais la préférence américaine est révélée parmi les 10 meilleurs chiffres d’affaires annuels qui félicitent six américains, et ce par les plus hautes adjudications.

L’une des particularités du Marché chinois est la confiance qu’il témoigne aux jeunes artistes. HAO Liang (né en 1983), MI Qiaoming (né en 1986) et JIA Aili (né en 1979) sont les artistes de moins de 40 ans les plus performants à l’échelle mondiale. Cette génération montante est déjà millionnaire sur le Marché des enchères en Chine et à Hong Kong. Le succès de ces trois artistes – qui ont par ailleurs révisé leur record personnel en 2019 – doit tout à la ferveur des marchés chinois et hongkongais.

Côté Europe, les artistes les plus performants sont les Italiens Rudolf STINGEL et Maurizio CATTELAN, les Belges Harold ANCART et Luc TUYMANS ainsi que huit artistes allemands, dont Albert OEHLEN qui intègre le top 10 mondial. Son compatriote Anselm KIEFER révise, lui, son sommet au seuil des 4m$ avec The fertile crescent (????), une œuvre majeure de près de 10 mètres vendue non pas à Londres ou à New York, les deux poumons de son marché, mais à Pékin, chez China Guardian (3 juin 2019).

Face aux performances des Allemands, dix artistes français se hissent parmi les 500 élus, Robert Combas en tête. A la 50ème place mondiale, Combas a établi son nouveau record en avril avec Hécatombe (1992), une oeuvre vendue 303 700$ chez Cornette de Saint Cyr contre une estimation basse de 101 000$. Si l’artiste intéresse quelques collectionneurs américains et asiatiques, il n’a pas encore percé dans les salles de ventes étrangères et près de 90% de son produit de ventes est français. Il impose, malgré cette lacune, une formidable hausse de prix de +513% depuis l’année 2000.

Les contemporains français sont toujours absents des grandes ventes américaines, à l’exception cette année de Daniel BUREN qui commence à se faire une place sur le marché new-yorkais. En l’intégrant à sa vente du 15 mai, Christie’s a signé son nouveau record, près de 2,2 millions de dollars (américains), pour Peinture aux formes indéfinies (1966). Quelques autres signatures s’exportent timidement dans des sessions moins prestigieuses, dont Bernard FRIZE qui a passé les 100 000$ à Londres lors d’une vente de jour de Phillips (103 000$, Verte, 2003, 28/06/2019).

Deux artistes originaires d’Afrique du Sud sont représentés parmi les 100 meilleurs produits de ventes: Marlène Dumas (7,7m$) et William Kentridge (3,9m$). Les artistes d’Amérique latine font cruellement défaut parmi les 100 premiers, mais plusieurs se retrouvent classés dans le top 500, dont Gabriel Orozco, Bosco Sodi, Os Gemeos, Beatriz Milhazes, Adriana Varejão, Vik Muniz et Cildo Meireles.

Les trois piliers économiques du Marché de l’Art Contemporain sont Basquiat, Koons et Kaws. Ils tiennent à eux seuls 19% du résultat mondial, la vente de leurs œuvres (plus de 900) ayant généré 362,7 millions de dollars en 12 mois.

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Les femmes sur le Marché mondial

Les hommes dominent le Marché en nombre comme en valeur. C’est un fait depuis que l’histoire des enchères existe. Il y a 10 ans, six femmes seulement comptaient parmi les 100 meilleurs chiffres d’affaires annuels (Cecily Brown, Cindy Sherman, Jenny Saville, Rachel Whiteread, Marlene Dumas, Sherrie Levine). Les fortes disparités de prix se répercutent encore aujourd’hui dans leurs volumes d’affaires par rapport aux hommes. Les femmes restent aujourd’hui très minoritaires: 12 femmes pour 88 hommes se hissent dans le top 100 des artistes les plus performants.

La situation évolue car la place des artistes femmes est devenu un sujet de fond, particulièrement populaire, dans le champ de l’Art et du Marché. Une attention plus grande est portée aux femmes par les institutions, les curateurs, les critiques et désormais par les sociétés de ventes.

De timides prises de position émergent, lorsque Christie’s crée un micro-évènement à l’occasion de la journée internationale des Droits de la femme, invitant des experts à présenter leurs œuvres muséales favorites réalisées par des femmes; ou lorsque Sotheby’s teste une petite vente online exclusivement féminine (By Women, For Tomorrow’s Women, 1er mars 2019).

L’engagement des sociétés de ventes est essentiel pour espérer un rééquilibrage dans les prochaines années. Pour l’heure, les femmes sont minoritaires dans les sessions d’art d’après-guerre et contemporain de New York. La dernière vente de prestige de Sotheby’s affiche 23% de femmes, celle de Christie’s seulement 10% (15 et 16 mai 2019).

Cette sous-représentation se répercute dans le volume des adjudications millionnaires: seulement quatre artistes contemporaines se hissent parmi les 100 adjudications les plus remarquables en 2018/2019. Jenny Saville (7ème/19ème/36ème) est la plus performante, suivie de Julie Mehretu (31ème/92ème), de Cecily Brown (32ème/58ème/72ème) et de Marlene Dumas (93ème).

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L’Afrique dans le monde de l’art

Après 20 ans de tentatives plus ou moins fructueuses, la création africaine trouve enfin un écho auprès des collectionneurs internationaux. Une nouvelle ère s’ouvre pour cette scène contemporaine qui rayonne désormais à Venise et à New York.

Dans le précédent rapport du Marché de l’Art Contemporain (Chapitre “Afrique et diasporas”, 2017/2018), Art Price dressait le bilan de l’extraordinaire croissance de l’art afro-américain et afro-britannique, porté notamment par Kerry James MARSHALL, Njideka Akunyili CROSBY, Adam PENDLETON, Toyin Ojih ODUTOLA, Yinka SHONIBARE, Hurvin ANDERSON et Henry TAYLOR. Leur attention porte cette fois-ci sur les artistes du continent africain, aux cotes certes moins flamboyantes, mais de plus en plus demandés à l’international.

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La géopolitique de l’art

39% USA

La puissance américaine repose en effet sur un très faible nombre d’artistes. Cinq signatures, Jean-Michel Basquiat, Jeff Koons, Kaws, Christopher Wool et George Condo, constituent le véritable socle du Marché haut de gamme aux USA. La vente cumulée de leurs œuvres (485,5m$ en 12 mois) représente le quart du Marché de l’Art Contemporain mondial.

29% Asie

Hong Kong tient près de la moitié (46%) du Marché de l’Art Contemporain en Asie et 14% du Marché mondial. L’archipel mise beaucoup sur la croissance du secteur contemporain, qui représente 21% de son chiffre d’affaires Fine Art, contre 16% aux États-Unis et 8% seulement en France. Autre acteur important du marché asiatique, le Japon progresse de +38%. Ses 20m$ d’œuvres vendues placent le pays en 7ème position mondiale derrière l’Allemagne.Les collectionneurs tokyoïtes étant très consommateurs d’Art Contemporain, les transactions s’accélèrent dans la mégapole, avec 2 700 œuvres contemporaines vendues en 12 mois, contre 2 000 sur l’exercice précédent. Tokyo devient ainsi la 5ème ville mondiale en volume de ventes, juste derrière Pékin. Les ténors du marché occidental Gagosian, David Zwirner, Hauser & Wirth ou Thaddaeus Ropac, côtoyaient leurs équivalents asiatiques Kukje (Corée du Sud) et Tina Keng (Taïwan). Ces galeries ont fait un choix stratégique sachant que la petite île de 36 000 km² accueille 521 000 millionnaires pour à peine 23 millions d’habitants (rapport 2018 du Crédit Suisse sur la richesse mondiale). Au 4ème rang mondial selon le PIB par habitant (rapport des Perspectives de l’économie mondiale du Fonds monétaire international en 2018), classé devant Tokyo et Hong Kong parmi les villes les plus riches d’Asie (selon le City Wealth Index 2018 de Knight Frank), le hub de l’Asie du Sud-Est suffoque. La promesse d’une nouvelle foire, Art SG, a été reportée à 2020. L’un de ses directeurs n’est autre que Magnus Renfrew, à la tête des foires ART HK, Art Basel Hong Kong et Taipei Dangdai. Art SG pourrait donner un nouvel élan, ponctuellement, au commerce de l’Art à Singapour. Le marché des enchères subit, quant à lui, la trop forte concurrence de Hong Kong et Pékin.

23% Royaume-Uni

Le Royaume-Uni représente moins du quart du Marché mondial de l’Art Contemporain, contre 30% l’an dernier. Les performances se sont considérablement essoufflées ces derniers mois, avec 435m$ d’œuvres vendues contre 543m$ sur le dernier exercice, ce qui constitue une baisse énorme du chiffre d’affaires (-20%). Le Marché britannique se fait distancer de 300m$ par le Marché américain. Avec un résultat 10 fois supérieur au résultat français (43,9m$), 20 fois supérieur au résultat allemand (21m$), le Royaume-Uni conserve sa position dominante, notamment pour la vente des grandes signatures européennes.

2,3% France

Si les performances françaises (43,9m$) sont aujourd’hui 10 fois moindre que les britanniques, le contexte social n’est pas en cause. D’autres phénomènes de fond expliquent cette faiblesse. En premier lieu, les artistes contemporains français (contrairement aux artistes modernes) s’exportent mal et sont quasi absents des catalogues de ventes internationaux.

Les cotes s’en ressentent, excluant les Français des 100 meilleures adjudications de l’année. Même les artistes les plus valorisés du territoire, dont Robert COMBAS et Gérard GAROUSTE, peinent à trouver écho dans les salles de ventes étrangères.

En second lieu, Londres tient le marché haut de gamme de l’art européen face à Paris, dépourvue de résultat millionnaire sur le secteur. Ces deux constats déconnectent l’Art Contemporain français du Soft power international, malgré le succès d’estime dont bénéficient quelques artistes, comme Laure PROUVOST à la Biennale de Venise.

La qualité du Marché de l’Art français ne reposant ni sur le rayonnement de ses artistes, ni sur son positionnement haut de gamme, il se démarque néanmoins par sa densité et sa diversité. Les 7 700 œuvres contemporaines vendues en 12 mois font de la France le 3ème pays mondial pour les volumes de transactions.

Le résumé du résumé

– Le chiffre d’affaires mondial (1,89 Milliards de dollars américains) a doublé en 10 ans
– Les États-Unis et l’Asie se partagent 66% du Marché mondial
– Record absolu de 71 400 œuvres contemporaines vendues
– 21 996 artistes contemporains vendus, contre 10 243 il y a 10 ans
– Près de 20 000 nouveaux records
– Record absolu pour un artiste vivant: Jeff Koons atteint 91m$
– Sotheby’s est la première société de ventes mondiale (623m$)
– Seules quatre femmes dans le top 100 des adjudications
– La moitié des œuvres vendues pour moins de 1 000$
– Seulement 3% des œuvres vendues plus de 100 000$
– 284 nouvelles enchères millionnaires
– Un taux d’invendus mondial stable à 39%
– L’indice des prix de l’Art Contemporain progresse de +22%

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Art Price, leader mondial de l’information sur le marché de l’art
21ème Rapport du Marché de l’Art Contemporain